CHAPITRE III - ZEE

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Je sors de la voiture et claque la portière. Ce gosse a l'air d'aimer le calme, vu l'endroit où il habite. Il s'agit d'une bicoque en bois, enfoncée à l'orée du bois, soit la dernière maison de la rue. Il doit vivre dans l'humidité complète, vu les pluies qui assaillent la ville une partie de l'année et le fait que le soleil atteigne rarement sa maison.

— Vous aimez mes statues de grenouilles et de tortures ?

Je sursaute lorsque j'entends la voix du journaliste qui a ouvert la porte sans faire de bruit. Il remonte ses lunettes dans un geste mécanique et descend les trois marches pour venir à ma rencontre. Ses pas font crisser les galets du petit chemin qu'il a certainement fait lui-même.

— J'ai toujours aimé le chant des grenouilles. Le petit étang de mon jardin en est rempli, c'est un bruit qui me rassure.

— Et les tortues ? demandé-je, réellement intrigué.

— C'est un hommage à Bihwa.

Je fronce les sourcils, l'invitant à s'expliquer, mais il hausse les épaules d'un air triste, s'agenouille pour enlever une feuille morte posée sur la tête de la sculpture, et se relève enfin. . Mon cœur s'emballe pendant une seconde, parce que sa peau est... dénuée de défaut. Ce jeune homme a une véritable beauté, pas seulement mignon ou ce genre de chose. Non, c'est différent. C'est si rare les gens aussi beaux.

— Bihwa était ma tortue quand j'étais petit. Vous savez, j'adore les animaux, bien plus que les humains.

— Plus que les humains ? m'étonné-je.

Cette fois, il se retourne et plonge son regard dans le mien. Je sens une pointe d'incompréhension lié à de l'agressivité.

— Les humains tuent pour le plaisir. Seulement pour ça.

— Pas seulement, répliqué-je. Il y a la chasse, qui...

— La chasse, ricane-t-il. La chasse ? Vous ne pouvez pas vous nourrir d'autre chose ? Bien sûr que non, un coup de fusil et c'est parfait, ça aide les hommes à se sentir supérieurs. Je préfère les animaux pour la simple et bonne raison que, s'ils doivent tuer, il y aura toujours une raison. Ils n'ont pas la chance d'avoir des supermarchés, des légumes ou des repas rapides.

Il tousse afin de s'éclaircir la gorge et soupire profondément.

— Bihwa était ma tortue, et elle est morte lorsque j'avais neuf ans parce que... parce que mon géniteur était un alcoolique, dangereux, fou, qui me cognait à la première occasion. Un jour, je suis rentré avec une mauvaise note et il a... il a piétiné Bihwa avec ses grosses chaussures, celles qu'il utilisait lorsqu'il soudait. Sa carapace s'est fendue en mille morceaux, et j'ai du enterrer les restes de son petit corps dans le jardin, en pleine nuit pour ne pas qu'il me voit. Il voulait la jeter dans la poubelle, sans scrupule devant mes larmes d'enfant.

Ma bouche s'ouvre sous le récit du journaliste qui me semblait si arrogant. Maintenant, tout ce que je vois, ce sont les traits froncés d'un petit garçon qui a vu mourir son animal de compagnie. . Il semblait y tenir, à sa tortue.

Ce qui rend sa façon de réagir étrange, c'est qu'il ne semblait pas le moins du monde touché lorsqu'il a ramené le corps de Jintara sur le sol. Et pour une tortue, il est à deux doigts de pleurer ?

— Je me fiche pas mal de sembler ridicule. C'était un animal, une tortue sans défense et une brute, un homme l'a tuée. Je préfère fuir les humains comme s'ils étaient la peste.

— C'est pour cette raison que tu habites dans cet endroit isolé ?

Son visage change et un sourire fait remonter ses joues potelées. J'en profite pour regarder ses cheveux en désordre et également la tenue qu'il porte. En fait, il est en pyjama. Parce qu'un ensemble de survêtements avec des motifs koala, ça ne peut être qu'un pyjama.

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