XXVI - Consumée

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Nous marchons avec notre armée, entre deux Nations, en direction de Dystéria. Notre marche est silencieuse, nous ne communiquons que rarement entre nous, notamment lors de nos voyages. Lucius et moi sommes à l'avant, dirigeant nos disciples. Notre conquête prendra bientôt fin, quand toutes les Nations seront à notre merci. Il ne manque plus qu'Irondell, Corvil et Dystéria.

Lorsque nous arrivons près du désert et que nos pieds entrent en contact avec le sable, celui-ci semble se dissiper petit à petit. Ses grains dorés deviennent sombres, ils sont rongés par les Ténèbres et le désert doré devient noir, comme le Néant. Toute créature s'y trouvant périra sous les Ténèbres qui suivent chacun de nos pas.

Je sais que le désert abrite des créatures gigantesques et puissantes, cependant, elles ne le sont pas assez et seront changées en pierres en une fraction de seconde. C'est inévitable, notre présence est un poison pour le monde et où que nous allons, les Ténèbres nous suivent et consument absolument tout.

Cette traversée sera longue mais non éprouvante. Je ne ressens plus la fatigue, ni le besoin de manger ou d'être en présence de qui que ce soit. Mon âme s'est totalement effacée, je ne suis plus qu'une coquille vide. Je vis avec des souvenirs, mais ils sont brouillés par les Ténèbres qui me rongent de l'intérieur.

Nous passons l'Arche de Dystéria, et les habitants présents, nous voyant arriver, se mettent à courir pour se réfugier dans leurs chaumières. Ils n'ont plus de Gouverneur, le dernier était Tadëus, mais il est mort. Quelques braves hommes se jettent sur nous, le cri puissant pour se donner du courage. Je tourne la tête vers les deux individus qui souhaitent s'opposer à moi, tends ma main vers eux et la brume qui les atteint les englobe totalement. Lentement, leurs mouvements s'amenuisent, puis finalement, ils s'immobilisent, la bouche entrouverte. Leur peau craquelle, ce craquement résonne et apporte une sinistre ambiance. Par la suite, ils se changent en pierres. Une seule petite secousse les détruira totalement, et le chemin arrière ne sera plus possible.

C'est le sort que Lucius et moi avons réservés à tous les protestants, ils sont changés en pierres et décorent lugubrement les rues de leur Nation chérie. Une source de Lumière pourrait les ramener à eux, mais plus aucune source n'est disponible à présent, plus aucune Lumière n'existe en ce monde.

— Séparons-nous et changeons en pierres tous les protestants ! Les honnêtes hommes et femmes qui souhaiteront nous suivre doivent être épargnés ! déclare Lucius.

Notre armée lui obéit au doigt et à l'oeil. Lorsqu'ils se dispersent tous dans la multitude de rue qu'offre Dystéria, Lucius se tourne vers moi et m'adresse un sourire tout en posant ses mains sur mes épaules.

— Comment te sens-tu ? demande-t-il.

Abattue.

— Je vais bien, rétorqué-je.

— En es-tu certaine ? Ces... drôles de veines noires continuent de s'étendre.

— Je vais bien, Lucius. Je vais faire un tour, retrouvons-nous ici dans deux heures.

Il hoche la tête et me laisse partir. Je me faufile dans une rue étroite, sans un regard pour lui bien que je sens qu'il m'observe m'éloigner. Que souhaite-t-il que je fasse ? Les Ténèbres me consument, comme ils l'ont fait à plusieurs de nos fidèles. Parfois, les Ténèbres sont si puissants qu'un individu n'en étant pas digne finit par périr. Je me transformerai en pierre moi aussi, lorsque j'aurai été totalement dévorée par leur puissance. Je subirai le même sort que tous ces innocents.

Invocatrice de l'Ombre T.3Où les histoires vivent. Découvrez maintenant