XXIII - Erador

1.3K 217 20
                                    

Nous avons dû marcher des jours durant, sans nourriture et en buvant le peu d'eau que nous trouvions. L'eau trouble dans des flaques presque asséchées, de l'eau qui nous donnait mal au ventre et la nausée.

Mes lèvres et celles de mes amis sont desséchées. Nous sommes épuisés et ne dormons que sur une oreille la nuit. L'Ombre Obscure nous suit où que nous allons, elle ne s'exprime que peu mais ne nous attaque pas, par miracle.

Je ne cesse de me dire que nous avons donc là un espoir. Les Ténèbres sont-ils si nocifs ? Jamésy est revenu d'entre les morts et une Ombre Obscure censée être un monstre, semble être dotée d'une conscience et imite l'être humain. Cela laisse de l'espoir pour une reconstruction de notre Royaume. Mais pour que cela soit possible, je dois monter sur le trône et ne pas laisser la place à mon père.

Nous ne pouvons prendre le bateau, cela nécessiterait de faire une escale vers une autre Nation. Alors nous tentons tant bien que mal de survivre et de marcher aussi longtemps que nous le pouvons, sans chevaux ni ressources.

Erador est à deux mois de bateau, à pieds, cela prend environ deux mois et demi. Cela fait déjà environ huit semaine, bien que j'ai cessé de compter les jours. Nous avons rarement mangé, généralement des insectes que nous trouvions en creusant la terre, à tel point qu'aujourd'hui, cette terre noire est ancrée sous mes ongles sales et longs.

— Je n'ai pas confiance en cette chose, souffle Hélène en marchant à côté de moi.

Nous enjambons des racines mortes. L'Ombre Obscure voyage avec nous depuis un mois cependant, elle nous suit. Elle avance derrière nous et n'est pas toujours visible dans la pénombre. Lorsqu'elle se déplace, une brume la suit, comme tous ces monstres qui ont tué tant de nos confrères.

— Nous ne pouvons guère faire confiance aux Ténèbres. Mais cette chose a sauvé Jamésy.

— Elle l'a tué avant de le sauver... me murmure Hélène.

— Oui, je le sais... mais elle ne nous attaque plus. Peut-être même qu'elle nous imite, du moins, c'est l'impression que j'en ai.

Jamésy ne parle que peu, il avance devant nous, sans un mot. Depuis qu'il est revenu d'entre les morts, il reste plus ou moins silencieux.

— Certes mais... que souhaites-tu en faire ? S'enquit mon amie.

— Je souhaite montrer à Lucius et Chloé qu'ils vont perdre cette guerre. Cette Ombre Obscure en est la preuve.

Elle me jette un regard. La pauvre a la peau pâle et marquée, les joues creusées, les cheveux emmêlés... elle est affamée et épuisée.

— Ils verront que tous les monstres qu'ils créent ne sont pas forcément avec eux et que certains préfèrent se tourner vers la Lumière.

Je souhaite qu'ils se rendent compte que même les Ténèbres peuvent être doté d'une Lumière, quelle qu'elle soit. Cette Ombre Obscure en est la preuve et pourrait tous nous sauver.


Après plusieurs jours de marche, durant lesquels nous crûment mourir, nous arrivons enfin à Erador. Je n'en ai aucun souvenir, pourtant, je suis né ici. Je tombe sur mes deux genoux lorsque nous passons l'arche brisée, recouverte de lierres. Jamésy m'aide à me relever en passant son bras autour de moi. Mes jambes tremblent, je suis devenu si maigre que mes vêtements sont trop grands, mes deux amis vivent le même calvaire.

Je me retourne lentement vers l'arche, là où l'Ombre Obscure reste immobile, cette brume l'entourant comme une aura sombre.

— Tu ne dois pas entrer dans cette Nation, soufflé-je les lèvres sèches. Nous reviendrons te chercher mais pour l'heure, nous devons trouver le repos.

Invocatrice de l'Ombre T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant