Épisode 2

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[Deux jours plus tôt.]

Ariane pousse un cri.

Elle est nue, cheveux trempés, dans la salle de bain, et son téléphone indique 7h51. Sa douche a été beaucoup trop longue et il ne lui reste même pas quarante-cinq minutes pour se présenter en classe. Jamais elle ne va arriver à temps!

« Les examens de chimie le vendredi matin devraient être interdits » pense-t-elle.

Elle a procastiné avec sa préparation, a essayé de se rattraper la veille et s'est couchée trop tard. Et surtout, le lunch qui s'en vient l'angoisse et ça a perturbé son sommeil. En vitesse, elle sèche ses cheveux et passe les vêtements soigneusement choisis: des pantalons bleus, un chemisier orange et un chandail rose. Malgré son retard, elle s'étudie dans le miroir.

À cause du lunch qui l'inquiète, elle tient à savoir si elle est séduisante.

Le miroir lui renvoie l'image d'une jeune fille de dix-sept ans, longue et menue. Cheveux blonds qui tombent dans son dos, poitrine petite et ronde, hanches étroites, visage délicat. Plutôt jolie, malgré sa minceur. Mais... est-elle suffisamment attirante?

Pas le temps d'y penser. Elle se précipite vers la cuisine.

— Bonjour! s'écrie-t-elle.

Sa mère pousse un grognement et son père lève sa tasse de café, pour la saluer, avant de retourner à sa lecture.

Chacun fixe sa tablette d'un air intensément mal réveillé. Devant eux, les énormes tasses de café achetées à Disneyworld sont pleines. L'une représente l'oncle Picsou, l'autre Mickey Mouse.

Dans la cuisine neuve, magnifiquement décorée, son père paraît encore plus desséché. Peau terne, sommet de la tête stérile de cheveux, il voûte. Sa mère masque mieux son âge. Elle ne parait pas jeune, mais artificielle.

Elle mastique ses œufs brouillés avec mauvaise humeur et l'odeur donne mal au cœur à Ariane, qui se sent incapable d'avaler quoi que ce soit. De toute façon, le temps lui manque. L'adolescente ouvre une armoire et prend deux barres tendre.

Elle en échappe une et sa mère sursaute.

— Pardon, dit Ariane.

— Une barre tendre n'est pas un déjeuner, dit sa mère. Mange quelque chose de plus consistant!

— J'ai pas faim.

Les yeux de sa mère la traversent comme des rayons X.

— Tu es tellement maigre, David va se blesser en te prenant dans ses bras.

Et elle ajoute:

— Tu es habillée comme un arbre de Noël!

Ariane se raidit, feint d'être sourde et sort de la pièce.

« Qu'est-ce qu'elle a? Qu'est-ce que j'ai fait? »

Ces commentaires sont comme des flèches dans son corps. La jeune fille s'immobilise et s'appuie au mur du corridor. Les larmes vont couler. Elle respire profondément, tente de se calmer et de ralentir son cœur.

Ce ne sont que des mots et ils sont faux. Ariane est mince, pas maigre, et ses vêtements sont très jolis. Lentement, elle inspire, expire, se concentre sur l'image d'un jardin de fleurs, de fruits, de chants d'oiseaux, et se sent mieux. Elle court vers la porte.

Deux heures et demie plus tard, elle remet son examen de chimie, qu'elle a commencé quinze minutes après les autres et terminé la dernière, et sort du local. Il a été encore plus difficile que prévu. « Je vais le pocher complètement » réalise-t-elle avec consternation.

Une fois de plus, elle se demande pourquoi elle a choisi d'étudier en sciences.

Elle marche vers la bibliothèque, où elle doit retrouver une amie pour étudier. Sa tête tourne et Ariane réalise avoir oublié de manger ses barres tendres. Elle en déballe une, l'engouffre d'une main tremblante et savoure le goût du beurre d'arachide et le mélange sucre et sel.

Son amie l'attend devant la bibli, son sac à ses pieds, près des étudiants qui entrent et sortent du local.

— Raconte-moi tout! dit-elle en voyant Ariane

— Te raconter quoi?

— Ce qui est arrivé chez David!

— Je ne suis pas au courant.

— Il ne t'a rien dit? Les policiers sont venus chez eux en pleine nuit! Plusieurs voitures! Et personne ne sait pourquoi.

Comme les Poulin sont très connus, de nombreuses rumeurs circulent. Les pompiers étaient là. Les pompiers n'étaient pas là. Le père et la mère se sont battus. Le père et la mère ne se sont pas battus. Ils se sont battus avec Myriam, leur fille, qui était complètement saoule. Myriam a mis le feu au divan et a brûlé un tableau d'une grande valeur. Des voleurs ont pénétré dans la maison, se sont servis un gueuleton dans la cuisine et sont partis avec le tableau. Ils ont tenté de kidnapper Myriam. Il n'y avait pas de voleurs.

Ariane rit.

— La seule chose de crédible là-dedans, c'est que Myriam était saoule.

Ariane et Myriam ont presque été amies au début de la première session. Depuis qu'Ariane a commencé à sortir avec son frère, Myriam ne peut plus la supporter.

Des voitures de police sont-elles venues chez David? Pour quelle raison?

— Je vais demander ce qui s'est passé à David, dit Ariane. Il m'a invité à luncher.

— Chanceuse! À quel endroit?

Son amie est en extase devant David, qui « a tout » selon elle.

Ariane n'ose pas lui avouer la vérité. La semaine dernière, David et elle se sont encore disputés et ils ne se sont pas parlés depuis. Il l'a invitée par un texto glacial. Ariane craint qu'il soit encore fâché, que son couple n'en ait plus pour longtemps, et ça lui fait beaucoup de peine. Elle a très peur de ce qui va se passer durant le lunch.

Elle pense au commentaire de sa mère.

— Comment trouves-tu mes vêtements? demande-t-elle.

Son amie l'étudie quelques secondes.

— Séparément, ils sont beaux, mais les couleurs, euh...

— Ah non!

— Ça fait un peu coucher de soleil. Le bleu est trop clair, le rose et l'orange ne vont pas bien ensemble. Mais c'est pas grave. C'est juste un peu voyant.

« Un arbre de Noël » pense Ariane.

— De toute façon, continue son amie, tu es tellement jolie que tu porterais une robe de chambre et ça serait quand même très bien. David va t'adorer.

À ce moment, Myriam passe dans le corridor.

Comme toujours, son élégance est parfaite, vêtements verts et blancs, avec une veste hors de prix. Ses parents sont riches et elle aime le montrer. Son corps est fait de courbes sensuelles et son visage est sans défaut. Mais quelque chose ne va pas.

D'habitude, Myriam est énergique et pleine d'assurance. Aujourd'hui, ses épaules tombent et son visage est pâle. Elle semble traquée. Ariane et son amie échangent un coup d'œil: oui, un drame s'est produit la nuit dernière.

— Salut, dit Ariane.

Myriam répond par une moue dédaigneuse.

Ariane remarque un homme d'une quarantaine d'années, costaud, en complet bon marché, qui la suit.

[suite mardi le 21 juin]

Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant