La journaliste Luna Burton

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Mardi 8 juillet.

Comme à son habitude Luna était en retard. Son réveil avait beau avoir sonné à sept heures piles, elle avait ouvert les yeux une demi-heure après. Tout en se brossant frénétiquement les dents, elle gigotait dans tous les sens pour enfiler son pantalon. Elle s'essuya la bouche, boutonna son chemisier et remonta ses bretelles. Enfin, elle enfila ses chaussures et claqua la porte.

Arrivée à l'extérieur, elle suffoqua à cause de cette chaleur intenable.

— Mince, j'aurais vraiment due regarder la météo ! Il fait chaud !

Dans sa course, elle s'attacha les cheveux en une haute queue-de-cheval, puis en un chignon peu soigné. Quelques mèches s'étaient échappées, retombant dans son cou et devant ses yeux. Heureusement pour elle, elle n'habitait pas très loin de son lieu de travail.

Le DailyGraph était un impressionnant bâtiment se situant dans les rues de Lambeth. On le reconnaissait facilement à sa devanture blanchâtre et à ses grandes baies vitrées.

Lorsqu'elle y pénétra, elle poussa un soupir de soulagement en entendant le ronron des climatiseurs qui soufflaient fortement de l'air frais. Un léger frisson la parcouru tant le choc thermique était violent. Mais Luna s'en amusait, elle préférait le froid.

Elle s'installa à son pupitre, au troisième étage, situé près d'une des fenêtres. Elle avait une vue imprenable sur la Tamise. Enfoncée dans son fauteuil, elle releva les sourcils en observant l'amas de dossiers sur son bureau. Le désordre y régnait et il lui fallait s'en débarrasser.

Elle s'attela donc à organiser ce bazar. Le nez dans les papiers, elle ne remarquait pas ses collègues qui l'observaient au loins, chuchotant à son propos.

— Ma'zelle Burton ?

Elle releva la tête, interloquée par la voix de l'inconnu qui venait de l'appeler. Devant elle se tenait un coursier à l'allure dédaigneuse, qui mâchait un chewing-gum. Il tenait en ses mains un bouquet accompagné d'une lettre.

— Une signature, s'vous plaît.

Elle parapha le papier et s'empara de son dû. Surprise, elle huma le bouquet d'hortensia en observant la lettre. Avant même qu'elle puisse l'ouvrir, Stéphie lui sauta dessus.

— Eh ben ! Tu ne m'avais pas dit que tu avais un amant, petite cachotière !

La jeune femme élégante se mit à pincer Luna.

— Ne t'emballe pas, c'est sûrement une erreur. Regarde ça vient de Wembley, je n'y connaît personne !

Son amie la tanna de l'ouvrir, mais Luna pensait à une erreur et ne voulait pas lire le courrier d'une autre. C'est alors que Stéphie s'en empara et la déchira l'ouverture.

— « Chère Miss Burton, Je ne savais où vous joindre pour vous présenter mes remerciements, si ce n'est à votre bureau. J'espère que cela ne vous embarrasse pas trop. Pardonnez moi si c'est le cas ». Oh, qu'il est poli !
— Mais arrête voyons !

Luna lui reprit la lettre des mains. Ses joues étaient devenues rouge. Elle serra la feuille contre son torse pour que son amie ne puisse la reprendre.

— Aller, retourne bosser Stéph !

La turbulente Stéphie s'en alla en sautillant sur ses hauts talons.

Gênée, Luna cacha le mot dans son sac. Le bouquet resta sur le pupitre, l'ornant joliment.

La jeune femme se remit au travail. Parmi les dossiers se trouvaient des informations sur divers sujets. À cause de la chaleur, un transfert des prisonniers du centre-ville avait été organisé. Un voleur sévissait depuis plus d'un mois dans les quartiers mondains mais ne volait que des choses de peu de valeurs. Mais ce qui retint son attention fût l'annonce d'un macabre meurtre qui aurait eu lieu dans la nuit du 30juin. C'est la voisine qui, inquiète aurait appelé la police. Une femme et son amant auraient été retrouvés dans l'appartement de celle-ci, pendus par des fils, enlacés l'un à l'autre. Lorsque que l'officier était entré, les fils avaient fait bouger les cadavres donnant l'impression à ce jeune policier que les amants dansaient. Classifier comme crime passionnel, le premier suspect était le mari de la jeune femme, mais celui-ci était en déplacement en France au moment des faits.

Luna avait du mal à l'avouer, mais ce genre d'histoire sordides étaient ses préférées. Heureusement pour elle, son rédacteur en chef le savait. Et c'est quelques minutes après avoir lu la note que ce dernier la convia dans son bureau.

M. Grant était un homme d'une trentaine d'année tout à fait charmant. Ses yeux bleus et son sourire enjôleur emballaient le cœur de toutes les femmes. Il était toujours très propres sur lui, vêtu d'un costume sobre et élégant. Ses cheveux étaient coiffés en arrière, sans aucun épis. Tout chez lui était parfait, jusqu'à son comportement. C'était un vrai gentleman et un patron très agréable. Il savait comment motiver ses équipes et avait fait du DailyGraph le meilleur journal de Londres.

— Luna, tu as lu tes notes ?
— Oui M.Grant.

Un sourire discret s'inscrivait sur le visage du rédacteur en chef.

— Bien alors tu sais déjà ce que tu as à faire.
— Oui, merci M. Grant.
— Je t'ai déjà dit de ne plus m'appeler ainsi. Tout le monde m'appelle déjà Tom, ou bien Thomas si tu préfères.

La jeune femme, un peu gênée, lui adressa un sourire courtois. Elle allait partir lorsqu'il reprit.

— Si je peux me permettre... Qui est l'heureux élu ?
— Pardon ?
— Les fleurs, qui te les envoies ?

Le regard de Thomas se faisait triste, mais Luna ne le remarqua pas.

— Oh, ce n'est rien. Une erreur de destinataire je pense.

L'homme ne répondit pas, mais son visage se détendit de soulagement. Cela faisait bientôt quatre ans qu'ils travaillaient ensemble et depuis le premier jour, elle lui avait tapé dans l'œil. Contrairement à toutes les autres femmes du bureau, elle ne lui tournait pas autour. Elle était bien trop concentrée sur son travail, qu'elle effectuait toujours avec brio. Il adorait voir la passion brûler dans ses yeux et rêvait parfois qu'un jour elle le regarde de la même façon.

À vrai dire, Luna ne s'intéressait guère à lui. Il était trop parfait. Trop rayonnant. Trop lisse. Tous ce qu'elle détestait.

Elle commença son enquête en organisant ses notes. Elle devait commencer par contacter l'officier, puis irai voir la voisine. Avec un peu de chance elle pourrait aussi questionner le malheureux veuf cocu. Elle rédigea un premier jet rapidement avec les quelques informations à sa disposition.

En rentrant chez elle ce soir là, elle se décida à lire la lettre.

Les ombres qui dansent Where stories live. Discover now