Après : II

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Cela faisait un peu plus de cinq ans, nous étions en janvier, c'était le jour de mon anniversaire. Nous n'étions pas tristes, mais il y avait cette impression que nous n'avions pas le droit de nous réjouir. Maman m'avait offert une bouteille de parfum venu de Bellaremne et contrairement à ce que j'aurais pu penser, cela ne m'avait pas vraiment déplu. En somme, c'était une plutôt belle journée, jusqu'à ce qu'un cadeau étonnant arrive à la maison. Le majordome passa la porte du salon avec un bouquet de fleurs. Je me levai en me demandant quelle était la personne stupide qui avait pu m'envoyer des fleurs.

― Des fleurs pour vous Madame, dit-il en se tournant vers ma mère qui lâcha le livre qu'elle nous lisait pour aller chercher le bouquet. De la part d'un certain Mr. Charles Talbot, ajouta-t-il.

Je me rassis, presque déçue que ces fleurs ne soient finalement pas pour moi.

― Merci Howard. Apportez un vase, voulez-vous ?

― Bien-sûr madame.

Il s'avéra que maman avait rencontré Mr. Talbot à la banque, un mois plutôt. Fils du banquier, il venait de reprendre l'affaire à la place de son père. Le bouquet était accompagné d'un message qui conviait maman à venir le voir chez lui à Hastrye, j'essayais de ne pas m'énerver en me demandant pourquoi. Maman voulut que nous partions tous dès le lendemain pour la capitale. Ce voyage révéla en moi une certaine rage que j'avais, jusqu'ici, fini par enfouir pour préserver, cette fragile vie de famille que je voulais pour maman et surtout pour Colin. Devoir retourner dans cette ville ne me faisait pas du tout plaisir, et encore moins pour aller voir un inconnu.

Nous ne logeâmes pas au 4 rue Robert Moore, cela aurait ramené trop de mauvais souvenirs. Mr. Talbot nous avait invités chez lui, c'est donc là que nous allions résider. Enfin, c'était maman qu'il avait invité chez lui.

Lorsque nous arrivâmes à sa résidence, nous le trouvâmes en train de jardiner. Lorsque la voiture s'arrêta, il se précipita pour nous accueillir, mais je sentis en descendant la première que ce n'était pas moi qu'il avait prévu d'aider à descendre.

― Bonjour, Mr. Talbot, je suppose ? dis-je pour le faire sortir de son silence.

― Bonjour Miss...

― Miss Sky, ajouta ma mère en descendant avec de Colin.

― Madame la comtesse, je ne savais pas que vous aviez des enfants.

― Quel mauvais banquier vous êtes. Et d'après-vous, à qui appartenait l'argent que je retirai au nom du comte de Swanfield ?

― A votre mari bien sûr. J'espère qu'il n'a pas trop eu peur du bouquet de fleurs que je vous ai envoyé.

L'erreur venait d'être commise et nous crûmes qu'elle serait irréparable.

― Par tous les dieux ! s'exclama-t-elle.

Les bonnes manières la forcèrent à rester, mais au fond de moi, je savais qu'elle avait envie de s'en aller la tête haute.

― Vous ne vous renseignez vraiment pas sur vos clients, Mr. Talbot, dis-je.

― Notre père est décédé, ponctua Colin

Ainsi se passa la rencontre avec notre futur beau-père. Il fallut beaucoup d'efforts à Mr. Talbot pour faire oublier à maman qu'il avait insulté papa et s'était attendu à ce qu'elle vienne seul chez lui alors qu'elle était mariée. Il lui en fallut encore plus pour se faire accepter de Colin et de moi.

Une fois ces débuts difficiles oubliés, il s'avéra que Monsieur Talbot était un homme très gentil. Un jour, il m'accompagna même pour aller voir la tombe de papa. Entre temps, il avait dû se renseigner sur l'histoire atypique de notre famille, mais jamais il ne mentionna quoi que ce soit.

Violet SkyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant