CHAPITRE 14

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Son téléphone à l’oreille, et l’ordinateur sur ses cuisses, Antonio tenta de répondre autant que possible à ses différentes instances, mais plus les heures passaient, et plus la tâche devenait ardue. Il avait la fièvre comme jamais, il avait mal à la tête, son corps était vidé, mais rien de tout cela n’avoisinait la sensation d’avoir une colonie fourmis qui lui marchait sur tout le corps. Il se grattait encore et encore, sa peau avait rougi, et les boutons avaient comme qui diraient grossi. La varicelle se répéta-t-il.

— Nous terminerons demain, coupa-t-il, en s’ adressant à son directeur de la section lingerie de sa structure. Il ferma le clapet de l’ordinateur d’un geste rageur, jeta le téléphone avec la même précaution, puis enfouit ses doigts dans ses cheveux pour apaiser ses irritations.
Étouffant un juron en italien, il tourna la tête vers la porte lorsqu’il entendit toquer, et il sut qui c’était. Il ne répondit pas. Il était trop en colère contre elle.

— Monsieur Grimaldi ? appela alors la petite voix de Rainbow.

Il serra les dents, et toisa méchamment la porte. Il avait tous les traits d’un enfant qui boudait, mais une fois encore, il n’en avait que faire. Elle lui avait refilé la varicelle ! putain, la varicelle !

— Vous dormez ?

— Si c’était le cas, vous venez de me réveiller ! gronda-t-il, mais très vite, il le regretta, lorsqu’il entendit le silence triste qui s’imposa.

Il soupira.

— Entrez.

Au bout d’une minute, la porte s’ouvrit enfin, et elle entra timidement.

— Approchez.

Rainbow referma la porte, et marcha lentement jusqu’à lui, en veillant à trouver le sol en marbre bien plus captivant. En silence, il détailla sa posture voutée, ses cheveux qu’elle avait noués dans un chignon de fortune qui peinait à tenir, elle portait toujours son t-shirt à lui. Ce vêtement était le seul que Rainbow portait depuis maintenant quelque temps, elle portait ses habits à lui, elle habitait dans sa résidence personnelle, elle se tenait dans sa chambre, ils avaient dormi ensemble toutes les fois qu’elle avait passées ici…

Face à toutes ses énumérations qu’il préféra raccourcir, Antonio se sentit défaillir un petit peu plus. En quelques jours avec ce bout de femme des plus sublimes, ils avaient passé des instants inédits, et pire encore, il lui avait donné une liberté qu’aucune femme n’avait jamais eue. Il s’enfonçait un petit peu plus dans l’immense bourbier qui pointait son nez, mais plus le temps passait, et moins il avait envie de lutter. Il était bien. Pour la première fois, les choses prenaient une autre tournure, de nouvelles couleurs, couleurs incitées par le bleu ciel que portait Rainbow.

— Allez-vous m’en vouloir si je vous disais que j’étais redescendu dans votre abri souterrain ? demanda doucement la jeune femme d’une voix semblable au plus doux des murmures.

Antonio frémit.

— Non, par contre je vais vous demander ce que vous y faisiez.

— Dans votre salle de bain, il n’y avait pas de boite à pharmacie, alors j’y suis allé pour vous trouver quelque chose pour calmer vos maux de tête ainsi que vos irritations, avança-t-elle timidement du bout des lèvres, en marchant vers l’immense lit d’Antonio en lui tendant une boite de paracétamol, plus un antihistaminique. — Ce sont les seules dont les dates de péremption ne sont pas encore atteintes.

C’était la première fois qu’on prenait soin de lui, non, mieux encore, c’était la première fois qu’il permettait à qui que ce soit de prendre soin de lui. Troublé par ce fait nouveau, par cette nouvelle liberté encore concédée, Antonio prit les deux boites, nettement plus captivé par la douceur de la peau de Rainbow qu’il venait d’effleurer.

Toute sa peau avait-elle cette incomparable douceur ?

— Mais avant de pouvoir les prendre, il faut que vous mangiez, décréta la jeune femme en tournant les talons.
Manger ? À l’évocation de ce verbe, Antonio se redressa, les yeux écarquillés d’appréhension.

— Non, pas du tout, ce n’est pas…
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase que déjà elle était partie en trombe. Quelques instants plus tard, elle revint, poussa la porte avec son plateau-repas, et Antonio se mit à craindre le moment où elle le regarderait avec ses yeux d’ange, lui demandant en silence de manger et d’apprécier.

— Vraiment, vous n’auriez pas dû, fit-il avec sincérité, mais Rainbow n’y fit pas attention, et déposa son repas.
De la soupe… 

Encore ! geignit-il amèrement dans son esprit.

— Je ne suis pas un grand fan des soupes, justifia une fois encore Antonio sur un ton teinté de détresse, en espérant qu’elle l’épargne. Mais devant lui, il n’avait qu’une jeune femme jolie comme un cœur, aux lèvres d’un rose envoutant, aux cheveux d’un blond à l’incomparable perfection, et bon sang, ses yeux… elle le regardait comme ce matin, craintive, innocente, douce, avec un zeste d’autre chose qu’il ne sut définir. Aussi, comme ce matin, Antonio prit sa cuillère, et termina jusqu’à la dernière goutte de ce qui lui avait été chaleureusement servi. Il avala par la suite ses médicaments, et lorsqu’elle lui fit un resplendissant sourire, les yeux brillants de fierté, il se prit à se dire que même si la recette n’avait pas changé, la soupe de ce soir était plus bonne que celle de ce matin.

Foutaise ! nia sa langue.

Elle vint alors prendre ses couverts vides, et quitta la chambre pour revenir moins de cinq minutes après, avec une paire de chaussettes, plus du ruban adhésif.

Elle vint se mettre à sa hauteur.

— Vous comptez me faire quoi au juste ?  

— Vous empêcher d’aggraver votre cas. Donnez-moi vos mains que je les attache.

Antonio arqua un sourcil, vivement surpris, et extrêmement intéressé. Un lent sourire étira ses lèvres, et son regard s’assombrit, pour prendre une teinte séductrice.

— Je ne savais pas que vous étiez du type de femmes qui adore quand c’est aussi sombrement intense s’amusa-t-il d’une voix profonde.

Rainbow qui le regardait sans comprendre, regarda ce qu’elle tenait, repensa à ce qu’elle avait bien pu dire, puis à ce qu’il venait de dire, et là, elle s’empourpra jusqu’à la pointe des oreilles. Antonio inclina doucement la tête, en lui faisant son sourire le plus carnassier, et elle en eut les jambes qui flageolaient. Elle ouvrit la bouche pour le détromper, mais très vite des scènes les plus scabreuses les unes que les autres se mirent à jouer dans son imagination. Elle qui l’attachait dans un lit, lui qui l’embrassait, non à bien voir, elle voudrait avoir ses mains partout sur elle, alors peut-être serait-ce lui, qui l’attacherait elle, et dès lors, elle serait offerte, il la caresserait, l’embrasserait partout, il avait de si belles et grandes mains, sans doute empoignerait-il sa poitrine qui à cet instant était bien lourde… son souffle se raréfia.

— N’est-ce pas que ce serait intéressant, Mademoiselle Banks, poursuivit doucement Antonio de façon suave lorsqu’il vit dans le regard de la jeune femme que ce qu’il venait de dire avait bien été compris.
Elle rosit encore plus, puis cligna des yeux, en ramenant ses mains contre sa poitrine, comme si elle voulait l’empêcher de voir quelque chose. Le durcissement de ses mamelons peut-être ?

— N… non, pas du tout, souffla-t-elle finalement d’une voix tremblante, je voulais simplement vous empêcher de vous gratter durant la nuit en faisant ceci, s’exclama Rainbow en saisissant le poignet d’Antonio pour fourrer sa main dans l’une des chaussettes d’hiver qu’elle avait trouvée dans l’abri. Ensuite, elle utilisa le ruban adhésif pour nouer le tissu à la base du poignet. Une fois son travail fini, elle s’écarta de lui, puis quitta la chambre sans un mot, les joues rouges, bien consciente du regard qu’Antonio avait porté sur sa poitrine durant les dernières minutes, regard qui la mettait dans un état de manque de quelque chose, un quelque chose auquel elle s’était promise de ne plus jamais céder.

Le désir…








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