Chapitre 44 : Raison et sentiments

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Le dîner se passa beaucoup mieux que ce que Juvia avait imaginé. Il semblait que Grey était le seul de sa famille avec ce réflexe de froideur apparente, puisque son père avait immédiatement adopté la jeune femme en clamant qu'elle était beaucoup trop bien pour son fils. Il est utile de noter que quand il fit cette déclaration, il ne la connaissait pas depuis trente minute, et n'avait pas vu son seul enfant depuis cinq ans. Silver amusait Juvia par son exubérance et sa détermination à embarrasser Grey par tous les moyens possibles. Elle pouvait voir que le cinquantenaire était aux anges d'avoir les deux garçons sous son toit, et sa manière de le montrer était la taquinerie incessante.

Le cœur de Juvia se serrait un peu à la vue de cette famille que le pianiste ne voyait jamais, si aimante et si joyeuse. Grey était déjà retombé dans une familiarité qui ne trompait pas après seulement une heure. Ultia, sa sœur aînée, n'avait pas manqué de commenter le phénomène. Elle et Meldy paraissaient très bien s'entendre, au plus grand malheur de Lyon qui subissait leurs conspirations à voix basse en sentant un filet de sueur froide lui couler le long du dos.

La conversation était fluide, et aucune gêne ne subsistait. Il semblait que les trois Doralmiens avaient accepté sans problème que leurs fils aient ramené de Fiore deux invités surprise. Bien sûr, grâce (ou à cause) de l'anneau à sa main droite, Meldy était sans cesse questionnée par Oul et Silver. Ils lui demandèrent son métier, s'extasiant sur la révélation qu'elle avait fabriqué de ses mains la chemise que portait Lyon ce jour-là. Parfois, l'attention dérivait un peu sur Juvia, par politesse peut-être, ou véritable curiosité. En effet, entre deux bouchées de purée de légumes, Silver demanda à son tour :

- Et toi, Juvia ? Tu es aussi dans le secteur du cinéma ? voulut-il savoir, ce qui fit se crisper la jeune femme presque inconsciemment.

Grey le remarqua, s'apprêtant à changer le sujet de conversation pour éviter un échange inconfortable, mais la main de sa garde du corps sur sa cuisse l'en empêcha. Il tourna vivement la tête dans sa direction, cherchant à cacher ses rougeurs soudaines pour que personne ne se fasse d'idées, et vit qu'elle souriait à son père. Posant ses couverts, elle répondit :

- Pas du tout, Juvia est garde du corps, lui apprit-elle, préférant passer sous silence tout son passé militaire, la guerre en particulier.

Elle ne voulait pas vraiment se faire jeter dehors par des températures pareilles. Même si elle se doutait qu'avec deux fils envoyés à Fiore Silver et Oul n'étaient probablement pas du genre à prendre trop à cœur la défaite de leur pays, elle ne préférait prendre aucun risque. De plus, elle craignait en le mentionnant qu'on lui demande de parler de ces années traumatisantes, et elle passait un si bon moment que l'idée de le ruiner avec des souvenirs peu agréables lui semblait insupportable.

Un moment, les yeux de la mère adoptive de Grey se plissèrent alors qu'ils passaient de Juvia à son fils. Ce dernier fit de son mieux pour offrir un visage parfaitement innocent tandis que Lyon faisait preuve d'une très grande volonté afin de ne pas se foutre de lui. Malheureusement la cinquantenaire était bien trop perspicace, et un sourire de prédateur ne tarda pas à fleurir sur ses lèvres.

- Tu as été engagée par l'agence de Grey pour le protéger de Doralmia ? rit-elle doucement, et le concerné grinça des dents en sentant le piège arriver à des kilomètres.

Il ne put pas prévenir la jeune femme, qui ne savait pas lire les intentions de sa mère, et elle sauta dedans à pieds joints.

- Oh, bien sûr que non ! Mon contrat est quasiment terminé, à vrai dire je suis ici sur mon temps personnel, comme amie, sourit-elle innocemment à Oul, qui tourna vers Grey un sourire triomphant.

- Ah, vraiment ? Intéressant, répliqua la maîtresse de maison, appuyant bien sur le dernier mot.

Le pianiste sentit le sang lui monter au visage, et s'étouffa avec son verre d'eau quand il essaya de boire pour faire comme si rien de tout cela ne l'atteignait. Il passa le reste du repas le regard obstinément vissé vers son assiette vide. Heureusement, Oul les invita rapidement à se retirer vers le salon pour prendre une boisson chaude, et il vit cela comme une opportunité de brouiller les pistes.

Bodyguards [Tome 3]Donde viven las historias. Descúbrelo ahora