Jour 3 - I

10 6 0
                                    

Le matin suivant, nous dûmes nous réveiller tôt. J'avais une boule dans le ventre, donc je ne mangeai pas beaucoup dans la matinée. Les hommes qui nous accompagneraient durant le voyage, au contraire, s'empiffraient à ras-bord.

Au total, nous étions six. Naveen se joignait en effet à nous. Shae le chargeait avec exubérance de bisous afin qu'il en eut « assez » pour les jours qui suivraient. Il restait donc trois soldats qui nous compléteraient : Armano, un homme un peu plus âgé, et deux jeunes nommés Diego et Pablo. Bien qu'ils paraissaient novices à mes yeux, certains hommes les observaient avec émerveillement, ce qui me fit penser que leur apparence et leur âge induisaient en erreur.

Fernandez vint se tenir à côté de moi, ses larges épaules bousculant légèrement les miennes, et je frémis. Hier avait été un jour étrange qui avait changé quelque chose entre nous. Nous ne tentions plus de nous arracher les cheveux de la tête et nous souriions parfois. Cependant, j'étais encore fâchée contre lui. Je n'avais absolument pas oublié comment il m'avait traitée les jours précédents, comment il m'avait obligée à tuer ce jeune homme lors du combat dans le ring...

Et pourtant, si je repensais à la soirée de la veille... je me demandais ce qui s'était exactement passé. Comment nos sentiments avaient-ils pu être bouleversés et s'inverser à l'écoute d'une simple histoire sentimentale ? J'étais entrée en furie dans la chambre, persuadée de choquer ce jeune barbare un bonne fois pour toutes. Et j'étais ressortie de la chambre par la suite en portant le plus grand secret d'Entremonts sur les épaules.

Maintenant que je connaissais ce qu'il cachait, le fait qu'il portait toujours une chemise ou un tee-shirt tomba sous le sense faisait remarquer. À Entremonts, beaucoup d'hommes – dont l'intégralité des soldats – cavalaient sans haut parce qu'il faisait régulièrement chaud. S'il ne m'avait pas confié son secret, je ne l'aurais probablement jamais remarqué.

– Sais-tu monter à cheval ?

Je le regardai, moqueuse.

– Je viens d'une famille pauvre, dors dans une tente puisque nous ne parvenons pas à payer de loyer et vole pour maintenir ma famille en vie, récitai-je, la tête inclinée, en serrant les lèvres. Que crois-tu ? Que nous avons de l'argent pour des cours d'équitation ou pour nous procurer une bête pareille ?

Fernandez me contempla, les sourcils haussés.

D'un côté, j'avais eu peur que le... moment hier créât de l'embarras entre nous. D'être allée trop loin, qu'il le réalisât maintenant et qu'il m'exclût. Cependant, il ne le fit pas.

– Tu as de la chance, alors, déclara-t-il en bombant le torse avec arrogance. Parce que tu montes avec moi.

Je roulai les yeux et laissai un soupir théâtral s'échapper. J'étais en colère contre lui. Non, j'étais censée l'être. Or, maintenant que j'étais consciente de ses motivations, je pouvais moins l'accuser. Car si ma vie était rattachée de la même façon, j'aurais fait subir des choses beaucoup plus graves à mes prisonniers.

Shae s'avança vers nous à un rythme valsant et se mit sur la pointe des pieds pour faire un bisou sur chacune des joues de Fernandez.

– Fais attention. Et toi aussi, sourit-elle lorsqu'elle me fit un câlin, hésitante – apeurée, empressée. Et surveille Naveen, ajouta-t-elle avec un clin d'œil.

Lorsque nous marchâmes vers l'extérieur, le soleil matinal brillait déjà intensément. Le ciel était bleu, entrecoupé par un nuage blanc. Les rues, elles, étaient vides à l'exception de quelques commerçants escortés de leurs ânes chargés de marchandises en route vers le ravin, où ils déploieraient leur stand.

Rubis de SangWhere stories live. Discover now