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TROISIEME TRIMESTRE

Équation à plusieurs inconnues.

Le professeur Lescure marchait de long en large sur l'estrade devant le tableau noir. La salle de philo était une de ces vieilles salles pas encore rénovée, la seule dans laquelle on trouvait encore un tableau à craie et une estrade en bois. Il n'y avait pas de vidéoprojecteur fixé au plafond, juste un ordinateur dans un coin que Lescure n'utilisait que pour faire l'appel. Les tables neuves et les chaises en bois au dossier rouge vif faisaient presque tache dans le décor. Hormis quelques portraits encadrés de philosophes célèbres, il n'y avait aucune décoration dans la salle, comme si ce genre de distractions était l'ennemi de la pensée.

La pile de copies, bien serrée dans ses mains, était à l'origine de plusieurs gouttes de sueur glissant sur le front des élèves les plus angoissés et de ricanements ou soupirs blasés venant de ceux qui, n'ayant jamais réussi à récolter une bonne note en philo, savaient déjà que cette dissertation n'allait pas constituer une exception.

Leila l'écouta d'une demie oreille parler d'éloquence, de rhétorique, de pensées et de penseurs, mais en vérité l'essentiel de son attention était occupé à essayer de déduire où Raphaëlle avait placé son dernier torpilleur.

« F 7 », nota-t-elle sur la feuille de brouillon qui leur servait à communiquer.

- Essaie encore, murmura l'archère avec un sourire.

-... bien, je vais maintenant vous rendre vos écrits. Delorne, très bon travail, comme d'habitude. Une réflexion poussée et un écrit remarquable, 17. Abbessi, des idées recherchées, et un bon usage des citations de philosophes, 16...

Leila avait laissé de côté la partie de bataille navale pour écouter Lescure qui distribuait les copies par note décroissante. Elle n'était jamais habituellement dans la moitié haute de la classe, mais elle avait fait un réel effort pour une fois, alors elle gardait le mince espoir d'être nommée plus tôt que d'ordinaire.

- LeGall, 11. C'est une dissertation de philosophie, pas un pamphlet politique que vous devez écrire.

Leila pouffa et l'archère se contenta d'un grognement. Cédric se leva peu de temps après ; il avait eu 11 lui aussi.

- Tamrabet, 10. Quelques idées intéressantes, mais un travail trop superficiel, comme toujours.

Les épaules de Leila s'affaissèrent tandis qu'Amira parcourait ses feuilles en maugréant. C'était pas encore aujourd'hui qu'elle allait décrocher la lune avec une dissertation de philo. Mais les noms continuèrent à défiler, et lorsque le professeur rendit un 6/20 à Loïc, elle se mit à s'affoler. Elle avait beau négliger cette matière beaucoup trop abstraite à son goût, elle accordait quand même pas mal d'importance à tout ce qui pouvait écorner sa moyenne générale.

Enfin, le prof distribua la dernière copie et retourna à son bureau sans que Leila n'ait rien reçu. Une vague de soulagement envahit l'adolescente, remplacée immédiatement par un souffle de panique. Et si il avait perdu sa copie ? Aurait-elle un zéro ?

- Monsieur, dit-elle en levant la main, vous ne m'avez pas rendu ma dissertation.

- En effet, répondit Lescure. Vous viendrez me voir à la fin de l'heure pour qu'on en discute.

- Mais... pourquoi ? demanda-t-elle.

- À la fin de l'heure, j'ai dit ! hissa l'enseignant en se dressant sur ses talons.

Leila s'enfonça sur sa chaise et croisa les bras sur sa poitrine, boudeuse. Elle n'avait plus du tout envie d'écouter les éléments de correction donnés par le prof, maintenant.

Sa façon d'aimer les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant