Journal d'Anne - le 27 décembre - Les visites

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Cher journal,
Voici plusieurs jours que je ne t'ai pas accordé de mon temps mais je dois t'avouer que je préfère le consacrer à ceux que j'aime tant que je suis auprès d'eux.
Depuis le jour de Noël, Gilbert et moi nous essayons de nous voir le plus possible avant qu'il ne doive repartir pour Toronto.

Le matin de Noël a été spécialement émouvant car nous avons été bénis par le nouveau révérend! Je pense que nous avons tous deux fortement rougis lorsque nous fûmes appelés près de l'autel. Nous ne nous y attendions pas du tout! Mais que j'ai pu me sentir comblée de sortir de l'église au bras de Gil sous les applaudissements de l'assemblée! Cela m'a fait prendre conscience de la réalité de nos fiançailles et du bonheur que j'avais de le vivre au grand jour.

Marilla a ensuite invité Gil à se joindre à notre repas. J'ai pris grand plaisir à écouter Gil durant des heures raconter ses études et sa vie à Toronto. Marilla et Matthew l'écoutaient, curieux et impressionnés.

Hier, j'ai été rendre visite à Bash et sa famille. Que ma jolie filleule a grandi et changé! Elle a passé le plus clair de son temps sur mes genoux à m'observer, m'écouter, babiller, rire et jouer avec ma natte et mon ruban.

J'ai trouvé la mère de Sebastian plus avenante même si je suis gênée qu'elle m'appelle déjà « Madame » comme si, depuis hier, j'étais devenue la maîtresse de la maison! La veille, à l'église, elle avait pris part à tous les chants et s'était mise à frapper des mains sous les regards surpris des fidèles. Il faut dire que ce nouveau révérend est très différent du précédent. Jamais on n'a vu de cérémonie de Noël aussi joyeuse et animée! Même Bash s'y était rendu, lui qui n'avait plus mit les pieds dans le lieu saint depuis que son mariage avait été refusé.

Aujourd'hui, j'ai consacré l'après-midi à Marilla. Je lui avais promis de l'aider à préparer des biscuits pour les offrir au nouvel an. Nous étions là, les mains dans la pâte et de la farine sur le visage lorsqu'un bruit tonitruant interrompit notre tête à tête culinaire. Le temps de s'essuyer les mains, une personne entra avec fracas dans l'office, nous faisant sursauter toutes deux.

C'était Muriel! Habillée d'un gros manteau, de son pantalon et de hautes bottes. Des mèches s'échappaient de son foulard. Ses joues et son nez étaient rougies par le froid. Elle semblait être dans un état de grande agitation. Elle se rua vers moi sans me laisser le temps de la saluer.
– Anne c'est bien vrai? As-tu la lettre? Montre-la moi!
Voyant ma confusion et celle de Marilla, elle soupira.
Elle n'accepta pas de s'assoir ni le thé que lui proposait Marilla mais ferma les yeux et reprit:
– Gilbert m'a écrit! Sa lettre date de plusieurs semaines mais ne m'est parvenue qu'il y a peu.

Je ne comprenais rien. J'ignorais que Gil avait la nouvelle adresse de Muriel et a fortiori qu'il lui avait écrit. Elle m'expliqua énervée qu'il était le seul à qui elle lui avait confié. J'étais si heureuse de la revoir, alors que je pensais la chose impossible, aussi je ne comprenais pas où elle voulait en venir.
Elle accepta enfin de s'assoir, épuisée et trempée de neige et continua ses explications.
– Gilbert m'a écrit que tu avais publié ton article et qu'un homme avait répondu qu'il était possible de se marier dans un autre état.
J'acquiesçai.
– As-tu encore cette lettre, Anne?
Marilla me regarda à son tour.
– Tu les as apportées avec toi?

Je bondis dans les escaliers et courrai jusqu'à ma chambre. Je retournai toute ma valise et soupirai en voyant que j'avais effectivement bien pris quelques lettres adressées à Robin, celles qui m'étaient les plus précieuses. Je pris le paquet et rejoignis Muriel en toute vitesse, heureuse de pouvoir accéder au désir pressant de mon amie. Elle s'empara de l'enveloppe que j'avais sélectionnée, l'ouvrit et lu avec concentration son contenu.
– Il y a un numéro de téléphone! S'exclama-t-elle enfin. Où puis-je trouver un téléphone? Cria t-elle presque en se levant d'un bond.
– Les Barry en ont un. Réfléchit Marilla
– Ils sont partis ce matin pour Charlottetown, répondis-je déçue.
– Alors il faut aller au village voisin. J'ai entendu qu'ils en avaient installé un au magasin général de Camody! Se souvint Marilla.
Ni une ni deux, Muriel repartit en moto comme elle était venue. Elle n'écouta pas nos conseils et voulut coûte que coûte braver le froid, la neige et la nuit qui commençaient à tomber. Elle nous sourit et nous promit juste de nous informer dès que possible du résultat de sa quête.

Il est maintenant tard, et nous n'avons toujours pas reçu de ses nouvelles. Je suis inquiète et Marilla aussi.
Sa visite avait été si irréelle et si imprévisible. Elle est partie si vite et dans un état d'exaltation tel que je commençais à comprendre l'inquiétude que devaient ressentir mes tuteurs à chaque fois je faisais preuve moi aussi d'autant d'impulsivité!

J'attends cher journal et je ne trouve pas le sommeil.

J'attends cher journal et je ne trouve pas le sommeil

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Anne avec un e - Lettres et confidencesWhere stories live. Discover now