Chapitre 1

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 Maxence

Grâce à quelques pointes de vitesse sur l'autoroute, qui me donnent des sensations grisantes, j'arrive à Lyon après trois heures de route dans un grondement de moteur devant une grosse maison bourgeoise.

Dans un soupir, j'arrête le moteur de ma Harley, avant de retirer mon casque et de choper dans la poche de mon blouson mon paquet de clopes. J'en coince une au coin de mes lèvres, fais craquer mon zippo et tire une longue bouffée.

La nicotine envahit lentement mon organisme, apaise un peu ma colère. Mais moins que si c'était un joint. Depuis que je suis parti de la maison, elle ne m'a pas quittée. J'ai les nerfs tendus comme un arc.

Mes relations avec mon vieux ont toujours été conflictuelles, mais là on a atteint le summum. Quand je repense à notre dernière discussion – enfin, c'est surtout lui qui parlait, moi je devais juste fermer ma gueule et écouter – j'ai la rage envers lui.

D'après ses dires, je ne fous rien de mes journées, à part traîner avec mes potes, grattouiller – c'est le mot qu'il a employé avec mépris – ma guitare, me bourrer et sauter tout ce qui porte un jupon. Je ne suis pas assez assidu dans mes études.

Je sais que je l'ai déçu en ne suivant pas ses traces en politique. Avec mes bons résultats, j'aurais pu effectivement intégrer l'ENA, ou HEC, mais il ne veut pas comprendre que cela ne m'intéresse pas. Alors, la fac de droit était un bon compromis, avocat était acceptable.

Tant que je restais discret, que je ne faisais pas de vague, et que mon niveau scolaire était acceptable selon lui, il supportait mes frasques. Mais j'ai fait la connerie de mettre dans mon lit la fille d'un de ses collaborateurs.

Après deux rencards, la demoiselle se voyait déjà la bague au doigt, alors forcément, elle a fait un scandale quand elle m'a surpris avec une autre. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour mon vieux.

Et c'est là qu'il m'a posé un ultimatum : soit j'allais chez François-Xavier, un cousin très, très lointain, militaire de carrière qui, mon père l'espérait, me remettrait dans le droit chemin, soit il me coupait les vivres.

Et ça, c'était hors de question. J'avais besoin de fric. Avec Théo et Nathan, on avait créé un groupe de rock, et il nous fallait payer la location d'un studio pour enregistrer une maquette et l'envoyer à différents producteurs.

C'est donc contre mon grès que j'avais accepté le deal. Je passerai mes deux mois d'été loin de mon univers pour rentrer dans les bonnes grâces de mon père... et surtout, continuer à toucher la pension qu'il me verse mensuellement.

Mon téléphone vibre. L'enveloppe d'un texto clignote. Quand on pense au loup, il se manifeste.

Papa : Maxence, es-tu bien arrivé ?

Moi : À l'instant.

Papa : François-Xavier et Sophie t'attendent. Ne me fais pas honte, et sois poli avec eux.

Je relis une deuxième fois son message. Non, mais franchement, c'est quoi cette mise en garde ? Évidemment que je vais être aimable, je ne suis pas un sauvage tout de même ! Je ne prends même pas la peine de répondre, descends de ma bécane et vais sonner à l'interphone.

Une voix masculine, sèche, me répond.

— Oui ?

— Bonsoir, c'est...

— Entrez, vous pouvez garer votre moto à l'intérieur.

Ces mots me rassurent, je n'aurais pas aimé la laisser toute la nuit dehors. Je pousse les lourds battants et, après l'avoir calée sur la béquille, j'observe autour de moi. Le porche mène à une cour intérieure.

Mon interdit (Edité chez Vipérine)Where stories live. Discover now