Prologue

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L'air était doux en cette soirée d'été. Dans les rues de Londres, hommes et femmes fêtaient la fin de la semaine. Et quelle semaine - c'était la première fois depuis plus de trente ans qu'une telle canicule n'avait pas touché le pays. Habituellement humide, la contrée s'était asséchée subitement. Les scientifiques se perdaient dans d'innombrables explications, accusant la pollution ou déclarant des effets naturels. À vrai dire, il n'y eut pas de véritable explication à ce phénomène et les températures redevenaient agréable sans aucune intervention. Le fléau qui avait touché les Londoniens prenait fin en même temps que leurs épuisant travails. La ville était en joie. L'alcool coulait à flot, les restaurants étaient débordés et les rues passantes noire de monde. L'insouciance berçait les habitants.

Attablé dans son bar favori, Benjamin observait seul le spectacle. Portant de temps en temps sa pinte ambrée à sa bouche, il semblait plutôt chercher quelqu'un. Sa jambe s'agitait nerveusement sur le rebord du tabouret. Il passait souvent sa main dans ses cheveux noirs épais, voulant à tout prix dompter cette mèche qui se rebellait. Le serveur, un bon ami à lui, venait quelques fois le taquiner.

— Alors, elle t'a posé un lapin Benny ?

Benjamin envoya gentiment balader son ami tout en lui commandant une nouvelle bière. Il était venu bien trop en avance, tant il était impatient de la revoir. Mais avec cette foule, allait-elle trouver le bar ? Peut-être était-elle déjà arrivée, mais ne l'avait point vu. Il se leva soudain, cherchant de ses billes noires la jeune femme de ses désirs. Il était encore tôt, sept-heures-et-quart à sa montre. Lorsque le serveur arriva avec sa boisson, Benjamin lui demanda pitoyablement

— Si tu la vois, tu me le dis hein, Franck ?
— Haha ! Mais oui l'ami, ne te fais pas de soucis !

Franck était un homme joviale, toujours prêt à faire les quatre cent coups. C'était un bon ami, sur qui on pouvait compter à toute heures, mais son côté taquin en déroutait plus d'uns. Benjamin et lui s'était connu au lycée. C'est après que Franck l'ai sauvé d'une bagarre un peu trop violente que les deux se sont liés d'amitié. Depuis, le lien qui les unissait était sans faille, alors même que leur voies s'étaient séparées. Après le lycée Benjamin avait rejoint l'Académie de police pour devenir inspecteur à Scotland Yard. Franck lui, n'avait pas encore trouvé sa vocation et vivait grâce à ce boulot de serveur.

Les minutes défilaient et le bar ne désemplissait pas. Le brouhaha des discussions camouflait la musique rétro qui tournait en fond. De sa place Benjamin pouvait observer le va et vient de la clientèle ainsi que des passant dehors. Big Ben sonnait vingt heures. Sur le troisième coups, la sonnette de la porte retint à son tour. Les yeux de Benjamin s'allumèrent d'un éclat de joie et ses joues pâles se mirent à subtilement rosir.

Elle regardait de part et d'autre, le cherchant sur le seuil de l'entrée. Il lui fit signe de la main, un large sourire aux lèvres. Franck alla finalement l'accueillir et la conduisit jusqu'à lui.

— Qu'est qui vous ferais plaisir ma p'tite dame ?
— Un whisky-soda, s'il vous plaît.

Il lança un regard étonné à son ami, puis lui adressa un clin d'oeil complice.

— Pardon, je suis en retard. Cela fait longtemps que vous attendez ?
— Oh... euh... non, je suis arrivé en avance...

Elle lui adressa un sourire. Benjamin était bredouille, ses mains étaient soudainement devenues moites. Il n'osait lui parler alors il l'observait en silence. Elle portait une robe à bustier blanche, avec un peu de dentelle. Elle avait joliment noué un carré de soie dans ses cheveux châtains. Elle dégageait un parfum de fleurs et de fruits. Il se sentait misérable à côté, lui qui était modestement vêtu de son costume trouvé en friperie. Il sortait tout juste du travail et n'était donc pas allé se changer. Il n'avait pas non plus pensé à se parfumer.

— Vous.. vous voulez commander à manger ? Ils servent des beignets de poulets à tombés !
— Volontiers ! Je meurs de faim.

Alors que nos tourtereaux entamaient leur rendez-vous, de l'autre côté de la Tamise ce tramait une tout autre ambiance. Voulant couper dans une sombre ruelle pour rejoindre la rive, une dénommée Kate Hamsten, poussa un cri qui figea la ville pour un instant. Lorsqu'on accouru pour l'aider, le choc et l'effroi les prirent tous. Devant eux, une femme et un homme étaient suspendus par une corde. Leurs corps ensanglantés valsaient de droite à gauche. On aurait pu croire qu'ils dansaient.

Les ombres qui dansent Where stories live. Discover now