Chapitre 31 : Le bouquet final

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15 Mai - 23h 37

Drago errait dans les couloirs. Son arme pendait au bout de son bras, comme si c'était devenu la prolongation de son corps. Il avançait, comme un revenant dans un cimetière, errant au milieu de ce couloir, les yeux perdus dans le vague, sans vraiment savoir où aller. Avançant toujours un peu plus loin. Pas après pas, traînant sa carcasse sur ce tapis de velours rouge. Il avançait. Une foule de souvenirs lui revenait en tête, essayant de lui barrer la route, dressant une barrière mentale. Il avançait, les ignorant, faisant mine de ne pas les entendre. Leurs reproches résonnaient...Leurs insultes, leurs mépris... La voix de son père se réincarnant dans tous ses affronts... Tout cela glissait sur son corps, sans jamais réussir à l'atteindre. Il continuait sa route, se frayant un passage au milieu de toute sa mélancolie. Il avait l'impression de revoir chaque moment où son père s'était tenu debout devant lui, le surplombant, le regard débordant de mépris, le réprimandant... Toutes ces projections de Lucius emplissaient la salle comme une foule venimeuse... Toutes leurs remarques désobligeantes se mélangeant en un gros capharnaüm de morgue, tous les regards hautains le fixant, lui donnant l'impression d'avancer, braqué de viseur laser... Il avançait, oppressé sur ce tapis rouge, dans l'obscurité du couloir, tous ces clones en cercle autour de lui, le fixant circonspects... Il s'arrêta, les défiants tous du regard, la tête haute. Ils ne bougeaient pas. Drago savait que revenir à la Voldemort's Tower lui rappellerait tous ces mauvais souvenirs. Pourtant, ça ne faisait pas longtemps qu'il l'avait quitté... Mais en quelques jours, sa vie avait radicalement changée. Maintenant, il se sentait prêt à affronter toute une armée de son père. Plus rien ne l'arrêterait. Un sourire fier éclaira son visage. Il y eut un mouvement dans la foule. Un jeune homme en sortit. Un jeune homme blond au visage déprimé. Moi... Mais ce n'était pas lui. Ce n'était plus lui. Ce jeune homme ci était plus triste, plus pâle, plus morne... Ce jeune homme ci donnait l'impression d'essayer de jouer un rôle qui n'était pas fait pour lui... Donnait l'impression de suivre la vie de quelqu'un d'autre, quelqu'un qui ne lui correspondait absolument pas. Ce jeune homme ci se contentait de regarder son corps obéir aux ordres, agir sans rien faire, comme si son âme n'avait pas osé prendre le contrôle sur son corps. Elle le suivait juste sagement, sans réfléchir. Ce jeune homme n'avait jamais vécu sa propre vie. Ce jeune homme, Drago savait que c'était lui il y a encore quelques jours. Il jeta un coup d'œil aux souvenirs de son père, tout autour de lui, droit, le surplombant. Le reflet de sa vie. Combien de fois il s'était tenu debout, dressé devant lui... Toute cette arrogance, ce dégoût, ces critiques, blessant comme des gifles, des coups de poings, sentant sa mâchoire se décrocher sous chaque mot, chaque paroles lui donnant l'impression d'être roué de coups, le laissant la tête tombante à la fin de chaque phrase, le sang coulant à foison de sa bouche, l'œil hagard, retenant ses larmes... Puis son père le voyant dans cet état, fronçant les narines et tournant le dos avec désapprobation, hautain... Il plongea son regard dans celui de son reflet pathétique. Il réalisait à quel point sa vie avait été décevante... Non pour son père... Mais pour lui. Il ferma les yeux. Il s'était bâillonné, muselé, empêchant son cœur de lui hurler d'agir... Et pourtant... Pourtant... Il avait suffit de tellement peu, pour le sortir de son coma, de sa transe forcée. Quelques verres de whisky... Un mot d'esprit... Un accident de voiture... Quelques mèches brunes... Un tueur psychopathe... Drago sourit. S'il avait su, il aurait agi plus tôt... Il se serait sauvé avec une bouteille, aurait braqué un perruquier et kidnappé Vic Vega, et se serait jeté au milieu du périph... Mais bon, il aurait manqué le mot d'esprit... Et ce n'était pas le plus facile à trouver... Seules certaines personnes arrivent à faire de bons mots d'esprits. Évidemment, il aurait pu engager quelqu'un pour ça, quelqu'un ayant décidé d'en faire son métier, un Arthur Fleck pas cher, ou un truc comme ça... Mais ça n'aurait pas était pareil. Il ne lui fallait pas un vulgaire humoriste de bas étage pour fêter sa renaissance ! Il lui fallait un pro en la matière ! Quelqu'un qui avait réussi à le connaître par cœur, à le comprendre. Quelqu'un à qui il aurait pu faire confiance. À qui il aurait pu confier ses pensées, ses doutes, ses troubles ou ses peurs... Un véritable ami ! Pour se libérer pour de bon de la Matrice, il lui fallait un Harry ! Harry, Harry, Harry. Ils s'étaient rencontrés il y a à peine quelques jours... Et pourtant, lui seul avait le don de réellement le comprendre, le don de le faire rire et de le mettre de bonne humeur. Et il savait avoir LE bon mot d'esprit ! Il savait ajouter la bonne dose de piquant. Juste assez pour être admirable et un poil vexant. Avoir assez de mordant pour transformer ses paroles en électrochoc et le sortir de son existence comateuse ! Drago sourit. Il devrait vraiment lui conseiller de se convertir en appareil chirurgical. Il avait de bonnes bases.

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