Célestes [En Édition Avant De Reprendre L'écriture]

Chapitre 38

Pour vivre avec le sourire de son mari dans un cadre de deuil, soigner son fils qui rentre au petit jour, tenir la main de son enfant au dernier souffle du jeûne, il faut un coeur barbelé. Et Sheila était de ces femmes.
Sorj Chalandon

Après notre échange, Gaspard franchit la porte. Je le regarde partir, à travers le camp. Plusieurs fois, il se retourne vers moi, et me sourit.

Je suis morte d'inquiétude qu'il lui arrive quelque chose, mais je me force à sourire. Le voir partir, et savoir ce qui l'attend est insupportable. Je me demande comment Islandir a fait pendant toutes ses années.

Un mouvement sur ma droite me fait tourner la tête. Islandir.

- Laisse-moi entrer, ma fille, s'il me voit pleurer il n'aura pas la force.

Islandir entre dans la tente, s'assoit sur un fauteuil, met la tête dans ses mains, et pleure.

Je m'assois à côté d'elle, et tapote son dos.

Voir Islandir pleurer me touche plus que je ne le pense. Je ne peux m'empêcher de pleurer aussi à mon tour.

Elle relève la tête.

- Le plus dur, avec cet enfant, c'est de savoir ce qui l'attend. Personne ne le soutient, là-bas, personne ne l'aide. Il n'a qu'une forêt d'ennemis, et ... et cet homme.

Elle sanglote.

- Si je pouvais tuer l'usurpateur, je le ferais. Si j'avais le pouvoir de réduire cet homme à néant, je le ferai. Il me terrifie tellement que de savoir que Gaspard est avec lui, j'en suis malade.

Elle met la main sur son coeur.

- Au moins, il a trop grandi pour qu'il puisse le tuer. Il n'a plus la force. Mais, on peut faire du mal à quelqu'un sans le toucher.

Elle me regarde.

- Dans quelques jours, son ami va arriver avec sa famille. Nous devons nous assurer que tout sera prêt. Il a besoin de certitude, de savoir que nous sommes en sécurité.

- Repose-toi, Islandir, je lui dis. Je vais m'occuper de tout. Repose-toi, je lui répète en l'allongeant et en la recouvrant d'une couverture. Tu as fait beaucoup pour nous, je prends le relai.

Je l'embrasse sur le front, et je commence à faire le tour du camp.

Il leur faut des matelas, des vêtements. C'est une famille nombreuse, je dois vérifier avec l'équipe qui s'en occupe que la tente sera assez grande.