Mon interdit (Edité chez Vipérine)

Prologue

 — Ça va aller, mademoiselle, le bébé est déjà bien engagé dans votre bassin. Ce ne devrait plus être très long.

J'essaie de m'accrocher comme je peux au sourire bienveillant de la sage-femme. Nous devons avoir sensiblement le même âge, sauf qu'elle a sans doute une vie. Et moi plus rien. Les souvenirs, je voudrais les arracher de ma mémoire. Ils sont trop douloureux.

Quand j'y repense aujourd'hui, quelle conne j'ai été ! Conne de croire à mes rêves de jeunes filles, conne de l'avoir cru, lui.

Maxence. La simple évocation de son prénom me tire encore des larmes. Fort heureusement, une nouvelle contraction me déchire. Ce qui perle au coin de mes yeux passe aisément pour de la souffrance. Ça l'est de toute manière.

Soutenue par une auxiliaire de puériculture, je m'installe sur la table de travail. La jeune femme place la sonde de monitoring sur mon ventre. Aussitôt, une ligne sismique se dessine la feuille, accompagnée sur l'écran d'un rythme cardiaque à plus de cent trente battements minute. Celui de mon bébé.

Je mords la paume de ma main : mon bébé va naître sans père, sans famille. Il n'aura que moi, sa paumée de mère. Petit ange, qu'as-tu fait pour mériter un départ si médiocre dans la vie ?

— Souhaitez-vous que nous contactions quelqu'un ? Le père du bébé ? Votre maman peut-être ?

Je réponds par la négative. Ni l'un ni l'autre ne viendront. Stupide, quand j'ai perdu les eaux, j'ai envoyé un message à Maxence, avec l'espoir fou qu'il arrive à temps à la maternité, comme dans les films.

À vrai dire, je ne sais même pas si le numéro de téléphone en ma possession est toujours valable. Quant à ma mère, elle pourrait être présente à mes côtés, mais mon paternel s'y oppose. Je suis la honte de la famille à présent.

Je crie quand la contraction me traverse. Maxence, où es-tu ? Pourquoi m'as-tu fait ça ? La sage-femme m'intime de pousser de toutes mes forces, et quand je reprends mon souffle les souvenirs ressurgissent.

Ceux de cet été où, à mes dépens, j'ai fait la connaissance de Maxence Mongreville...