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Après toutes les consignes données par notre Sensei, nous sortons enfin de son bureau. La nuit est déjà bien avancée. Mon père a été intraitable sur notre sécurité. Je l'ai rarement vu aussi lourd. Cependant, les autres ne semblaient ni choqués ni surpris. En revanche, tous me scrutaient tour à tour comme si j'étais une cocotte minute sur le point d'exploser. Parfois, j'émets trop d'ondes négatives, sans doute dû à ma magie noire. Ma mère m'écrasait la main régulièrement entre les deux siennes. Elle ne m'a pas fait mal et son geste d'anxiété ou de soutien, je ne sais pas trop, avait surtout le mérite de me ramener ici et maintenant.L'ensemble du trajet est défini et nous ne devons pas changer d'itinéraire, à moins d'un problème, bien sûr et d'en aviser surtout, notre honorable Sensei-dictateur !Vraiment lourd !Bref !Du coup, comme tout le monde me regarde de travers en sortant de ce satané bureau, j'ignore où aller. Certes je leur ai forcé la main. Mais préfèrent-ils anéantir 30 ans de paix en une décapitation ? Nous ne devons surtout pas nous mettre les Warous à dos.D'une part, ce sont des alliés fidèles ; d'autre part, nous partageons beaucoup de valeurs avec eux. Nous sommes plus forts tous ensemble et nous vivons en harmonie dans un site protégé de bien des manières. Enfin, c'est ce que j'ai compris grâce aux cours d'histoire que j'ai reçu pendant mon enfance.Je me balance d'un pied sur l'autre à la sortie du bureau, pendant que Léo et Miguel filent dans le couloir. Je suis censée faire équipe avec eux, non ?— Viens !La voix bourrue de Kanine me fait sursauter. Ce Golgoth est impressionnant, tout en muscles, piercings et tatouages. Il rase sa barbe et sa tignasse de Cro-Magnon à chaque coucher de soleil. Je ne l'ai surpris qu'une ou deux fois. Tous ces poils lui donnent un air presque tendre. Presque...Je le suis sans discuter. J'ai bien compris que Kanine était mon baby-sitter afin de laisser Miguel et Léo concentrés sur l'organisation, l'analyse et la prise de décision. Mon père a tout de même admis que ce serait un exercice grandeur réelle plus qu'intéressant pour moi.Tu m'étonnes...Mais je ne dois pas les gêner...Quand même, j'ai 30 ans !J'ai préféré ne pas répondre de peur qu'ils changent d'avis et m'abandonnent ici. Je crois qu'ils sont prêts à trouver n'importe quelle excuse. J'ai appliqué le mantra paternel à la lettre : «prendre du recul». Notre Sensei m'a même félicité mentalement.Le pire est que je me suis sentie vraiment fière à ce moment-là.Pathétique quand j'y repense.Je me tais et je suis le mouvement. Quand nous arrivons à l'armurerie, je suis tout excitée.Alors je vais faire une mission ? Pour de vrai ? Mmmm... c'est bon, ça !Je me frotte les mains à l'idée de tout ce que je pourrai emporter. À la vérité, je sais me battre aussi bien à mains nues, qu'avec n'importe quelle longueur de lame. J'ai dû tirer avec tous les calibres ou presque que nous possédons.Soudain, Léo me regarde franchement et fronce les sourcils d'un air réprobateur. Mon sourire joyeux disparaît automatiquement et je me tourne vers Kanine, comme si le Second n'avait aucun rôle majeur dans le dispositif.— Que prenons-nous, Kanine ? demandé-je, le plus calmement possible.— Ce que va sélectionner Léo !Merde !Je ne peux retenir une moue boudeuse. Le Second va être le vampire que je ne pourrai pas ignorer. C'est bien ma vaine. Alors, je fais comme tout le monde et j'attends qu'il daigne donner ses consignes.— Sabres, shurikens, pistolets automatiques avec balles en argent ! Annonce le Second.L'armurier hoche la tête et nous pose différents modèles sur son grand comptoir afin que nous puissions choisir. En revanche, nous avons tous un flingue réglé à notre vue, même moi, au cas où nous devrions réagir vite. Je caresse mon arme et je l'enfonce dans le holster qui l'accompagne.Nos shurikens à six branches sont totalement vierges dans le but de ne laisser aucune trace de notre passage. Néanmoins, l'armurier les affûte après chaque usage pour qu'il reste tranchant comme des lames de rasoir. Il nous attribue un sac à dos noir afin de ranger nos étoiles assassines précautionneusement dans des compartiments prévus à cet effet.Ça parle peu. Nos vampires sont tendus. Je vois bien qu'il est question de ne rien oublier. L'excitation me tenaille, mais je retiens mes blagues pourries. Ils sont tous sur les crocs. Léo ne perd pas une miette de ce que nous mettons dans nos bagages, nous assurant qu'il ne nous manquera rien. Je dois bien avouer qu'il est redoutablement professionnel en cet instant.— Bien ! À vos combinaisons maintenant ! Annonce-t-il.J'écarquille les yeux.— Je n'en ai pas !Léo me fusille du regard. Je suis contrariée et prête à lui expliquer que ce n'est pas de ma faute.— Viens !— Tu souhaites que je m'en occupe ? Demande Kanine.— Non, je préfère vérifier moi-même. En tant que responsable de cette expédition, je ne voudrais pas ramener qu'une moitié de sa fille à notre Sensei.— Mmmoé ! Ricane Kanine en s'en allant à ses appartements au vu de la direction qu'il prend.— Viens Petite ! Ordonne le Second.Mais quel con !En réponse, je bombe le torse, je sors ma carrure de guerrière, de manière à le toiser et je passe devant lui. Je sais pertinemment où est le salon d'essayage des combinaisons.Pas très loin de l'armurerie, nous avons un atelier de cuir pour créer ou réparer tous nos effets dans des matériaux moins standards. Je patiente devant la porte en tapant du pied, comme si j'étais pressée. Léo lève les yeux en l'air pour me montrer que je ne l'impressionne pas. Il sort son trousseau de clés et ouvre la salle.Dans un coin, toutes nos combinaisons en attente de trouver un propriétaire sont exposées. Le rayon «femmes» est moins important, car nous ne sommes pas nombreuses. Je touche les matières souples plus ou moins volumineuses. Quelques modèles devraient être à ma taille.Soudain, Léo me pousse gentiment pour me montrer une combinaison en particulier.— Essaie celle-là !Je le regarde en fronçant les sourcils puis scrute la tenue, décontenancée. Clairement, ce n'est pas celle-là que j'aurai choisie. Les épaisseurs se multiplient par endroit. Je ne suis pas sûre que ce soit confortable. Je la repose comme si de rien n'était et je prends celle d'à côté, beaucoup plus souple, d'une texture presque brillante qui devrait épouser mes formes comme une seconde peau. Un grand sourire se dessine sur mes lèvres à l'idée de l'image que je pourrai renvoyer avec une telle tenue.Je me détourne pour aller l'essayer. Je n'ai pas fait deux pas que le Second m'arrache la combi des mains et la déchire en deux. Je vois rouge immédiatement. Je n'ai pas le temps de l'engueuler qu'il me balance la protection en cuir, modèle char d'assaut dans les bras.— Connaissant notre Sensei, c'est cette tenue qui t'est réservée ! Va la passer !Ce truc est lourd comme du plomb et son style est affreux.— Pas question !Je la tends à Léo pour qu'il se la colle où je pense, en prenant une posture de combat. Je suis prête à lui foutre une raclée. Vif comme l'éclair, il stoppe mon geste et je me retrouve coincée dans ses bras, pressée dans un étau.— Tu viens avec cette combinaison Teruki ou tu restes ici !Je sonde son regard déterminé. Aucune hésitation n'apparaît. Je me mords la bouche avant de parler. Je dois la jouer fine. Je n'ai pas peur de lui, mais il a le pouvoir de me rendre la vie dure et de faire renoncer notre Sensei à mon départ pour cette enquête. Or j'ai vraiment envie d'y aller, et surtout de m'éloigner d'ici.— Je l'enfile, mais si elle ne me va pas, j'en essaierai une autre !— Ça m'étonnerait quand même ! ricane Léo.Il hoche à peine la tête et je vois bien que je vais devoir me contenter de ça.

Sangs Eternels Forever - Tome 1: Le poids de l'héritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant