Chapitre 1. I.

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Gloire à celui qui nous entend,
Envoûté par nos chants,
Gloire à celui qui nous entend,
Qui en oublie ses champs...

La mer l'appelle à elle
Et pour toujours, loin du ciel,
Les vagues l'emporteront,
Et nous le garderons.

Les vagues l'emporteront, nous le garderons.

Mort à celui qui nous entend
Son prix sera le sang,
Mort à celui qui nous entend,
Vaincu par l'océan.

Emporté par les flots,
Sa peine noyée par l'eau,
Son corps, son âme couleront
Et nos voix le perdront.

Son corps, son âme couleront, nos voix le perdront.

Le chant fatal des sirènes, recueilli au premier millénaire par un faucheur.

Annale des découvertes, Ordre des faucheurs.

*

Les vagues azures dévoraient le sable d'une crique dissimulée, au sud de l'Angleterre. L'écume ivoire roulait sur les grains dorés dans le bruit du fracas de l'eau, répétitif, inlassable. La mer laissait en se retirant une trace de son passage, un sillon dans le sable que l'eau salée semblait s'empresser à recouvrir à nouveau, effaçant les traces de pas de mouettes ou d'un quelqu'autre animal traînant dans la crique à cette heure du jour, alors que le soleil descendait lentement vers l'horizon, à la fois lent et rapide.

Nul bruit, nul homme ne venaient rompre la paisibilité du lieu. L'air chargé de sel était doux, porteur des saveurs du grand large. Du haut des falaises qui entouraient la crique en un cocon protecteur, un jeune homme qui semblait ne pas dépasser la vingtaine d'années observait l'étendue bleue face à lui, qui s'étirait à perte de vue. Ses courts cheveux blonds reflétaient les rayons du soleil de la même manière que les grains de sable sur la plage, plus bas. Ses yeux d'un brun extraordinairement clair ne quittaient pas l'océan du regard.

Olaf attendait depuis un bon moment déjà. Depuis qu'une mouette s'était posée sur son bras un peu plus tôt dans la journée à vraie dire. Il n'en avait cure du temps qui passait, son observation maritime l'occupant bien assez. Après tout, il était un enfant de la mer, un gamin des ports... Soudain, ses traits nordiques se marquèrent d'une expression joyeuse tandis qu'un sourire souleva ses pommettes recouvertes de taches de rousseur.

Un bateau de pêcheur solitaire s'approchait du rivage, balloté par les vagues, luttant contre le courant. Surgissant d'entre les flots à intervalle régulier, la coque présentait les mots La Lorelei écrits en de belles lettres dorées. La vue de ce nom provoquait toujours dans le cœur du blond un sentiment familier. Il quitta son poste d'observation pour descendre sur la plage.

Lorsque l'embarcation s'échoua sur la bande de sable fin, une silhouette se dégagea sur le pont, se découpant dans les rayons du soleil couchant. Un homme à la forte carrure et au physique de marin tirait ses filets. Olaf attrapa la corde que lui lança le nouveau venu pour l'attacher à un rondin de bois servant de piquet. Son grand sourire chaleureux étirant toujours ses lèvres, il s'enquit :

« La pêche a été bonne ?

L'homme lâcha son filet sur le sable, laissant tomber au sol une créature hideuse venue des profondeurs. Le corps était celui d'un dauphin recouvert d'un duvet noir comme la suie alors que la tête laissait place à une gueule béante entourée de tentacules qui pendaient mollement dans le vide. Cette créature singulière ne provoquait qu'un sentiment de répugnance chez le jeune homme tandis que le marin sauta par-dessus le bastingage de son navire pour atterrir agilement près du monstre des abysses. D'un ton neutre et posé, il répondit :

Les Faucheurs III - Chant MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant