Chapitre 30 : Fin d'hiver (1/1)

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Le chemin du retour s'est fait avec une ambiance bizarre. Personne n'a osé parler.

Angèle a choisi de ne pas retourner chez elle tout de suite. Si elle le montre bien, ces récentes découvertes l'ont aussi toute chamboulée, et elle est bien décidée à en débriefer avec nous... ou juste nous accompagner dans notre silence.

Le jour commence à se pointer à l'Est lorsque nous arrivons aux abords de la maison des parents de Cassie. Cette dernière nous incite à rester en arrière le temps que les environs soient dégagés, planqués derrière un arbuste que je ne connais que trop bien – il est très peu confortable, et ne cache pas grand-chose, il lui manque la moitié des feuilles à cause de la météo.

Ma cousine approche sur la pointe des pieds sur le sentier de grosses pierres qui louvent dans le gazon, qui semble d'ailleurs glissantes. Nous épions à travers le feuillage, pareils à deux enfants, nous rappelant les jeux de cours de récré. Le sourire qu'elle esquisse sur ses lèvres bleues de froid m'indique qu'elle a pensé à la même chose.

Cassie tourne sa clé dans la serrure, et à l'instant où la porte s'ouvre, jette un regard furtif à l'intérieur. Ni une, ni deux, elle nous fait des grands signes pour qu'on se dépêche vers l'intérieur.

On déguerpit de notre cachette en trombe. Malgré ses précautions, elle n'a pas été assez réactive car une voix à fendu le silence et m'a glacé le sang :

— Que faisais-tu dehors, Cassie ? rouspète Yéléna, qui vient de surgir de la maison. Tu ne me répondais pas, je me suis inquiétée , j'ai cru que... j'ai cru que...

Son regard est attiré par nous, figés comme deux statues de glace dans le jardin. Je n'ose pas mouver d'un pouce, les genoux fixent et qui me brûlent, une goutte de transpiration perlant de mes cheveux trempés qui dépassent de mon bonnet. J'ai la sensation que si on bouge ne serait-ce que d'un nanomètre, on cramerait notre position... Mais la vérité, c'est qu'elle nous a déjà aperçu. Alors pourquoi continuer à jouer le jeu.

Je joue de l'épaule pour indiquer à Angèle de se détendre, que notre position est grillée.

— Bonjour Yéléna, bredouillé-je, gêné.

Ses bras sont serrées contre sa poitrine pour contre le fouet de l'hiver, mais elle réussit à dégager une mèche blonde qui révèle la stupeur dans ses yeux.

— Théodore ! Quelle surprise !

Je lui adresse une moue timide. Je n'ai aucune idée de ce qu'elle sait sur la mystérieuse cryogénie de mes parents, ni ce qu'elle est censée faire si elle me voit réapparaître. Après tout, je suis mineur. Je n'ai pas le droit de vadrouiller comme bon me semble, sans figure légale pour s'occuper de moi.

— Rentre au chaud, vous allez me raconter ! dit-elle en nous attirant vers l'intérieur. Votre amie aussi peut venir, je ne suis pas une barbare. Tu t'appelles ?

— Angèle, répond-elle faiblement, une main tendue pour lui serrer la main.

J'attends que Jack soit dans le hall pour refermer la porte, laissant Baudry dehors. Mon garçon aux yeux d'hiver jette un regard par-dessus son épaule, mais ne s'y oppose pas. Je m'efforce à ne pas repenser à ce que m'a raconté Cassie à son propos, à ne pas méditer sur ça ou a trouvé une solution pour... Je secoue la tête. Bref, je n'y pense pas. Il est peut-être aussi dans ma tête, et il ne doit pas être au courant que je sais.

Ma tante la décline et approche son visage pour lui faire la bise. Yéléna a bien des défauts, mais elle sait très bien accueillir chez elle, quand bien même Fabrice, son mari, puisse être oppressant. Un peu comme Martine, la mère d'Angèle, en somme. Quoi que cette dernière ait dégringolé dans mon estime, dernièrement. Peut-être que la mère de Cassie est pareil, qu'elle fait fausse figure quand il y a du monde à la maison.

Le garçon aux yeux d'hiver [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant