L'Enfance : I

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Je n'ai presque pas de souvenir de mes premiers parents. Je ne sais pas s'ils sont morts, je ne sais pas s'ils ne voulaient plus de nous. Je me souviens seulement de l'attente dans le froid glacial, devant la grille de l'orphelinat. J'avais quatre ans, et dans mes tout petits bras, le bébé malade hurlait. Je pense que ma tête a voulu oublier tout ce qui avait pu se passer avant ce jour.

Je me souviens qu'on m'avait dit de faire sonner la cloche, mais qu'elle était trop haute pour que je puisse l'atteindre. Alors, je m'étais assise en berçant mon frère pour qu'il s'endorme, mais que c'était mon corps qui s'était finalement assoupi.

Ce fut un aboiement qui me réveilla. Effrayée, je me retournai, un gros molosse grognait de l'autre côté de la grille, derrière lui, un vieil homme criait :

― Beast, silence ! Allez, reviens-là sale bête !

La grille me protégeait, je n'avais pas à avoir peur. De toute manière, le chien paraissait plus curieux qu'agressif. Serrant le bébé plus fort contre moi, je me levai, c'est à ce moment que l'homme nous vit. Il arriva à notre hauteur et me sourit.

― Faut pas avoir peur, il est pas méchant.

Il attrapa le collier du chien pour le tirer en arrière.

― J'ai pas peur.

Il hocha la tête, puis ouvrit la grille en maintenant fermement son chien, mais celui-ci n'essaya même pas de s'échapper.

― Qu'est-ce qu'tu fais ici, petite ?

― Maman a dit d'attendre qu'on ouvre.

Il baissa les yeux sur le bébé et grimaça, puis il s'écarta de la grille pour me laisser entrer.

― Venez. (Je marchais lentement, je ne trouvais pas cela très rassurant.) Tu veux que je porte le petit, il doit pas être léger ?

J'eus un mouvement de recul.

― Non !

― D'accord.

Nous traversâmes le jardin devant la grande maison, il y avait une immense pelouse d'un vert éclatant, je n'avais jamais vu autant d'herbe. Nous gravîmes les marches du perron, je me souviens qu'elles m'avaient paru immenses. A l'époque, l'intérieur de la maison me semblait luxueux ; maintenant, je me rends compte que ce n'était pas le cas, la peinture s'écaillait, le carrelage était fissuré et il faisait froid. D'une pièce, au bout du couloir provenait un grand bruit de chahut qui m'attirait.

― Attends ici.

Il traversa le couloir et lorsqu'il entra dans la pièce, le bruit se tut. Il revint peu de temps après, accompagné d'une dame toute de noir habillée. Elle était grande, plus grande que l'homme, cela me faisait mal au cou de lever les yeux vers elle.

― Bonjour, je suis Miss McGee, me dit-elle.

― Moi c'est Violet, lui c'est Colin, dis-je en levant un peu les bras pour montrer le bébé.

― Enchantée Violet.

Elle regarda Colin qui fut pris d'une crise de toux.

― Colin est malade, dis-je.

Elle sourit et tendit les bras pour prendre le bébé. Méfiante, je reculai.

― Nous allons prendre soin de lui, ne t'inquiète pas. Vous devez avoir faim tous les deux, ajouta-t-elle.

L'évocation de la nourriture convainquit vite mon ventre vide et dirigea ma tête. Je laissai Miss McGee prendre mon frère et la suivis jusqu'à la salle où le chahut avait repris. C'était un réfectoire plein d'enfants, dont la moitié était en train de se battre.

Violet SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant