CHAPITRE 19

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Comme tous les soirs, il était vingt heures trente lorsqu’Antonio éteignit dans son bureau, une petite sacoche noire en main et les yeux rivés sur son téléphone concentré dans une lecture d’un mail arrivant de Hong Kong, il attendait l’ascenseur lorsque l’écran de l’appareil afficha le nom de son meilleur ami. Sans doute ce dernier était à la recherche d’un partenaire de sortie, mais lui n’était pas d’une humeur joyeuse.

— J’ai besoin que tu viennes, lança d’emblée Kyle.

— Non.

— Mais tu ne sais même pas pourquoi.

— Je t’écoute.

— Enfaite, je…

— C’est toujours non, Kyle.

— Mais qu’est-ce que tu as à être morne depuis quelque temps ? À bien réfléchir je crois que c’est depuis ta varicelle, d’ailleurs tu ne m’as toujours pas expliqué comment tu as pu contracter cette saleté, continua Kyle, et dans l’instant même le visage de Rainbow se dessina sous ses yeux, et Antonio ne put s’empêcher d’esquisser un doux sourire lorsqu’il se souvint de la tête qu’elle avait le jour où elle lui avait avoué lui avoir refilé la varicelle. Sur le coup il avait été en colère, mais maintenant c’était plus drôle. Il ne s’était d’ailleurs pas excusé de la brutalité de son ton ni de sa froideur, froideur dont il avait encore fait usage aujourd’hui.

— À moins que tu ne sois sorti avec une institutrice, reprit Kyle en le ramenant à lui.

— Non, se contenta de répondre Antonio.

— À propos de femme, on n’a plus eu le temps d’en parler après le départ de Georges — sans que son ami ne puisse ajouter un autre mot, Antonio comprit de qui ils allaient parler — Rainbow, il y’a eu quelque chose entre vous ?

— Pourquoi ?

— J’ai vu la tête que tu as faite en me voyant avec elle, et celle que tu as également eue quand Lancaster lui baisait la main.

— Et ?

— Et tu la regardais comme si tu avais envie de…

— Je n’ai pas envie de faire quoi que ce soit avec Mademoiselle Banks, je conçois qu’elle est plutôt jolie, mais cela ne va pas plus loin. Elle n’est pas mon genre de femme, trop timide, inexpérimenté, et il est évident qu’elle est du genre a vouloir le mari, la maison, les enfants et le chien qui va avec, et moi je ne suis jamais intéressé par pareilles filles aussi cesse de dire des imbécilités, trancha Antonio au moment où les portes de l’ascenseur s’ouvraient enfin.

— Mais tu n’as pas besoin de m’attaquer de la sorte. Je ne t’accuse de rien, je voulais juste comprendre.

— Il n’y a rien à comprendre, cette jeune femme ne m’intéresse pas, et elle ne m’intéressera jamais, précisa Antonio sans savoir s’il parlait à son esprit ou à son meilleur ami.

D’un pas décidé, il franchit le seuil de la boite de métal, pivota sur lui-même, et ce faisant il tomba sur un regard bleu qui l’observait sans un mot ou émotion. Elle était là, le dos droit, le fixant, et il était certain qu’elle avait tout entendu. Son cœur rata une marche. Sans un mot, Rainbow entra à son tour, appuya sur le bouton du rez-de-chaussée, et la cage se referma sur eux. À un pas devant lui, les mains tenant son sac à main devant elle, et la nuque raide, elle sortit avec ce même lourd silence qui laissait Antonio étrangement nerveux et mal à l’aise.
Au-dehors, aligné l’une derrière l’autre, attendait chacune de leur voiture au noir rutilant. Antonio ralentit le pas. À l’approche de la jeune femme, son chauffeur descendit pour lui tenir la portière, et elle continuait de l’ignorer royalement. Il l’avait blessé, et il le savait. Elle était probablement triste et il le savait. Il expulsa un soupire résigné.

Le sacrifice de l'angeWhere stories live. Discover now