Chapitre 3 : la reconstitution

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« L'amour finit toujours par se transformer en cicatrice, plus ou moins vaste, plus ou moins silencieuse. La question n'est pas de savoir si l'amour est supportable ou non. La question est de savoir si l'on se protège ou si l'on s'expose. Si l'on vit à l'abri ou à découvert. Si l'on est prêt à porter sur soi la trace de nos histoires, à même la peau.»

D. de Vigan

•••

Je me retrouve donc dans ce grand couloir, seule, un brin honteuse, avec une immense envie d'aller à la toilette. J'arpente le hall de long en large, ne sachant pas si je dois redescendre bredouille ou si je dois aller explorer les autres portes. Après tout, ne dit-on pas que tous les chemins mènent à Rome ?

Heureusement, une voix familière m'interpelle.

–Alors, qu'est-ce que tu fais plantée là ? s'exclame Emma.

Elle m'observe, puis pouffe de rire.

–Heureusement que tu as une super pote pour te guider. Viens.

–Merci, soupiré-je.

Elle s'approche et entoure mon épaule de son bras. Nous faisons demi-tour et retournons sur le palier. Les toilettes se trouvent dans un petit renfoncement là-bas. Il était temps que je les trouve ! Après plusieurs minutes, nous voilà de retour en bas. 

Dans la salle, les autres personnes de ma classe s'exercent à la valse. Lorsque Maria m'aperçoit, elle s'approche.

–Je suis désolée, je me suis trompée dans les indications. J'oublie à chaque fois que l'on a changé l'emplacement des toilettes. J'espère que tu ne m'en veux pas...

Je ne sais pas pourquoi, mais je décide de taire ma rencontre avec l'homme du bureau. Après tout, qu'est-ce que je pourrais bien raconter à ce sujet ? Il m'a mise dehors comme une malpropre. Quoique j'aurais sûrement réagi de la même manière si quelqu'un était venu me déranger dans mon espace personnel. Mais je ne l'aurais pas fait si méchamment !

–Non. Ce n'est pas grave, ne vous inquiétez pas.

Elle me sourit et interpelle un des danseurs professionnels pour nous apprendre à Emma et à moi les pas de base.

Après plus d'une heure trente, ils déclarent que tout le monde est au point pour passer à la reconstitution du bal. Les filles se mettent d'un côté et les garçons de l'autre. Nous nous faisons tous face. Ils nous expliquent les derniers détails afin de s'assurer du bon déroulement de l'activité. Ils nous rassurent en expliquant qu'ils vont circuler et qu'ils sont prêts à nous aider s'ils voient que ça ne fonctionne pas. Je ressens de l'excitation, mais aussi beaucoup d'appréhension. Je crains de m'emmêler les pinceaux. Ou dans ce cas, les pieds... Je répète une dernière fois dans ma tête les consignes.

Juste au moment où Maria allait enclencher la musique, les grandes portes s'ouvrent en grinçant. Tous les regards se tournent dans cette direction, le mien y compris.

Un homme se tient dans l'ouverture, lui aussi habillé d'époque. C'est quand il approche que je remarque qu'il s'agit de la rencontre fortuite que j'ai faite plus tôt. Je dois m'empêcher de pouffer de rire en apercevant son accoutrement d'antan. Je ne peux pas dire que je le préfère habillé ainsi. Il porte une espèce de longue veste noire en queue de pie. En-dessous, il revêt un veston gris foncé. Dans son col ressort un foulard. Il porte également un pantalon noir et des chaussures brun foncé. Il n'empêche qu'il a de la prestance. La preuve : personne ne le quitte des yeux.

Emma me donne un coup de coude dans les côtes.

–Il est trop canon ! s'écrie-t-elle d'une voix aiguë.

La malédiction de Bergham [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant