Épisode 20

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Le tsunami est total.

En un instant, tout change. Le plein devient vide, le vrai et le faux se mélangent, le précis s'embrouille, le léger s'alourdit. Ariane sent son visage se décomposer et ses yeux se mouiller. Et B, le salaud, le porc, il rit! Il est fier d'avoir réussi à la tromper et s'amuse de son désarroi.

- Surprise? demande-t-il.

- Qu'est-ce que la mafia t'a offert pour les aider à voler les Poulin?

- Tu n'as rien compris, une fois de plus.

- J'ai très bien compris. Tu travailles pour les gens qui veulent l'argent des Poulin.

- Je ne travaille pour personne d'autre que moi-même. C'est moi qui ai tout organisé.

Impossible. Il la fait marcher.

- C'est toi qui as envoyé les lettres, détruit l'auto, qui es entré dans la maison la nuit et qui as presque kidnappé Myriam? demande-t-elle.

- Eh oui.

- Salaud! Ostie de salaud!

- Merci, dit-il. Ça fait plaisir à entendre.

Derrière B, la porte est ouverte sur la liberté. Il se tient solidement sur ses jambes, bras croisés, torse bombé, dans son complet sombre et bon marché de garde du corps. Toujours aussi séduisant, hélas.

Mais l'attirance d'Ariane n'existe plus. La puissance physique de B est celle du mal, les champs de souffrance et de désespoir, les lacs de larmes et de sang. Son visage est beau comme l'hypocrisie, l'avidité et l'égoïsme.

- Pourquoi m'avez-vous kidnappée? demande-t-elle.

- Parce que tu m'as vu dans la chambre des parents.

La phrase la frappe comme une pierre.

- C'était toi?

- Mais oui, c'était moi. Qui pensais-tu que c'était?

- Je t'ai pris pour William.

- C'est lui que tu as dénoncé?

- Je n'ai rien dit à personne. Tout le monde était soit saoul, soit drogué, et je n'étais pas certaine d'avoir reconnu William.

- Ah non! C'est trop drôle!

Il éclate de rire, tandis que les joues d'Ariane brûlent.

- J'étais en train de surveiller la porte devant chez les Poulin quand mes amis m'appellent, explique-t-il. Ils m'annoncent qu'ils ont regardé les images de la caméra et que tu étais là quand je l'ai installée. Ils me disent de fuir, que la police va m'arrêter... et tu sors de la maison! Je n'en revenais pas.

- C'est pour ça que tu étais en colère.

- Je n'étais pas en colère. Tu n'as aucune importance pour moi, Ariane. Quand je t'ai vue partir à pied, j'ai compris que tu n'avais peut-être rien dit. Au lieu de fuir, j'ai demandé à mes amis de te kidnapper et je suis resté à mon poste pour ne pas brûler ma couverture. Mais j'étais un peu nerveux, je l'avoue.

Son sourire fauve reparaît.

- Tu devais toi-même être pas mal saoule pour me confondre avec William.

- La chambre était noire et tu étais de dos. Vous avez presque la même carrure.

Mais Ariane s'en veut. B l'obsède, elle aurait dû penser à lui. L'idée ne l'a même pas traversée. Elle était certaine qu'il voulait détruire les ennemis des Poulin et elle aimait trop se trouver dans son camp. Son attirance l'a perdue.

Si seulement elle avait parlé de la caméra à un autre garde du corps au lieu de chercher B et de se décourager parce qu'il était fâché!

- Me prendre pour William! dit-il. Tu as besoin de lunettes. Et de couper le champagne. À dix-sept ans et demi, tu dois te limiter au jus d'orange.

- Installer une caméra dans la chambre des Poulin, réplique-t-elle, c'est tellement bas! Et j'ai vu que tu fouillais dans les sous-vêtements. Tu es un voyeur et un fétichiste. Un pervers sexuel qui se masturbe en reniflant des petites culottes. Ça ne me surprend pas du tout.

- Désolé de te décevoir, mais la vie sexuelle de Mme Poulin ne m'excite pas plus que ça. Des filles, j'en ai autant que je veux, et des plus jolies que toi. Je ne suis pas un pervers.

Il pousse un soupir.

- J'ai frôlé de gros ennuis et je m'en sors en améliorant la situation. La caméra fonctionne, ma couverture est intacte, et Charles Poulin va s'énerver encore plus quand il va apprendre ta disparition.

David aussi va s'énerver.

Peut-être parce que sa situation est désespérée, toute peur se détache d'Ariane. Elle s'avance vers B et lui crache au visage, mais il se détourne. Le crachat passe dans le vide.

- Fais attention, dit-il. Tu es en mon pouvoir. Si tu m'énerves trop, je vais te punir.

- Voleur!

- On vit dans un système capitaliste, ma belle. Je suis juste moins hypocrite que les autres.

- Tu es un rat! Un déchet!

- Économise ton énergie, les insultes ne me font rien. Je suis mort intérieurement, je te l'ai dit.

- Ce n'était pas un mensonge, ça?

- Presque tout ce que je t'ai dit sur moi est vrai.

- Ostie de chien sale. Pourriture. Vendu. Psychopathe. Dégénéré. Visage à deux faces. Tu es un excrément. Tu pues, tu es laid et tu salis tout ce que tu touches.

- Une jeune fille d'Outremont qui dit toutes ces horreurs. Je suis déçu.

- Tu empoisonnes la vie des gens pour voler leur argent. J'ai honte d'être un humain en te voyant.

- Tu n'as pas honte de manger du caviar pendant que d'autres crèvent de faim?

- J'espère que ta conscience va se réveiller et que ça va te pousser à te suicider. Tu devrais te pendre, comme sur ton tatouage.

Le garde du corps tressaille et une flamme de douleur passe dans ses yeux.

- Tu ne devrais pas parler de ça, dit-il.

- Graine de pendu. Une corde autour du cou, le visage bleu, les pieds dans les airs, ça te ferait tellement bien.

Le visage de B se déforme. Sourcils froncés, bouche dévoilant ses dents, il s'approche d'Ariane et la saisit par le col du chemisier. Elle se crispe et commence à haleter. Le garde du corps est beaucoup plus fort qu'elle.

- C'est toi qui devrais te suicider, dit-il.

- Quoi?

- Tu m'as très bien entendu. Tu n'as aucune leçon à me donner. Tu te prends pour une sainte, mais c'est toi qui es pourrie. À ta place, je serais morte de honte depuis longtemps. J'ai parfaitement le droit de kidnapper une fille comme toi.

La stupeur gagne l'adolescente. Lui, un voleur, un incendiaire et un kidnappeur, il pense valoir plus qu'elle?

B souffre de problèmes psychologiques sérieux. Ou alors, il se raconte des histoires pour se justifier.

Il la tient d'une main et elle voit l'autre du coin de l'œil. Le poing est fermé. Ariane lève les bras pour se défendre.

Non non non, se dit-elle. Il va la battre pour la punir d'avoir parlé du pendu. B est instable. Ses impulsions le dominent alors tout est possible.

-Tu ne devrais même pas être capable de te regarder dans le miroir, dit-il. Et je vais te le prouver. Je vais te faire rencontrer quelqu'un. Ce soir. Tu vas comprendre quel genre de sale personne tu es. En réalité, tu ne vaux rien. Et c'est toi qui vas avoir envie de te suicider.

Il secoue Ariane, la jette sur le matelas, crache sur le plancher et sort de la pièce.

[suite dimanche le 15 octobre très très tôt]


Protection dangereuse [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant