•Lettre 7•

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19 Mai 2022, 22h06

"Cher Chan, cela fait longtemps n'est ce pas? J'ai quand même une façon horrible de correspondre avec toi, celle de toujours m'adresser à toi quand je vais mal. Je ne te parle pas de mes journées, de ce que j'aime; je ne te fais pas déclaration ou quoi que ce soit, non, je me montre faible. Mais n'est ce pas dans la faiblesse que la plus belle part de l'humain s'éclaire?

Vois-tu je sors enfin de cette période stressante qu'est l'année scolaire, dorénavant je n'ai plus rien à faire, et je peux me déplacer au gré de mes envies. Pourtant je vois encore noir, pourtant je pleure encore, n'était-ce donc pas l'université le mal qui me ronge?

Les larmes sèchent sur mes joues à l'heure que j'écris, et je me demande quelque chose, as-tu vraiment ce pouvoir, celui de me calmer en un rien de temps, ou fais-je semblant pour me donner une allure torturée? Tu vois, il y a ces jours où je ne perçois plus vraiment mon reflet dans le miroir, des jours où j'ai perdu Théa, mais qui est-ce au juste? L'autre jour, on me demandait de me définir, et j'ai eu du mal. J'ai eu du mal à poser des mots sur ma personne, sur celle que je suis censée comprendre et connaître sur le bout des doigts. Parfois je n'ai même pas envie de me connaître, je me vois pleurer, et ne pas bouger dans mon coin à scroller des gens qui font quelque chose de leur vie.

Le temps qui passe est ma hantise, la paresse est mon démon, s'accrochant, absorbant l'énergie que j'avais avant...Avant est tout autre, avant était cette période où je ne prenais aucun risque, où tout était facile; la nourriture, le ménage, les cours, le coeur. J'ai l'impression que ces derniers temps, il est malmené, il se débat sans cesse criant à tout va mais moi, moi je le bâillonne, je ne lui donne aucune occasion de s'exprimer. La raison est obligée de me guider sur la corde raide de la vie, un faux-pas et je tombe, où ça? qui sait?

Mes pensées sont peuplées de peurs, et ce qu'on appelle avenir me semble obscur et indécis, parce que tu vois, je ne sais pas, en fait, je ne sais plus, ai-je vraiment su un jour? Choisir une voie à suivre, des choses à apprendre, des modèles à imiter, je me suis déjà trompée une fois, me suis-je trompée de nouveau ? Qu'est ce qui cloche chez moi au juste? Pourquoi je change d'avis à tout va? pourquoi je n'ai de goût pour rien? Pourquoi je n'arrive plus à écrire?

Ben oui, ça fait un bail que je n'ai plus touché un clavier, un bail que je ne me suis plus plongée dans une de mes histoires, est-ce une histoire de force? d'envie? ou tout simplement d'oubli? Je tente en vain de retrouver l'écrivaine passionnée que j'étais au lycée n'était-ce qu'un mirage? N'était-ce qu'une illusion pour me donner la force de changer de voie?

Je ne sais pas, ai-je vraiment la force de vouloir savoir, d'en réfléchir? Tout me fatigue, regarder une série me fatigue, lire me fatigue, et parfois, il y a des éclaircies, comme un miracle, je me mets à danser; comme un miracle je me mets à cuisiner, comme un miracle je revis, je sors la tête de cette eau, cette eau qui m'étouffe à chaque seconde. Je suis enlisée, coincée, je fais face à un mur dont je ne vois pas la hauteur, et quand je tente de le grimper c'est mon corps tout entier qui m'arrête.

Mais pourtant, il y a ces moments, comme hier, ces moments où je suis heureuse, où j'ai envie de remercier je ne sais qui, mais pas qui non, eux. Je ne veux même pas imaginer où j'en serais à l'heure qu'il est, si j'avais été seule, si dans cette grande ville je n'étais qu'une souris se cachant sous les autres, aurais-je déjà été écrasée?

L'homme a besoin des autres, c'est un fait et je n'écarte pas à la règle. Tu sais, hier était la première fois que je faisais du vélo la nuit, tu en as déjà fait toi? En tout cas, je peux te dire que c'est l'une des meilleures sensations du monde, l'air venant s'engouffrer dans tes cheveux, venant caresser ton visage souriant, la ville endormie laissant ,seuls, des rires résonner dans ses rues, la température venant parfaire un cocktail des plus magiques. ça part de rien, d'un bout de fer avec deux roues, d'amis réunis le temps d'une soirée d'anniversaire, pourtant c'est mon remède. Quand je ne vois plus le bout, quand je tente de deviner cet avenir bien trop flou, que cette angoisse vient s'enlier à ma gorge, je me concentre sur cette ballade à vélo, je me concentre sur des choses, des événements, des personnes, tout ce que je connais, tout ce que je peux voir, tout ce que j'aime.

Sache que toi aussi Chan, tu es mon remède, toi et les garçons, et cet univers énorme qu'est la musique, que ferais-je sans vous?

La réponse est simple, je serai une souris dans une bouche d'égout..."

Cher Chan,Where stories live. Discover now