Chapitre 24

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- Dans les quartiers Nord, la Chouille s'est beaucoup développée. Franchement, je ne sais pas comment ils fabriquent cette merde, mais ça rend addict dès la première prise.

- Un nom, j'ai besoin d'un nom Farid, lui dis-je en me rasant.

- J'ai rien, je te dis. Leur réseau est vissé, maestro, no sé. Ce n'est pas un homme invisible qu'il te faut, c'est une boule de cristal, me dit-il en se regardant dans le miroir.

Je sens dans l'esprit de Farid qu'il est déçu de piétiner. Je vois qu'il a persévéré de plein de façons différentes pour s'introduire dans le réseau, sans succès. 

- Farid, arrête de te mater dans le miroir et de te dire que tu es beau, enfin, j'ai besoin de toi sur ce coup.

- Très honnêtement, Gaspard, je vais te donner mon avis. T'as pas l'air de saisir. Leur réseau est très très organisé. Ils sont extrêmement précis, ok ? Les gars ne te laissent pas entrer chez eux comme ça, déjà ! Si tu n'es pas de là-bas, n'espère même pas passer la porte, et si tu n'es pas de leur réseau mais que quelqu'un reconnaît ton visage, les mecs te font leur propre fouille et compagnie. Ils ont même un moyen de vérifier ta puce Gaspard, et ça franchement, ça m'a flippé grave. Même dans certains districts, les contrôles de puces d'identification, c'est pas systématique !

Je sens que Farid est sincère, il a réellement eu peur dans ce district, et je l'ai envoyé dans le coin le plus isolé, enclavé et pourri de la ville. Le coin des dealers. Ils fonctionnent différemment, ont leurs propres milices, et font la loi dans la moitié des districts Nord. Plus aucun de mes hommes ne peut passer voir, hormis Farid. C'est le seul qui peut se glisser et me dire la vérité.

- Ensuite, quand tu rentres, franchement, c'est la misère. Entre les addicts qui viennent chercher leur fixe, ceux qui n'ont pas le moyen de payer donc qui proposent de se vendre ou de donner un organe pour avoir leur dose, ... Wallah, c'est sale, frère. Les dealers se baladent dans le coin avec des armes au calme. Ils ne sont pas seuls, donc personne ne va leur sauter dessus. Le gars qui a des doses a toujours au moins 4 ou 5 gars autour de lui. Claro, coño, ils ont un meilleur budget que l'armée de l'empire. Escúchame !

- Je t'écoute, Farid, je t'écoute. Je me rase, mais je t'écoute.

Farid est nerveux, je peux voir que ce dossier lui tient à cœur. Il faut que je trouve plus de gars comme Farid. Des Potestate ou des Sapiens, mais des gars qui s'infiltrent, qui me font le travail. Je ne peux pas faire confiance aux agents de l'empire, tout le monde bosse pour quelqu'un dans cette organisation complétement pourrie.

- Ensuite, à la moindre menace, le mec balance son sac à un gars qui court soit foutre le feu si c'est les flics, soit le ramener à l'appartement principal.

- L'appartement principal, c'est là où ils stockent leur merde ?

- Claro. Ça y est, tu saisis. Ensuite, cet appartement est vidé tous les jours. L'appartement peut se trouver n'importe où dans la zone où ils sont. Au moindre risque, ils foutent tout dans une planque en dehors du district.

- Donc, s'ils pensent que la police intervient, ils se carapatent dans un endroit où on ne pensera jamais les trouver ?

- Claro, tu as tout compris. La dernière fois, apparemment, ils ont tout stocké dans un appartement dans le centre, j'ai entendu un gars le dire.

Je comprends mieux pourquoi nos précédentes interventions ont échoué.

- Dans le centre ...

Je pose mon rasoir, et réfléchis.

- ¡Sí!

- Le chef des opérations n'est pas dans le district. J'avais tout faux. C'est un réseau beaucoup plus large. On doit reprendre toutes nos recherches, je réalise. 

Je tourne la tête vers Farid. Il a une pensée que je comprends mal.

- Y a un truc que tu me dis pas.

- C'est ta meuf, jefe.

Je sais immédiatement qu'il parle de Mia. Il n'a pas l'air certain, mais il s'inquiète.

- Escúcha, tonto {écoute, imbécile}, je ne sais pas ce qu'elle représente pour toi, la petite, et je sais que tu peux pas la suivre parce que ton père, s'il sait ce que tu fais, te démonte la tête et tue probablement la fille pour s'amuser, mais moi je l'aime bien. La fille.

Je lui lance un regard en coin.

- Non, mais pas comme ça, frère, toi aussi. Je ne trahis pas un frère, et surtout pas toi. Tu es la raison pour laquelle la familia Rodríguez est en sécurité, on te doit beaucoup, tu nous a sauvé de beaucoup plus que la faim. Ce que je veux dire, c'est que tu dois faire bien les choses avec elle aussi. Sois réglo.

- Tu travailles dur Farid, je ne suis pas sûr que je mérite tes louanges.

- Si, coño, tu mérites. Bref, je ne touche pas à ta demoiselle, ne t'inquiètes pas. Mais tu connais, je l'ai suivie pour vérifier si elle allait bien. J'ai vu qu'elle était ta lady, et tu vois, Farid sait tout.

Il me fait un clin d'œil dans le miroir, et en profite pour se reluquer le profil.

- Alors ? Je l'interromps.

- Franchement, je sais pas c'est quoi ta relation avec elle, mais c'est la première fois que tu me fais suivre une fille, alors, sans vouloir te flipper, tu sais, quand je t'avais dit qu'il y avait un soucis avec cette fille, elle était trop sérieuse ?!

- Farid, je t'en supplie, va droit au but.

- Espera, espera {Attends}, parce que c'est important, toi aussi. Je ne veux pas t'inquiéter, mais il y a un souci avec elle. Elle regarde tout le temps derrière son dos, elle fait parfois des détours, bref, du coup, j'ai continué à la suivre. Surtout que dernièrement, elle rêvasse quand elle marche, coño, je te jure, elle fait pas attention. Je les reconnais, ceux-là, c'est ceux qui ont des soucis. C'est les premiers que je détrousse.

Je me retourne, et fixe Farid.

- OK, j'ai compris. Je ne la détrousserai pas. Elle s'est retrouvée au quartier des taulards, là, ceux qui bossent pas et qui traficotent de l'humain sous toute ses formes, ... et ... bref, elle a dégommé trois gars.

Farid pense à la scène en même temps, donc je sais déjà, puisqu'il revit la scène dans sa tête. Je le vois la suivre, s'endormir dans le métro, se réveiller en sursaut, regarder derrière elle. Elle a maigri, je le vois. Et puis elle se retrouve à marcher comme un zombie dans les rues, la tête basse, et une fois franchie les portes du district, elle rêve, complètement inconsciente. Je vois la filature de Farid, lui, la suivant dans la ruelle, invisible, et à bonne distance, et les trois gars qui lui disent un truc. C'est trop loin pour que Farid entende. Elle réagit à un moment, et tout va très vite. Elle ne bouge pas, mais je distingue la peur de Farid.

Mia a tué les trois gars dans une ruelle du pire disctrict de Paris, et elle a l'air terrifiée.

Mia est le Potestate que tout le monde cherche.

Elle est affaiblie, maigre, affamée, et vient d'utiliser une quantité incroyable d'énergie. C'est un miracle qu'elle ne se soit pas évanouie à la fin.

- Farid, je te laisse, je dois aller au café, lui dis-je. Sers toi, je t'ai laissé des tickets de pharmacie sur la commode pour la semaine.

- Bien sûr, jefe.

- Laisse tomber les dealers pour l'instant, et ne la lâche plus dorénavant. Surtout si elle dodeline de la tête dans le métro, il faut que quelqu'un soit là.

- Tu peux compter sur moi.

J'attrape mon manteau et mon chapeau, et je sors.

Célestes [En Édition Avant De Reprendre L'écriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant