Jour 1 - X

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Les soldats de Dragtan me dévisagèrent avec étonnement lorsque je traçai mon chemin dans la foule.

Je sortis, le sang bouillant et l'adrénaline s'infiltrant dans mon corps. Mes poings tremblaient et le sang, tant le mien que celui de Christiano, dégoulinait lentement.

Je foulai la terrasse. Malgré le fait que la surface des planches était couverte, la pluie avait mouillé celles de devant de ses rafales torrentielles. Je me glissai sur le bois humide, les yeux errant sur la table où j'avais abandonné Layla.

Benji m'avait prévenue. Il m'avait blâmée en affirmant que j'aurais dû laisser Layla à la maison. Peut-être cela aurait-il été le meilleur choix. Cependant, j'avais ignoré ses sermons parce que j'avais peur qu'elle s'encourût de la tente insécure. Or, elle serait au moins demeurée dans des environs qu'elle connaissait. Et nous ne serions pas ici.

Je dévalai la terrasse jusqu'à ce que la pluie me submergeât. Les gouttes tombaient avec une telle force que j'en avais mal, mais je ne me retirai pas.

Les rues poussiéreuses et sablonneuses étaient devenues des bains de boue ; la mélange terre-eau pénétrait entre mes orteils, pourtant je ne bougeais pas, épuisée. La pluie nettoya mes mains et refoula le rouge qui me collait à la peau pour laisser derrière elle une couleur rose clair.

Je pleurais.

Je le remarquai lorsque je goûtai l'eau salée sur mes lèvres. J'étais adossée dos à la maison du maître et à la taverne et pourtant je sentais qu'il était derrière moi.

Non pas par peur que je m'enfuisse. Non, il était conscient que je ne m'échapperais pas d'ici sans Layla.

– C'était sans doute le duel le plus court que j'aie eu l'occasion de contempler, lança-t-il dans mon dos avant que sa voix ne fût masquée par la pluie.

Vite, je voilai les larmes qui coulaient de mes yeux. Dans cette averse, elles seraient invisibles, mais c'était pour le geste et l'idée. Je lui lançai un regard furieux.

– Tu penses que j'ai apprécié, ou quoi ?

J'observai comment ma position était recroquevillée ; j'avais plié mes bras devant mon ventre et mes genoux étaient pliés comme si le poids de la mort que j'avais causée et le mien étaient trop lourds pour eux. J'avais l'air faible et frêle. C'est pourquoi je me redressai et levai la tête.

Le regard de Fernandez se durcit.

– Tu penses que moi j'ai bien aimé ?'

– Étant donné la remarque que tu viens à peine de faire et ton sourire, oui. Oui, je le crois.

Il poussa un soupir.

– Quelle voleuse superficielle et bête tu es, asséna-t-il. Tu devrais observer plus loin que le bout de ton nez à la place de jouer avec les traitements et sentiments des gens.

– Oh oui ? Qu'ai-je donc fait de travers ?

Je ne souris pas parce que j'en ai profité, témoignaient ses yeux, dans lesquels une lueur triste avait pris place. Je souris parce que tu es sortie du ring, à l'inverse de Christiano.

Ces mots se faisaient ressentir dans sa posture et son regard, par la façon dont ses épaules étaient affaissées et comment ses sourcils étaient tristement froncés. Mais ça ne pouvait pas être ainsi ; mon imagination me jouait des tours.

Secouant la tête, je me rapprochai.

– Tu es un monstre. Un barbare. Et tu as raison, peut-être suis-je superficielle et une voleuse idiote. Pourtant, je te vois, toi. Je vois que tu profites et que tu apprécies la peine et la cruauté, crachai-je en mettant mon doigt sur son thorax, sa chemise blanche déboutonnée laissait voir sa peau sombre sous le fin coton. Tu m'as ordonné d'ôter la vie d'un homme innocent. Et je ne te le pardonnerai jamais.

Rubis de SangDonde viven las historias. Descúbrelo ahora