• Chapitre 47 •

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Adan

Il fait encore nuit lorsque je sors de la douche. On m'a appelé tôt ce matin pour une urgence à Détroit, une réunion importante avec un entrepreneur russe m'attend. J'ai demandé à Suzie de réserver une table dans un restaurant, histoire de classer cette affaire dans une ambiance correcte. Néanmoins, je n'ai pas envie de quitter Naomi aujourd'hui, surtout avec ce qu'il s'est passé la veille. Elle m'en veut encore...
Enfilant une chemise blanche sortie directement de mon armoire, l'odeur de la soupline ravit mes narines. Je ceinture mon poignet de ma montre préférée et ferme les boutons de ma veste de costume. Un bruissement de tissu se fait entendre depuis le dressing, Naomi doit être réveillée.
— Où vas-tu ?
Son ton glacial et enroué par la fatigue me fiche un coup de poing au coeur. Décidément ! Je ne la savais pas aussi rancunière.
— Une urgence à Détroit, je dois m'y rendre au plus vite.
— Au beau milieu de la nuit ?
— Plus tôt j'y serai, plus tôt je rentrerai. dis-je d'un ton doux et rassurant.
— Je vois.
Naomi se laisse tomber sur le matelas et me tourne volontairement le dos. Sérieusement ? Elle refuse même de me dire au revoir ?
— Naomi, tu comptes être fâchée encore combien de temps ?
— Jusqu'à ce que tu te rendes compte de tes erreurs. rétorque-t-elle, la voix étouffée dans les oreillers.
— Je m'en suis rendu compte et je me suis excusé.
— Peut-être mais est-ce que tu le pensais vraiment ? gronde-t-elle, mécontente.
Je soupire, fatigué de devoir me battre une nouvelle fois contre elle, si tôt dans la matinée. Un message retentit sur mon portable et je constate qu'il s'agit de Chesters.
— Je dois y aller, Naomi. Peux-tu oublier notre dispute un moment ? Le temps d'un baiser ?
Je fais un pas en sa direction mais sa voix carillonne brusquement et je m'arrête.
— Bonne journée, Adan.
Outch. Ma poitrine se contracte et je mords ma lèvre inférieure, blessé par cette réaction plus qu'enfantine. Dans un silence mortel, je quitte la chambre et gagne le corridor, où j'attrape mon manteau.
Une fois la porte d'entrée claquée, je rejoins Chesters près de l'ascenseur. Il a été plus rapide que moi pour se préparer. Son costume noir et toujours impeccable dénote bien son professionnalisme.
— Bonjour, monsieur.
— Bonjour, Chesters. réponds-je, mettant dans un coin ce qu'il vient de se passer avec Naomi.
— Mademoiselle Anderson est-elle réveillée ?
— Elle s'est rendormie. Victoria sera là d'ici combien de temps ?
Je change de sujet aussi vite que je le peux et Chesters redresse sa manche, zieutant sa montre.
— D'ici un quart d'heure.
— Bien, nous allons patienter quelques secondes dans ce cas.
Je ne tiens pas à prendre le risque qu'il se passe quelque chose pendant mon absence. Même si ce n'est qu'un quart d'heure, il peut se passer énormément de choses en quinze minutes.
— Puis-je vous demander comment mademoiselle Anderson a réagit après son bain ? Merde, moi qui ne voulais pas entamer ce sujet.
— Tu es bien curieux. dis-je avec un humour chagriné.
— Vous formez un très beau couple, je souhaite que tout se passe pour le mieux. Mademoiselle Anderson est une femme vraiment charmante.
Son regard bondé de bienveillance me fait chaud au coeur. Chesters est présent à mes côtés depuis que je suis gamin, il a été une figure paternel pour moi. Alors, savoir qu'il apprécie Naomi me réjouit, même si je sais que depuis le début, Chesters a été pris d'affection pour elle.
— Merci, Chesters. Naomi est en effet une femme charmante lorsqu'elle ne me fusille pas du regard dès le matin.
Chesters se retient de sourire mais échoue lamentablement.
— Mademoiselle a conservé son caractère à ce que je vois.
— Seigneur oui et ce qu'il peut être emmerdant parfois ! plaisanté-je, badin.
Si elle entendait ça, elle me déplumerait comme un poulet.
L'ascenseur murmure et Victoria apparaît, vêtue de son costume gris.
— Bonjour monsieur Brown, avez-vous bien dormi ?
Son air surpris m'intrigue une seconde, croyait-elle me retrouver couvert de blessures à cause de Naomi et son mauvais caractère ?
— Très bien merci, et vous ?
— Parfaitement, s'incline-t-elle, polie. Puis-je rejoindre mademoiselle Anderson ?
— Oui, nous attendions simplement votre arrivée.
— Bien, passez une bonne journée, monsieur. Je m'occupe de la sécurité de mademoiselle Anderson.
— Merci, Victoria.
Chesters me laisse avancer dans l'ascenseur puis me rejoint, toujours calme. Lorsque nous entamons la descente étage par étage, mon téléphone se met à sonner. Chesters m'avait prévenu de l'appel de Conrad, cependant je ne pensais pas qu'il serait debout à cette heure-ci.
— Conrad ?
— Ouais, c'est moi. J'ai pu accéder aux caméras de la rue où vous étiez hier, malheureusement le type qui vous a suivi n'apparaît que très brièvement.
Ce que j'aime chez-lui c'est qu'il ne tourne jamais autour du pot.
— Ce mec là savait où étaient placées les caméras et a fait en sorte de les éviter. Je ne crois pas au hasard, ce mec là est un pro.
— Tu as pu identifier quelque chose ? demandé-je, les sourcils plissés.
— Presque rien, seulement quelques détails qui ne nous servent pas à grand-chose vu les circonstances.
— Dis toujours.
— Il doit mesurer un bon mètre quatre-vingt voire plus. Il portait des vêtements sombres alors je n'ai pas su déceler autre chose mis à part la couleur de ses cheveux, blonds.
— Un blondinet, je vois. Est-on sûr qu'il s'agisse d'un homme ? m'interroge-je.
— Ouais, j'en suis sûr.
Je ferme la bouche, cherchant dans ma mémoire un indice mais rien ne me vient à l'esprit.
— Quelles sont tes suppositions, Conrad ?
— J'en ai plusieurs mais elles ne sont pas vraiment rassurantes. Il pourrait s'agir d'un détective privé ou d'un journaliste un peu trop investi mais, vu la prestance et la manière de procéder du gars. Je pencherai plus vers un sicaire.
Le temps se fige autour de moi et mon cerveau se met à tourner à plein régime. Un tueur à gage ?
— Tu es sérieux ?
— Plus que sérieux, Adan. Le procédé des sicaires est normalement indéchiffrable mais, j'en ai vu passer et à force, je sais reconnaître certaines choses.
— Quelqu'un veut ma mort et a même engagé un tueur à gage. Ça n'a pas l'air de t'inquiéter, Conrad.
— Non, si j'ai raison. Sa manière de procéder débute par une longue phase d'observation, j'aurais le temps de trouver le coupable avant qu'il ne passe à l'action mais, je te conseille de faire très attention.
— Ouais. dis-je, jetant un coup d'œil à Chesters qui écoute posément la conversation. Tu comptes te renseigner sur ce fameux sicaire ?
L'ascenseur s'ouvre sur le hall d'entrée et je poursuis ma conversation, marchant vers la sortie.
— Non pas vraiment.
— Pas vraiment ? Répété-je, irrité.
— Je sais déjà assez de choses sur ce type. Il vient probablement de l'orphelinat de Hawkings, tu sais l'établissent qui a pris feu dans les années 1990 ?
— Je ne vois pas le rapport, Conrad.
— On a mené plusieurs enquêtes sur ce lieu, je peux pas trop en dire mais, ce n'était pas qu'un simple établissement qui accueillait des orphelins. Ils les formaient pour devenir des soldats, des militaires, des mercenaires pour certains et parfois des sicaires.
— Putain...
— Désormais le lieu est devenu une académie de science mais on les a toujours à l'œil. Je ne suis pas encore certain de ce que j'avance mais, le gars qui te prend en chasse a été plusieurs fois observé sur des affaires de meurtres. Il s'agirait d'un certain Adrian Christensen mais, comme je te l'ai dit, nous ne sommes pas encore certains de cette information.
— Pourquoi ne pas l'avoir arrêté ?
— Ce n'est pas aussi simple, ces mecs là font partie d'une grosse association criminelle, elle est intouchable. Nous stockons ce que nous apprenons mais ça ne va pas plus loin.
— T'es en train de me dire qu'un tueur à gage en a après moi mais, qu'il fait aussi partie d'une association criminelle et intouchable ?
— Tu n'as pas à t'inquiéter, Adan. Sans déconner ? Avant d'être un assassin, un sicaire reste un professionnel. Il ne réclame qu'une chose, l'argent. Alors une fois que j'aurais mis la main sur celui sui tire les ficelles, il te lâchera et se concentrera uniquement sur celui qui ne l'a pas payé.
— Je vois, et si tu ne trouves pas celui qui tire les ficelles ?
— Je le trouverai, c'est mon taff et crois-moi, je ne foire jamais mon taff.
— Bien, je te crois. Avant de te laisser, je peux te demander une dernière chose ?
— Oui, vas-y.
— Est-ce que Naomi est en danger avec moi ?
— Je ne peux pas te dire que non. Cependant elle est moins en danger avec toi que sans toi.
Ce qu'il me dit me rassure. Naomi reste moins en danger avec moi que sans moi...C'est ce dont j'avais besoin d'entendre.
— Merci, Conrad. Je te laisse, je dois y aller.
— Pas de problème, Adan. Reste prudent, je te rappelle si j'en apprends plus.
Je lâche un ouais fatigué et coupe l'appel. Les nouvelles sont mauvaises, carrément mauvaises. Je ne m'attendais pas à apprendre quelque chose de positif mais, pas qu'un tueur à gage en ait après moi !
— Monsieur ?
Chesters m'interrompt dans ma réflexion et je fourre mon portable dans la poche de mon pantalon.
— Allons-y, je te dirai tout sur la route.
— Bien.
Nous quittons le bâtiment avec un peu de retard et prenons la route vers l'aéroport. Mes pensées s'entrechoquent dans ma boite crânienne et je ne suis pas sûr de tenir le coup. Un putain de tueur à gage...Qui irait aussi loin ?

Assis face aux trois hommes, je plaisante poliment et avale une gorgée de vin. La soirée a débuté il y a quelques heures mais, j'apprécie la présence de ces hommes. Malgré qu'ils soient russes, leur anglais est compréhensible. 
— J'ai longuement connu l'humour de votre père, Adan mais vous êtes tout autant comique!
— Je vous remercie, Gennadi. Le remercié-je, levant mon verre.
Il sourit, soulevant sa coupe à son tour et je capte le regard de Chesters, debout non loin de nous. Il semble exténué, ses petits yeux, parsemés de rides lutent pour rester attentifs. Cela fait pas mal de temps que nous sommes au restaurant, il serait peut-être temps de rentrer à l'hôtel.
— Excusez-moi, messieurs mais je commence à fatiguer. Ça a été une agréable soirée et je suis content d'avoir résolu votre problème Vladimir.
— Merci encore, mon garçon. Nous allons profiter de ce vin encore un peu, reposez-vous bien ! s'exclame-t-il, peut-être un peu trop pompette.
Je prends mon manteau, l'enfile et rejoins Chesters qui s'est soudainement redressé, tel un soldat face à son commandant.
— Souhaitez-vous revenir à l'hôtel ou rentrer directement à Manhattan ? Me demande-t-il, sérieux.
— Je crains que tu ne supportes pas le trajet, allons à l'hôtel.
Il incline le menton et s'élance vers la porte vitrée qui nous sépare de l'extérieur. Une fois dehors, je soupire et de la buée s'échappe de ma bouche pour se perdre dans l'air. La voiture est garée à deux pas du restaurant, cependant Chesters s'immobilise, les traits tirés.
— Que se passe-t-il, Chesters ?
Il ne me répond pas et continue de fixer l'horizon. Je m'approche et ouvre la bouche, ayant l'intention de me répéter mais, des bruits de pas se font entendre près de nous et Chesters me bouscule violemment. Un homme avec dans la main un couteau me taillade le haut du bras avant que Chesters ne l'attrape par le poignet et le plaque sauvagement sur le béton usé de la rue. Stupéfait par la rapidité des faits, je ne bouge plus durant une seconde avant qu'une douleur me lance dans le biceps. Putain.
Je pose ma paume sur la coupure et du sang vient immédiatement l'inonder. La plaie est profonde et la douleur plus qu'intense. Il ne m'a pas loupé. 
— Adan ? Est-ce que tout va bien ? Êtes-vous blessé ?
— Ça va, juste une égratignure. mens-je, tenant fermement mon bras.
L'homme ne se débat pas, il fixe le trottoir comme si rien n'avait d'importance. Son poing est serré mais, je perçois quelque chose entre ses doigts. Un papier ? 
— Chesters, il tient quelque chose dans la main droite.
Mon garde du corps, concentré à appeler la police ne prête pas attention à ce que raconte. Toutefois, l'homme mouve son regard vers moi et ourle ses lèvres abîmées dans un sourire qui se veut mauvais. Il desserre sa paume et lance le papier à environ trente centimètres de lui, m'offrant l'occasion de le récupérer.
Je l'attrape, le déplie et lis ce qu'il y a d'écrit dans un silence lugubre.

Tes yeux sont obscurcis par ta culpabilité, Brown.
Ne me vois-tu pas ?

Le souffle court, je relie et relie ces mêmes lignes insensées et un vertige me surprend soudainement. Mon sang s'écoule de plus en plus et il me devient pénible de tenir debout. Seigneur...
Cet homme n'est pas blond, il ne s'agit pas du sicaire comme m'a confié Conrad. Fait chier ! La sirène de la police raisonne au loin et je m'appuie contre la portière d'une voiture. Ma vision se trouble à la vue du sang qui s'échappe de mon biceps...
— Adan ? Vous...
Je n'entends plus très bien.
Merde.

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Haut Niveau - Tome 2 -Where stories live. Discover now