𝓉𝓌𝑒𝓃𝓉𝓎 𝒻𝒾𝓋𝑒.

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Margaux

Lorsqu'on échappe à la mort, on pourrait croire à un miracle. Comme une sorte de bonne étoile qui veillerait sur nous quelque part dans l'univers et guiderait nos pas vers un avenir meilleur, propice, heureux.

Il n'en est rien.

J'ai passé trois mois plongés dans un sommeil de plomb et d'acier, d'un métal tranchant et sulfureux. Coincée par mon propre esprit dans une réalité tout autre que celle qui m'attendait à mon réveil. J'aurais aimé croire que toutes les histoires ont une fin heureuse et j'espérais que je n'allais pas être l'exception qui confirme la règle pour une fois. Mais l'histoire n'est pas finie me diriez-vous, je le croyais pourtant.

J'ai pensé tellement de fois ne jamais m'en remettre, continuer de tomber dans le gouffre de la souffrance et du désarroi, mais il n'en est rien. Car s'il est bien une chose dont l'être humain se nourrit pour faire semblant de vivre c'est celle-ci : l'espoir. Mais n'allons pas trop vite, car il faut passer par le chaos pour entrevoir les lumières filtrantes à travers les ténèbres.

17 avril 2025, à l'hôpital.

Les journées passent et se ressemblent les unes les autres. Des bribes de conversations s'infiltrent en moi, entrecoupées et entrelacées, vives et tranchantes. Cela fait quelques jours que je suis dans cet état. Je sens que je suis réveillée, le monde n'a plus rien de la luxure et des frasques de l'« avant », mais mon pauvre corps est encore trop faible, trop fragile, pour revenir pleinement parmi les vivants.

Pourtant, ce matin, quelque chose est différent. Une légère brise me caresse le visage et les voix me paraissent moins floues, moins confuses. Mes paupières sont comme des cailloux que je peine à ouvrir. Malgré la clarté du jour qui s'est installée dans ma chambre d'hôpital je parviens à ouvrir les yeux, pour de vrai. Le film embué qui s'accrochait à mes rétines s'évapore peu à peu, discernant une silhouette accoudée à la fenêtre qui se précipite vers moi au moindre grognement que j'émets. Seigneur vais-je un jour retrouver ma voix ?

Une main chaude glisse sur ma joue et je savoure enfin ce contact humain qui m'avait tant manqué de l'endroit où j'étais. Mes paupières s'alourdissent sous ce geste réconfortant mais je me bats tant bien que mal pour garder les yeux ouverts, il est hors de question que je me rendorme maintenant. Les sourcils de la personne au-dessus de moi se froncent d'inquiétude mais j'arrive à esquisser un sourire qui doit sans doute plus ressembler à une grimace qu'à autre chose. Mais c'est déjà ça. Il murmure quelque chose pour lui-même que mon état ne me permet pas encore de comprendre.

Soudain, sans crier gare, il se lève brusquement et sors de la pièce. Laissant le souvenir de sa main sur ma joue se refroidir pour disparaitre bientôt. D'autres personnes entrent et c'est bientôt un défilé de visages inconnus que je vois passer devant moi. On me fait passer toute sortes de tests, comme il en a été coutume ces derniers jours et malgré la fatigue qui tambourine dans mes tempes je reste éveillée. Parce qu'il le faut.

Les heures s'écoulent inlassablement sans que je revoie ce visage, j'aimerais pourtant lui parler, lui dire qu'il m'a manqué toutes ces journées et ces nuits passées dans l'autre monde, lui demander des nouvelles de ma famille, de sang et de cœur, que j'ai laissée derrière moi pensant être emportée dans une vie meilleure. Il n'en est rien. Jusqu'au lendemain.

18 avril 2025, à l'hôpital.

Le fracas et le silence, voilà ce qui m'accueille à mon réveil, mon vrai réveil. Il fait sombre dans la chambre et seul le bip incessant du monitoring me tient compagnie. Il semble être cinq ou six heures du matin, le soleil ne devrait pas tarder à se lever, si tant est qu'il le fasse. L'air est maussade et étouffant, j'aimerais me lever pour aller ouvrir la fenêtre mais mon corps ne me répond pas. C'est comme si mon esprit était réveillé mais que mon corps était resté endormi. Plus aucun muscle ne bouge comme je le voudrais et je m'effondre dans une douleur effroyable contre le sol glacial. Le cri que je pousse semble venir d'un autre monde et mes cordes vocales me brulent tant qu'il me parait inconcevable de produire un autre son à l'avenir.

C'est la pire douleur que je n'ai jamais connue. Du moins ça l'était.

Une infirmière accoure pour me relever, me sermonnant que je n'aurais jamais dû essayer de me lever toute seule et autres frasques que je n'ai pas voulu écouter. Je me souviens avoir supplié qu'on ne me donne pas de calmant. Je ne veux pas dormir, je ne le veux plus jamais. Mais bien sur elle n'a pas écouté et je suis retombée dans les profondeur abyssales du vide et de l'oubli. Mais pas pour longtemps.

Le second réveil fût moins brutal. Il faut dire que je suis restée bien sagement allongée cette fois. Une tête blonde posée à côté de mon bras se relève lorsque j'ouvre les yeux. Son sourire, pourtant étincelant, semble faux. Qu'est-ce qui cloche chez moi ?

J'esquisse un sourire qui se veut plus rassurant que celui que j'ai offert à Charlie la veille et Owen attrape ma main dans la sienne. Je sens qu'il hésite mais ce dernier finit par déposer un doux baiser sur ma paume et je frissonne. Je ne me tente pas à parler après les évènements de ce matin mais je sais qu'il peut lire à quel point je suis heureuse de le voir dans mon regard. Mes yeux le détaillent des cheveux jusqu'aux coudes posés sur le matelas et mon regard devient soucieux lorsque j'aperçois le fauteuil sur lequel il semble assis. Pourquoi diable y a-t-il un fauteuil à roulettes dans ma chambre ?

Il redresse ma tête d'une main et son sourire fonds comme neige au soleil, je sais qu'il se veut rassurant pourtant l'inquiétude dans son regard fait monter la panique en moi. Avant que j'ai pu faire quoi que ce soit une voix s'élève dans la pièce.

- Il semblerait que la belle au bois dormant se soit réveillée, ou doit-on l'appeler Casimodo maintenant ?
- Toujours aussi hilarant Charlie.

J'aurais adoré lui adresser mon plus beau doigt d'honneur, malheureusement ma main, comme toutes les autres parties de mon corps, a décidé de ne pas coopérer. Je décèle un brin de malice dans ses yeux teinté d'autre chose d'inhabituel dans son regard, serait-ce de la tristesse ?

Quelque chose ne tourne pas rond et je suis bien décidée à comprendre ce que c'est, qu'ils le veuillent ou non.

𝐄𝐃𝐆𝐄 𝐎𝐅 𝐆𝐑𝐄𝐀𝐓.Donde viven las historias. Descúbrelo ahora