Une année pour me reconstruire

Face à face

J'ai l'impression que ma tête va exploser. Contrairement à beaucoup de personne ici ce soir, je n'ai pas bu plus d'une bière. Drew ne me fait pas encore entièrement confiance et j'ai bien faillit ne pas être autorisé à venir à cette fête alors je ne compte pas tout foirer en rentrant complètement torché. D'autant plus que j'ai une mission. Ou plusieurs missions, comme celle de présenter mes excuses à Jake, mais j'ai l'impression qu'il m'évite. Et je passe mon temps à suivre Sarah depuis qu'elle est arrivée alors ça n'aide pas.

— Fais au moins semblant de t'amuser, lance Iris à mon oreille.

Je sursaute et me décolle du mur de la cuisine d'où j'observe Sarah. Elle n'est arrivée qu'il y a dix minutes, mais ses amis ne cessent de l'accaparer les uns après les autres. Je crois bien que je ne suis pas le seul à l'avoir perdu de vu pendant un moment. Et à chaque interaction, je m'amuse de voir ses joues rosir.

— Je m'amuse beaucoup.

Iris lève un sourcil et attrape les pans de ma chemise pour m'obliger à lui faire face. Elle a de la poigne !

— Ne fais pas de scandale ce soir, Kyle.

— J'en avais pas l'intention.

Elle plisse les paupières puis regarde par-dessus mon épaule. Je lutte pour ne pas tourner la tête et m'assurer que Sarah va bien. Je me soule moi-même à être aussi à l'affût de ses moindres gestes et j'ai bien peur qu'elle ne me demande de dégager si elle s'en aperçoit.

— T'as parlé à Jake ?

— Mon nez est encore entier.

Iris lève les yeux au ciel et relâche ma chemise en lançant à la personne qui se plante à côté de moi :

— Dis-lui d'aller creuser l'abcès, qu'on en finisse. Tout ce suspense me donne mal à la tête.

Je l'entends, mais mon cerveau ne l'écoute plus. Juste à côté de moi, Sarah croise les bras sous sa poitrine et m'adresse un sourire. Elle porte une perruque rousse dont les mèches tombent sur ses épaules. Elle m'a dit qu'elle s'est procurée plusieurs perruques différentes parce qu'il « faut bien trouver un avantage à la situation ». Je ne l'avais encore jamais vu avec celle-ci, mais elle n'en est que plus sexy. Et dans cette robe émeraude moulante et courte, elle peut me mettre à genoux en un claquement de doigts.

— Salut Kyle.

Je souris comme un débile et serre les poings pour ne pas attraper son visage et l'embrasser.

— Je te serre un verre ?

Ma main a déjà attrapé une bouteille de soda. Je sais qu'elle ne boit pas d'alcool et même si c'était le cas, avec sa chimio, hors de question de polluer encore plus son organisme.
D'un hochement de menton, elle accepte et décroise les bras pour attraper un gobelet en plastique.

— Donc, tu n'as pas encore parlé à Jake ?

Je lève les yeux vers le salon et vois le concerné qui discute avec Iris. Il la tient contre lui, se balançant distraitement sur le rythme de la musique tout en l'écoutant.

— J'ai pas envie de me faire frapper tout de suite.

Je grimace et m'adosse au comptoir pour regarder Sarah avaler quelques gorgées de soda. Comme à son habitude, elle fronce le nez à cause des bulles et je souris. Elle est tellement mignonne quand elle fait ça, putain !

— Je parie qu'il ne va même pas s'énerver, dit-elle en jetant un regard par-dessus mon épaule.

— Et tu parie quoi, au juste ?

Ma question était tout ce qu'il y a de plus innocent, mais voilà qu'elle s'approche, aussi féline qu'une lionne, et pose sa paume sur ma poitrine. Sa proximité fait monter mon rythme cardiaque. Mes muscles se tendent et je cesse un instant de respirer quand ses lèvres s'approchent de mon oreille. Elle sent bon, putain ! La vanille et la liberté.

— Tu m'emmènes dans la chambre à l'étage, dit-elle d'une voix provocante.

Mon sang s'enflamme directement. Ça fait des mois que je n'ai pas couché avec une fille. Et avant ça, ça faisait des mois que je n'avais pas fait l'amour à une fille. Pas depuis Sarah. Parce qu'il n'y a qu'elle que j'aime et j'étais incapable de faire autre chose que baiser les autres pour essayer de la sortir de mon système. Mais visiblement, ça n'a pas fonctionné et ça ne fonctionnera certainement jamais.
Je parviens tout de même à ne pas bouger, me délectant de trouver son corps si près du mien que je ne veux pas risquer qu'elle s'éloigne.

— Et si tu perds ?

Ma voix est rauque, le sang a déjà commencé à afflué entre mes jambes. Sarah laisse glisser sa main plus bas, sur mon ventre, et hausse une épaule, le regard espiègle.

— A toi de choisir.

Je souris malgré moi et ose glisser mes doigts le long de son bras, de son poignet à son épaule, dans son cou, et m'aventure jusqu'à ses cheveux. Je ne peux m'empêcher de me maudire lorsque son corps se tend et que cette petite lueur de doute assombrit son regard. La perruque est bien en place, mais je sens la démarcation, la différence entre sa peau et la perruque. je m'en fiche, ce ne sont pas ses cheveux qui font que j'ai envie d'elle. Mais Sarah en est trop gênée et trop remplie de doute. Mes doigts retombent dans son cou et je caresse son menton de mon pouce.

— Si tu perds...

Ma deuxième main se pose sur sa hanche et la ramène contre moi. Je pourrais jouir dans mon pantalon comme un demeuré juste parce qu'elle se laisse faire. Ses mains s'accrochent à ma chemise, son regard capté par le mien. Je vais probablement ruiner toutes mes chances, mais j'approche mes lèvres des siennes, sans quitter son regard, à l'affût du moindre refus. Et au dernier moment, alors que son souffle se coupe et que ses lèvres s'écartent, je glisse vers son oreille.

— Si tu perds, je t'emmène dans cette chambre et je vais prendre tout mon temps pour te faire jouir.

Son corps tremble tout à coup contre le mien, des frissons se forment dans son cou et je les embrasse sans essayer d'y résister.
Sa main sur mon ventre agrippe ma chemise un peu plus fort et un soupir lui échappe quand je me redresse.

— Va vite lui parler, supplie-t-elle d ne un souffle.

Le désir dans son regard enflamme mes veines. Je pensais devoir lutter plus longtemps, devoir attendre qu'elle aille mieux, qu'elle ne suive plus son traitement pour pouvoir la posséder à nouveau. Je ne l'ai même pas embrassée depuis qu'on s'est retrouvés, et ce soir, j'ai juste l'impression d'avoir gagné au jeu de la vie. Qu'enfin l'univers a décidé de me laisser être heureux.

— Ne bouge pas d'ici.

Sarah s'écarte, les joues rouges, les yeux brillants et vide son verre. Plus rien ne va m'empêcher d'aller parler à Jake. Plus vite j'aurai réglé ce problème, plus vite je pourrai la retrouver.

— Kyle ?

Je me fige face à sa grimace et cesse de respirer, m'attendant à ce qu'elle me dise que c'était une blague ou qu'elle ne se sent pas capable d'aller jusqu'au bout.

— Ne m'en veux pas, mais j'ai très envie qu'il te frappe.

L'éclat de rire qui emporte mon souffle alerte toutes les personnes présentent dans la cuisine. Sarah fronce son nez et j'attrape son visage pour poser un baiser sur son front, gonflé de toutes les forces possibles pour aller affronter la dernière personne à qui je dois présenter mes excuses.