Visite nocturne

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Dimanche 13 juillet
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L'inspecteur Benjamin Lynch avait passé son week-end entier à essayer de trouver des indices. Les heures défilaient et rien ne lui venait. Pourquoi donc tuer ces gens ? À quoi rimaient ces mises en scène macabres ? Comment le ou les tueurs parvenaient à ne laisser aucune mare de sang, d'empreintes, de fibres, de traces même d'un meurtre ?
Les analyses sanguines démontraient qu'aucune drogue ne se trouvait dans l'organisme des victimes. Les modes opératoires étaient différents - les amants de Soho avaient été tués par un objet contendant enfoncé dans le foie tandis que les valseurs avaient tous deux la nuque brisée. La police voulait croire à deux cas bien distincts, mais Benjamin savait qu'il s'agissait du même tueur.

L'horloge sonna les onze heures du soir, mais le jeune homme l'ignora. Ses yeux viraient d'un rapport à un autre sans oublier les témoignages. Il n'y avait pas une once d'éléments exploitables. Affalé sur une chaise de la cuisine, il empoigna sa tasse de café machinalement, comme un zombie qui répéterait le même geste encore et encore. La petite pièce était ouverte sur le salon où la télévision, allumée, donnait un fond sonore rassurant. Une odeur de pain grillé parfumait l'appartement. La table sur laquelle était étalée les dossiers se trouvait contre la fenêtre, ouverte pour faire rentrer la fraîcheur de la nuit. Dehors, les rues étaient calme. Seuls quelques oiseaux nocturnes brisaient le silence. Les fêtes avaient pris fin la vieille et toute la ville était épuisée.

Dring. Driing. Dring.

Le téléphone sonna aussi fort qu'une sirène d'alarme pour les oreilles de Benjamin. Surprit, il renversa son café à peine chaud sur lui. Il courut jusqu'au comptoir de la cuisine, à côté de l'ouverture du salon, où y était accroché le combiné.

— Benjamin ?
— Oui, qui est à l'appareil ?
—Les valseurs, ils étaient amants ! M. Gordon est, enfin était, le mari de Susanna Gordon. Il avait acheté cet appartement il y a deux ans sous un faux nom, Finnegan !
— Miss Burton, c'est vous ?
— Oui, qui d'autre voyons ! Appelez moi donc Luna je vous prie. Donc, je disais, cet appartement lui servait de garçonnière pour tromper librement sa femme.
— C'est pour ça qu'on a rien trouvé sur lui...
— Rien sauf des relevés bancaires. Mais j'ai retrouvé Mme. Gordon, une femme charmante d'ailleurs, qui n'en revenait pas. D'après elle son mari était un homme aimant et attentionné. Il était en voyage d'affaires depuis plus d'une semaine et ne devait rentrer que dans quelques jours.
— Comment... Vous êtes bien meilleure enquêtrice que moi, Luna...
— Ne dites pas de bêtises, Benjamin. J'use seulement d'autres méthodes.

Elle avait un rire léger, ni moqueur ni sur de soi. Si Benjamin pouvait la voir, il jurerait qu'elle rougissait.

— Benjamin ?
— Oui ?
— Puis-je passer chez vous ?
— Quoi, maintenant ?
— Oui... à dire vrai, je suis déjà devant.
— Quoi ?! Mais, comment savez vous...
— Je suis passée voir votre ami, Franck. Il était étonné que vous ne m'aviez pas donné de quoi vous contacter et m'a gentiment offert votre numéro ainsi que votre adresse.

Benjamin tira le fil jusqu'à la fenêtre qui donnait devant l'entrée. Elle était en bas, comme elle l'avait dit. Lorsqu'elle leva les yeux vers lui, il se cacha instinctivement.

— Euh... Je... Je vous ouvre, montez. Deuxième étage la porte à droite.

Il raccrocha le combiné et enfonça le bouton de l'interphone. Il ordonna rapidement ce qui traînait ça et là avant de s'observer une seconde. Il était entièrement recouvert de café, ses cheveux étaient en bataille et des restes de sandwich traînaient au coin de sa bouche.

Toc,toc,toc.

Il arrangea sa tignasse et balaya les miettes sur son visage avant d'ouvrir la porte. Elle tortillait ses mains, gênée. Ses cheveux tombaient en ondulant sur ses épaules et jusqu'à ses côtes. Elle était venue à la hâte, vêtue d'un sweat à capuche et d'un pantalon large. Elle n'était pas maquillée mais avait la mine rosée. Elle lui sourit et Benjamin sentit son cœur quitter sa cage thoracique.

— Vous avez du... (Luna agita un doigt pour montrer la tache de café)
— Oh, euh, oui. Entrez donc, je vais me changer rapidement.

Benjamin s'engouffra dans la salle de bain, laissant Luna errer dans le salon. Curieuse de nature, elle examina chaque recoin. À côté de l'entrée se trouvait un meuble sur lequel était exposées des photographies. Elle en prit une où elle reconnu l'inspecteur. C'était une remise de prix : en tenue de sport, il tenait une coupe en argent dans sa main droite. Luna se surprit à sourire tendrement et reposa le cadre. Elle se dirigea vers la télévision qui passait une énièmes rediffusion de Doctor Who. Juste au dessus de l'écran étaient encadrés les diplômes du jeune homme.

— Pardon de vous avoir fait attendre... Vous voulez boire quelque chose ?
— Je tuerai pour une bière !

Benjamin releva les sourcils, surprit. Ce n'était pas vraiment ce qu'il avait en tête, mais sorti deux bières du réfrigérateur. Il proposa à la jeune femme de s'installer sur le canapé dans le salon et éteignit la télé.

— Je sais, c'est bizarre mais je voulais pas parler de ça au téléphone et... (Elle regarda profondément dans la bouteille qu'elle tenait des deux mains) je voulais parler de cela avec vous directement.
— Oh... ne vous en faites pas, je... j'étais plongé dans mes dossiers et...toute aide et bonne à prendre.

Ils se tenaient à un bon mètre l'un de l'autre. Tout deux éprouvaient une certaine gêne et ne savaient comment agir. Luna avait décidé de venir sur un coup de tête, mais maintenant qu'elle était là elle trouvait ça étrange de s'imposer chez un homme qu'elle connaissait à peine. Benjamin lui, était sûr que s'il s'approchait même d'un centimètre, elle serait capable d'entre son cœur battre la chamade. Il n'osait pas la regarder directement, ni même lui demander quoique ce soit de peur de la faire fuir. Agitant nerveusement sa boisson, Luna reprit :

— J'ai repensé à notre échange l'autre soir. Je crois bien qu'il y a un lien entre les victimes. Et que les amants de Soho ne sont pas les premiers...
— Hm... (Benjamin retira la bouteille qu'il venait de porter à sa bouche ) Ah bon ?
— Oui... les méthodes sont différentes mais en plus des mises en scène, les couples assassinés étaient tous adultères. Il y a eut trois autres cas comme ça sur les sept derniers mois.
— Pourquoi n'a-t-on pas rapporté ces crimes ?
— Parce qu'ils n'avaient rien en commun et avaient été commis avec un certain intervalle.
— Alors pourquoi pensez vous qu'ils sont l'œuvre du tueur des amants de Soho ?
— La musique, Benjamin... Sur chaque lieux, il y avait une référence à une musique classique.

Elle sorti des dossiers de son sacs et les tendit à Benjamin.

— Regardez, là.

Elle s'approcha de lui. Il pouvait sentir le parfum de son shampoing, une odeur de groseilles. Elle avait dans les yeux une lueur éclatante. Elle aimait ça, elle aimait enquêter et Benjamin aimait la regarder. Elle lui montra une première image, ou des partitions étaient étalées sur le sol où reposaient deux corps. Puis un témoignage d'un agent sur une autre affaire qui décrivait qu'une musique tournait sur un tourne-disque lorsqu'il était entré sur la scène de crime. Enfin, elle lui montra les dernières victimes : des notes de musiques avaient été dessinées dans leurs chaires.

Benjamin eut des sueurs froides. Son cerveau s'actionna et il se leva d'un bon.
— Mais oui ! Pourquoi je n'y ai pas pensé... Luna, vous êtes un génie !
Il s'empressa dans la cuisine et ramena ses dossiers. Il fouilla rapidement.
— Regardez, le tourne-disque.

Elle observa avec attention
— C'est... le même ? Mais comment ?
— Je n'en sais rien. Mais si on retrouve le modèle on peut peut être voir où il se vend
— Et qui l'a acheté en plusieurs exemplaires sur les sept derniers mois
— Oui... (le sourire qu'il arborait par l'excitation disparu)
— Qui y a t'il ? Demanda Luna en se levant vers lui.
— Ça ne peut pas être aussi bête... il est méticuleux...
— C'est vrai qu'il ne laisse aucune trace de son passage.

Benjamin se laissa tomber sur le sofa. Luna le suivit, se rapprochant encore un peu plus de lui.

Minuit sonna.

Les ombres qui dansent Where stories live. Discover now