journal d'Anne - 23 décembre - La surprise

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Cher journal,
Laisse-moi continuer de te conter cette soirée dont j'étais loin de me douter de tout ce qu'elle allait me réserver.

Je venais de mettre la dernière décoration sur le sapin de Matthew en y incluant ma petite touche toute personnelle avec quelques rubans rouges. Les chandelles ont toutes été placées avec précaution et il ne restera plus qu'à les allumer bientôt. J'adore l'ambiance de Noël et cela me rends toujours si heureuse!
Il faisait doux dans le salon, les gâteaux que nous avions confectionnés toute l'après-midi embaumaient l'air et je me mis a fredonner une des chansons que la chorale interprétera demain. Mes pieds ne voulaient rester en place et je commençais à esquisser quelques pas de danse que m'avait appris ma douce Diana. Et c'est en faisant une pirouette que je le vis.

Dans l'entrée du salon se tenait Gilbert. Il me fallut quelques secondes pour réaliser que l'image qui se présentait à moi était réelle et non le fruit de mon imagination débordante, ni un mirage reflétant mon désir le plus grand.

Stoppant aussitôt ma chorégraphie, je me figeais. Gilbert Blythe était bien là, en face de moi, aux Pignons verts, vêtu de son chaud manteau et la casquette entre les mains. Il me souriait et ce sourire me fit comprendre combien il m'avait manqué. Derrière lui se tenaient Matthew et Marilla. Le regard pétillant de malice de celui-ci et la bouche pincée de celle-là me firent comprendre qu'ils n'étaient guère étonnés de cette présence en ce lieu et en cet instant.

Je m'exclamais, folle de joie alors que je me jetais dans les bras que Gil avait ouverts, prêt à m'enlacer à son tour. Puis, je l'assaillis de questions. Comment...? Depuis quand...? Pourquoi..? Je regardais mes tuteurs tout aussi énigmatiques que lui. Je ne comprenais pas pourquoi Marilla ne lui proposait pas d'enlever son manteau et encore moins pourquoi elle tenait le mien entre ses mains.

Puis ils profitèrent de ma confusion évidente et que je ne sois pas encore remise de mon étonnement pour m'entraîner au dehors. Sans que je comprenne comment, en quelques instants, je me retrouvais chaudement habillée et emmitouflée sous des couvertures, assise sur la charrette de Gilbert qui s'était installé à mes côtés et nous partîmes dans la sombre campagne gelée. 

Le froid saisit mon visage et éveilla à nouveau ma curiosité insatisfaite. Je recommençai à lui poser les mille questions qui fusaient alors dans ma tête tel un feu d'artifice du 1er juillet. Il se mit à rire, visiblement très heureux de l'effet de sa surprise. Que j'aime entendre son rire, il est si franc et si sincère ! Il fit arrêter le cheval et, pour tout réponse, il ôta son écharpe, me masqua les yeux, me donna un rapide baiser sur mes lèvres et me dit d'une voix joyeuse :
- Patience, Anne! Je te raconterai tout, c'est promis!

Nous continuâmes à rouler un moment sans que je sache la direction, le froid tempérait mes joues qui avaient dû rougir sous l'effet du baiser et de sa voix suave. Je remontais les couvertures et me maintenais au charriot tout en me réfrénant de le questionner à nouveau. J'aurai voulu ôter cette écharpe mais je me résolus à jouer le jeu, à défaut, je me concentrais plutôt sur le bruit des roues dans la neige craquante et de l'absence de cris d'animaux.

Puis nous nous arrêtâmes enfin, j'entendis Gil mettre pied à terre et attacher sa monture, puis faire le tour jusqu'à moi. Il m'aida à descendre de la charrette avec galanterie et se positionna derrière moi pour me libérer la vue.

Je ne reconnus pas de suite le lieu tant il était sublimé. Gil m'avait emmené devant la nouvelle école d'Avonlea. Celle-ci était éclairée de l'intérieur et les lumières qui jaillissaient des fenêtres inondaient le manteau blanc environnant. De chaque côté de l'entrée, il y avait des flambeaux qui invitaient à pénétrer dans ce lieu qui symbolisait tant de bons souvenirs. Je me retournais, exaltée, vers mon amoureux pour le remercier de ce superbe spectacle.

Anne avec un e - Lettres et confidencesWhere stories live. Discover now