Résistance

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— Quel petit crétin !

La voix lointaine explose en de petites étincelles derrière mes paupières fermées. J'ai beau essayer de les ouvrir, le noir reste la seule chose que je perçois.

— Quand il se réveille, je le tue ! continue cette voix familière.

J'ai du mal à comprendre ce qu'il se passe. Mon corps tout entier est douloureux. Mais je n'arrive pas à bouger le moindre muscle. Serais-je mort ? Ça m'arrangerait de pouvoir reposer en paix.

— Calme-toi. Tu devrais rentrer à la maison.

Drew ? Ma gorge me gratte et mes lèvres sont engourdies. Je n'arrive pas à parler, à bouger, et j'ai de la peine à respirer. Si la mort est ainsi, je ne pense pas que ce soit mieux que la vie.

— Je veux être là quand il se réveillera, bougonne cette voix féminine que je n'arrive pas à reconnaître.

Je l'ai déjà entendu, elle n'est pas étrangère. Mais qui peut-elle bien être ?

— Les médecins ont dit que ça peut prendre plusieurs jours encore. Dans ton état, je préfère te savoir à la maison, ma puce.

— Est-ce que j'ai l'air de me soucier de ce que tu préfère ? s'emporte-elle en se rapprochant.

Quelque chose touche mon bras, mais le contact est trop court pour que j'en sois certain. J'ai l'impression d'être enfermée dans mon corps comme une chenille dans sa chrysalide. Impossible de bouger ou d'en sortir.

— Oh pardon, Drew ! s'exclame soudain cette voix. Je ne sais pas ce qui me prend.

Elle se met à sangloter, ses mots sont étouffées. Sa peine me désole alors que je ne sais même pas qui elle est. Depuis quand mon frère a une copine ? Et qu'est-ce que je fais allongé ici ? Ma tête est si douloureuse que je n'arrive pas à réfléchir.

— T'as besoin de te reposer, Tess, insiste mon frère.

Ce nom fait écho à ma mémoire. Tess... Tess... ça va me revenir ! Je sais que ce souvenir ne se cache pas loin. Quelque part juste derrière ce mur de douleur qui me vrille le cerveau.

— Je dois être là pour lui, Drew, sanglote-t-elle plus près encore.

Une main chaude et légère s'enroule autour de mon poignet. La sensation me donne des frissons qui contractent mes muscles et m'arrache un gémissement.

— Kyle ?! s'exclame Tess en posant maintenant ses mains sur mon visage.

J'essaye de répondre, de lui dire de s'éloigner, mais mes lèvres parviennent à peine à bouger.

— Je vais chercher le médecin, prévient Drew.

— Kyle ! S'il te plaît, ouvre les yeux. Je suis là mon grand, ouvre les yeux.

Je suis en plein délire, n'est-ce pas ? Comment cette femme peut-elle avoir la voix de ma mère ? Je meurs doucement, attiré par les limbes, l'autre monde, le paradis, ou plutôt l'enfer d'après la douleur qui englobe mon corps. Laissez-moi partir. Pourquoi suis-je là ? Pourquoi tout est si douloureux ?

— Kyle, tiens le coup. S'il te plaît, n'abandonne pas. Je t'en prie.

— Ma... ma...

Sa main caresse mon front, ma poitrine se comprime.

— Chut... je suis là. Tu n'es pas tout seul.

Comment puis-je avoir encore plus mal ? J'ai envie de crier, mais rien ne me soulage. Mon cœur semble vouloir exploser. Le visage de ma mère flotte derrière mes paupières, tel un fantôme venu me maudire. Si je ne suis pas seul, pourquoi ai-je l'impression que tout le monde m'a abandonné ?

Une année pour me reconstruireWhere stories live. Discover now