Après : I

16 2 0
                                    

Après

Après, il y a des choses qui défilent

Il n'y a plus personne

Une voiture noire qui s'arrête 4 rue Robert Moore

Elle livre un corps dans un linceul gris et une lettre

La terre fraîche où l'herbe repoussera

Et la pierre tombale qui surplombe la plage

Mes joues sont sèches

Je voudrais pourtant pleureur

Et faire sortir toutes ces maudites bêtes noires qui grouillent de mon cœur jusqu'à ma tête.

Je n'entends plus rien que le vent qui balaye les vagues

Je ne sens plus rien que le froid et le vide

La douleur n'a pas de goût, pas de forme, pas de mot

La douleur c'est l'air autour de moi qui me pollue et noircie mon âme

Il faut pourtant se remettre en marche, faire semblant de vivre, de survivre, pour les autres, pour qu'eux ne sombrent pas, pour ne pas que, comme moi, petit à petit ils deviennent des fantômes vengeurs.

Puis c'est le chemin du retour. Nous partons la nuit suivant l'enterrement, sans même dire aurevoir à Lord Hartfield. Je pose mon pied sur la marche pour grimper dans la calèche et je serré Colin contre moi. Il dort tout le long du voyage. Il hurle dans son sommeil, je me penche plusieurs fois à son oreille pour lui chuchoter des mots doux et lui chanter des berceuses. J'ai arrêté de lever les yeux vers maman qui reste mutique, qui regarde son fils souffrir avec un regard vide.

***

Une fois à Arclif, maman s'enferma dans sa chambre. Colin fut repris en main par la gouvernante à laquelle j'échappai. Pendant plusieurs jours, j'errais dans les couloirs de la maison sans savoir quoi faire. Je ne voulais pas être là, chaque pièce me rappelait son absence. Avant la maison grouillait toujours de monde, à présent, il me semblait être la seule habitante des lieux. Ma mère était comme morte ; mon frère, suite aux conseils du médecin, passait ses journées dans le jardin pour se changer les idées Les domestiques semblaient m'éviter, comme s'ils avaient peur que je passe ma colère sur eux. Lord Hartfield me manquait, je me demandais comment il allait, j'aurais voulu que nous pleurions ensemble. Je me sentais si seule que le chagrin n'avait même plus l'audace de venir me tourmenter. J'avais emmuré mon cœur avec des promesses de vengeances.

***

Cela faisait deux mois. Un soir alors que j'étais perdue dans mes errances continuelles, je passai devant le bureau de papa et eus la force de pousser la porte. Je me sentis observée par le regard figé de ma grand-mère paternelle dont le tableau surplombait la cheminée. Je contournai le bureau, sur le fauteuil de papa, Dolly, la petite chienne que nous lui avions offerte pour son anniversaire, dormait. Je la portais le temps de m'asseoir et de la reposer sur mes genoux. J'étais un peu petite pour le siège, mais je m'y sentais plus que bien. C'était comme s'il était assis avec moi, que nos âmes se superposaient. Je levai les yeux vers le tableau de ma grand-mère, l'Histoire se répétait, les Sky étaient des orphelins.

La nuit commença à tomber et je m'endormis dans ce fauteuil. Chaque nuit je rêvais de sang, partout, l'océan et le ciel étaient rouge, puis au détour de mon cauchemar, je finissais toujours par tomber sur son corps endormis. Cette nuit, je le trouvais affalé dans ce même fauteuil, je me voyais m'avancer vers lui, j'étais sous une forme plus jeune, peut-être celle de l'âge de l'adoption. Je posai ma main sur la sienne pour le réveiller, mais sa peau était froide, je levai mon regard vers ses yeux desquels coulaient des larmes de sang. Alors, je hurlai, je hurlai si fort que tout devenait noir, comme si, moi-aussi, je mourais.

Violet SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant