• Chapitre 25 •

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Naomi

Deux coups de phalanges sur le battant de la porte et elle s'ouvre sous mon nez, soulevant mes cheveux dans les airs. Jenna me scrute, vêtue d'un ample survêtement noir et bouloché. Sous ses paupières se dessinent des cernes creuses et noirâtres, elle a sérieusement besoin de mon kit pour coeur brisé.
Je lève et secoue mon sachet plastique devant ses yeux bouffies et lui alloue un sourire réconfortant. Elle s'écarte et me laisse entrer dans sa tanière de louve poussiéreuse et obscure. Les rideaux sont fermés, une multitude de cochonneries trône sur la table basse et l'intégrale de Twilight tourne à la télévision.
— J'ai ramené de la glace et des chocolats mais vu tous ces sachets éventrés, tu as sûrement l'estomac plein. constaté-je, les yeux égarés sur les cadavres plastifiés.
— Détrompe-toi, j'ai beau manger tout ce qu'il me passe sous la main, rien ne comble le trou béant que j'ai à la place de l'estomac.
Je pousse les mouchoirs usagés du sofa et m'affale dessus, tendant une main vers Jenna qui essuie son nez du revers de la main. Elle prend ensuite ma main et vient se blottir contre moi et un énorme polochon moumoute.
— Ça va aller, Jenna, calme-toi...tenté-je de la rassurer en câlinant ses cheveux. Elle renifle et tremble comme une feuille entre mes bras. La voir comme cela me brise le coeur. La moi du passé aurait égorgé Lucas avec une clef de voiture mais, heureusement, mon tempérament s'est apaisé.
— Je ne comprends pas Nao, qu'est-ce que j'ai fait pour qu'il me quitte comme une vieille chaussette moisie ?
— Rien, tu n'as rien fait. Ce n'était juste pas la personne qu'il te fallait.
Je caresse ses épaules avec la tendresse d'une mère et écoute avec douleur ses sanglots.
— Tu peux l'insulter de tous les noms, tu sais...dis-je, à voix basse.
— J'en ai même pas envie, c'est ça le pire. Il était tellement parfait avec moi que je n'arrive pas à lui en vouloir. hoquette-t-elle, la voix rocailleuse à force de pleurer. Je me sens tellement mal, je ne sais plus quoi faire pour apaiser la douleur.
— Je sais, sifflé-je, ça fait mal mais tu as besoin de temps pour guérir. Du temps et du soutien, Jeff et moi sommes là pour t'aider, nous serons toujours là pour toi.
— Merci, je vous aime tellement...
Un sourire compatissant naît sur mes lèvres et je dépose un baiser dans ses cheveux.
— Adan est d'accord pour que tu passes la nuit ici, avec tout ce qu'il se passe ce n'est pas un peu compliqué ?
— Je n'ai pas besoin de son accord, je dors où je veux. lancé-je, sans prendre la peine de cacher ma colère.
— Oh, vous vous êtes disputés ?
— Oui, soufflé-je à cran, je suis désolée. Je n'ai pas encore digéré ma fureur, ne te préoccupe pas de ça.
— Non, vas-y parle-moi. J'ai besoin de penser à autre chose qu'à ma rupture et l'état désastreux dans lequel je trempe.
— Tu es sûre ?
— Sûre.
— Eh bien, débuté-je sans trop savoir comment amener le problème, il m'a menti. Encore une fois et cette fois j'ai explosé. Tu as sûrement entendu parler de la livraison Brown aujourd'hui, elle n'a pas du tout disparue mais a été pillée et Adan s'est fait une joie de me le cacher car selon lui, ce ne sont pas mes affaires.
— Il cherche à te protéger mais s'y prend comme un pied.
— Ça, je ne te le fais pas dire ! ricané-je, amer. Je n'ai pas besoin que l'on me protège pour ça, ce ne sont que des broutilles. J'ai déjà un garde du corps, je n'ai pas non plus besoin d'une nounou qui cherche à me garder éloignée de tout.
— Je comprends que ça puisse te mettre en rogne, il faut que vous parliez calmement de tout ça. Et s'il n'est pas capable de le faire, tu n'as qu'à venir te saouler avec moi !
Je m'esclaffe, la tête renversée en arrière. Il est vrai que nous avons jamais eu de conversation calme et posée. Je l'ai vaguement évoqué mais ce n'est pas ce qu'il faut faire, je dois mettre les pieds dans le plat et ne pas tourner autour du pot comme une ridicule toopie. Je suis loin d'être une petite chose fragile, du moins je ne le suis plus.
— Au fait, comment se passe les préparatifs du mariage ? s'interroge-t-elle, curieuse.
— Euh...nous n'avons pas encore débuté à vrai dire. Nous devons prendre rendez-vous avec un wedding planer mais, c'est difficile ces temps-ci. Adan souhaite être présent lors des entretiens mais son emploi du temps est surchargé.
— Je n'arrive toujours pas à croire que tu vas devenir une Brown. L'une des familles les plus huppées de New-York.
— Moi non plus. égaré-je, le regard perdu dans le vide.
— Votre rencontre n'a pas été des plus ordinaires.
— Ah ! ris-je, tu peux le dire. Tout ceci part d'une simple maladresse impolie.
Jenna ricane, un sourire aux lèvres. Mes pensées vagabondent au large et je me revois heurter le torse d'Adan de plein fouet. Je me rappelle avoir trouvé ses yeux d'une beauté à couper le souffle mais aussi d'avoir constaté son caractère merdique. Parfois je me dis qu'il n'a pas changé d'un pouce et puis, je réfléchis, j'observe et me rends compte que si, il a changé. Beaucoup plus qu'il n'y paraît. Si j'avais été à l'heure ce jour-là, Joyce Sliger se tiendrait-elle à ma place, la bague au doigt ? Quelle horreur ! Cette femme est une vraie peau de vache et l'imaginer dans les bras d'Adan me révulse. Ma possessivité n'a jamais été aussi accrue. Je me demande ce qu'il est en train de faire, est-il rentré à la maison ou travaille-t-il encore à son bureau ? J'ai conscience que ma colère est justifiée mais je m'en veux d'avoir hurlé comme un âne, je suis adulte et les adultes parlent. Les remords prennent part en moi et je mords ma lèvre inférieure, frustrée. Ce qu'il se passe ces derniers jours l'affecte tout autant et se disputer est bien la dernière chose dont nous avons besoin. Nous devons nous soutenir, être là l'un pour l'autre, sans mensonge.

Le générique de fin m'arrache de mes pensées et je cligne des yeux. Jenna s'est endormie. Le son de sa respiration est douce et régulière. Je soulève délicatement sa nuque et place le fameux polochon à la place de mes cuisses. Je m'éloigne d'un pas et voile son corps d'un plaid chaud. La voilà parée à passer une bonne nuit !
Je sors mon téléphone portable et ouvre la porte du balcon afin d'éviter de réveiller la belle aux bois dormants. Il fait froid dehors, la neige recouvre encore les dalles de pierres. En un mouvement habile du pouce, je clique sur le bouton « appeler » et les sonneries défilent aussitôt. Soudain, la voix suave et profonde d'Adan surgit de l'appareil.
— Naomi ?
— Salut. susurré-je, nerveuse.
— Salut. Tout va bien ? Il est tard, Jenna est avec toi ?
— Oui, tout va bien. Jenna s'est endormie, je voulais juste t'appeler...
— M'appeler ? s'étonne-t-il, et je devine le haussement de ses sourcils.
— Je suis désolée pour tout à l'heure, je ne voulais pas me mettre autant en colère même si c'était un peu mérité, je crois qu'il faut que l'on discute de ça, au calme.
— Un peu mérité ? répété-t-il, taquin. Moi aussi je suis désolé, je n'arrête pas de réagir comme un abruti.
— Oui, c'est vrai.
Il ricane.
— Où es-tu ?
— Encore au bureau, je n'avais pas envie de rentrer seul à la maison et puis, j'ai des dossiers retardés.
— Je crois que je vais annuler notre soirée pyjama avec Jenna, j'ai envie de rentrer à la maison, pour te voir.
— Tu es sûre ?
— Oui.
— Dans ce cas, je te rejoins immédiatement. répond-t-il, le timbre fiévreux.
— D'accord, haleté-je, je t'aime.
— Moi aussi je t'aime, Anderson.
Je le sens sourire à travers le combiné. Je raccroche et pousse un soupir à la fois soulagé et éreinté. Bon sang...Je quitte le balcon, frigorifiée et jette un coup d'oeil à Jenna, toujours endormie sur le sofa. Je vais lui écrire un mot, si jamais je la réveille j'ai bien peur qu'elle ne se rendorme plus. Je pique un stylo bic et précise que je suis rentrée chez moi pour la nuit mais que je serai là demain avec un sachet de guimauves. Je dépose le morceau de papier sur la table basse et enfile mon gros manteau ainsi que mon écharpe en laine. Avant de quitter l'appartement, je prends le temps d'éteindre la télévision et de fermer les rideaux.
Sur le trottoir, j'essaie de joindre Victoria pour qu'elle vienne me chercher mais aucune réponse de sa part. Bon, va pour un taxi alors !

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Haut Niveau - Tome 2 -Where stories live. Discover now