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d r o w n i n g

j'étais petite. c'était un fait.

les gens me taquinaient sur la longueur de mes jambes égalant à peine trois pommes empilées. je riais aux blagues, riais discrètement de ma propre taille, même quand je me composais une mine faussement vexée.

ces remarques étaient dénuées de toute méchanceté, seulement parfois un peu lourdes, et je préférais les encourager. parce qu'elles étaient réelles, prononcées par des personnes qui ne me traitaient pas comme un fantôme. la preuve en résultait qu'ils me parlaient.

je n'étais plus transparente. la façon dont leurs yeux me scrutaient, formulant l'une de leur blague mille fois répétée, dans l'attente impatiente qu'un rire, qu'un sourire, qu'une simple onde positive, ne viennent s'épanouir sur mon visage et se confondre à mon expression.

et c'était souvent là, que ça coinçait.

spencer était petite. c'était un fait.

spencer avait ri de ces remarques sur sa taille. mais désormais, spencer ne riait plus.

son visage ne s'éclairait pas de cette joie passagère, celle-ci tombée dans l'oubli. elle ne levait plus les yeux au ciel, avec une phrase médisante pour ponctuer l'échange de taquineries.

spencer haïssait ces blagues, elles étaient devenues son fardeau. elle avait fini par les exécrer, les bannir de ses éclats cristallins.

pourtant, ces remarques moqueuses n'étaient pas méchantes. mais spencer ne pouvait s'empêcher d'y voir un double-sens,

elle qui souhaitait tant redevenir transparente.

ainsi, leurs yeux, ceux qui pointaient si facilement ses faiblesses. ceux qui observaient cette silhouette, une silhouette qu'elle protégeait des regards par des tissus toujours plus larges.

spencer s'habillait, s'enfouissait, d'habits amples. pour éviter qu'ils voient ce qu'elle voyait. mais ça ne fonctionnait pas, ces pupilles rivées sur son être la condamnaient. des prédateurs réunis autour de leur proie.

ces regards, qu'ils l'angoissaient, spencer. elle tentait vainement de les contrer, mais quand les gens la regardaient, spencer mourrait.

ils se moquaient, non ?

de ces bourrelets inexistants. de ces vergetures écartelées. de cette graisse étalée.

de cette peau.
de sa peau.

spencer était petite, et ça ne la dérangeait pas,

mais,

spencer se noyait.

drowningWhere stories live. Discover now