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Bon sang, j'ai les boules.Je m'observe d'un œil critique dans le miroir.J'ai un pare-chocs de dingue. Ma poitrine volumineuse est coincée dans un carcan rigide. Je tape dessus avec mon poing. Je ne ressens rien, même pas le plus petit choc. En revanche, j'entends un «toc» à chaque coup.Je suis pathétique !Je tire sur cette collerette qui épouse mon cou et remonte sous mon menton. C'est incroyable la liberté de mouvement que je peux avoir malgré ce matériau semi-solide. J'essaie de le tordre ou le retourner... impossible. Clairement, je ne crains pas la décapitation.J'ai l'air misérable !Je descends sur mes hanches. Là, ce n'est pas trop mal, genre taille de guêpe. Néanmoins, après la chose qui me recouvre est large, épaisse. Je ne me pensais pas être aussi grosse ! Je me tourne sur moi-même, mon derrière et mes cuisses paraissent énormes. Un vampire peut-il se mettre au régime ?Vraiment, je suis carrément moche !J'ai beau descendre. Cette combinaison ne trouve pas grâce à mes yeux avec mes protège-tibias en fer souple ou je ne sais quoi.Mon attention remonte dans le miroir pour observer le désastre.J'ai l'air d'une bouffonne !Soudain, mon regard tombe sur le reflet de Léo. Ce dernier semble si surpris qu'on dirait qu'il n'avait jamais rien vu de tel.Tu m'étonnes ?!J'ignore comment interpréter son expression remplie d'effroi. Je déglutis, ne sachant pas quoi dire face à ma misérable apparence. Moi-même, je me fais honte. Est-ce que cela peut être une raison pour finalement refuser ma venue ?Si des humains me rencontrent, ils vont me prendre pour une androïde tout droit sortie d'un film de science-fiction, voir même d'horreur avec mes crocs, mon teint blanc et mes yeux bleu glacier. Non vraiment, je me ferai presque peur, heureusement que je sais que ce n'est que moi.Le Second continue de scruter la moindre parcelle de ma silhouette. L'effarement va l'étouffer tellement il ouvre la bouche en grand. Un vampire peut-il se décrocher les mâchoires ?— C'est super moche, hein ?!Ma question le fait sursauter. Nos prunelles se croisent dans le miroir. Il cille, sa moue devient condescendante.— C'est parfait ! Viens ! Conclut-il.Putain, mais ça veut dire quoi ?C'est parfait, il ne peut rien m'arriver ?C'est parfait, je ne vais pas me blesser ?C'est parfait, je suis tellement laide que je vais demeurer vieille fille pour l'éternité ?C'est parfait, je pourrai avoir un petit rôle dans un film de seconde zone ?J'en reste comme deux ronds de flan alors qu'il s'est barré. Je ramasse mes armes et cours pour le rattraper. Même si ma combinaison pèse son poids, je conserve toute ma liberté de mouvement et ma rapidité. Vraiment, je n'aurai pas parié là-dessus.— Fais fermer l'atelier cuir, ordonne Léo à l'armurier.Nous continuons de cavaler comme si nous avions le diable aux trousses.— Fais ton sac, Petite (il devrait plutôt m'appeler «la grosse» avec cette tenue sur le dos), nous décampons à 5h30 ! Si tu rates le départ... bah tu rates le départ !Et il prend la tangente pour aller chez lui. M'est avis que la dernière phrase est un avertissement et que le Second serait capable de me faire une entourloupe. Je comprends qu'il ne veuille pas se promener avec un laideron comme moi au vu de ses conquêtes.Je fourre des vêtements de rechange dans mon sac. Quand nous reviendrons, mon loup aura charmé une compagne. Mon thorax se serre, je vois rouge. Je peste, je souffle lorsque un «toc» à la porte me fait relever la tête.— Oui !Ma mère entre, ce qui me change immédiatement les idées, car je sens sa tristesse l'étouffer. Elle s'assoit sur mon lit, à côté de mon bagage et scrute l'intérieur pour en vérifier le contenu.— Je veux que tu restes avec Kanine, Léo, Etsuko ou Miguel... toujours !Mon regard se glisse dans le sien. La douleur de la séparation étreint ma petite maman. C'est une grande première pour nous deux. Moi, je suis dans l'urgence de devoir partir pour soulager mes peines, mais pour elle, c'est l'inverse.Je m'installe à côté d'elle et la prends dans mes bras. Je la serre fort, elle aussi.— Ça va aller Maman. Je te promets de rester avec mes baby-sitters... enfin sauf peut-être Léo.Ma mère se recule, choquée.— Léo ferait tout toi, ma chérie.Je bougonne intérieurement. Elle n'a pas observé l'air de dégoût qu'il avait tout à l'heure. À mon avis, s'il me perd en route, cela fera un affront de moins envers l'honorable clan Duroy et ses majestueux vampires. Elle ne voit pas comment il me traite depuis l'adolescence. J'ai accepté que le Second soit aussi proche de mes deux parents. Ils sont toujours là pour conserver un semblant de paix entre nous. À la vérité, je ne sais pas ce qui cloche.Bref ! Je ne m'appesantis pas.— Nous partons à 5h30 ! Dis-je pour faire diversion.Ma mère fronce les sourcils. Quel est le problème ?— J'ai cru que vous partiez à 5h... j'ai dû mal comprendre.Elle papillonne des yeux, cherchant l'information dans sa mémoire.Le salopard !Je réalise que Léo m'a donné une mauvaise heure en espérant que je manque le départ. Je bougonne plus fort et accélère le mouvement, car c'est quasiment l'heure.— Je dois y aller, Maman !Cette dernière regarde sa montre et m'aide à entasser tout ce qui est autour de mon sac. Son geste me rassure immédiatement. Malgré tout son chagrin de me voir disparaître quelques temps, elle m'encourage et fait en sorte que je sois à l'heure. D'ailleurs, c'est bien grâce à elle que j'ai grandi avec un maximum de liberté.— Tu as tout ?— Oui !Je prends mon bagage et ma mère m'accompagne.— Tu es magnifique dans cette combinaison, ma fille !Surprise, je m'arrête, m'observe à nouveau de haut en bas... puis de bas en haut. Je ne vois pas ce qui est magnifique. Probablement un truc maternel que je ne saisis pas. Je ricane intérieurement en la découvrant si admirative.— Tu es une belle et grande vampire, Teruki ! Je suis si fière de toi.Elle m'enlace. Je l'embrasse sur la tête et je m'éloigne à regret.— Je ne dois pas être en retard Maman !— Oui, tu as raison.Quand nous arrivons. Kanine marmonne en faisant les cent pas devant un camion noir.— Ah, Teruki !Il me choppe par le bras et me projette à l'arrière. Heureusement que les portes sont ouvertes.— Doucement Kanine !Ma mère rigole. Kanine, le plus sérieux du monde, ne voit pas où est le problème.— Ah te voilà Petite ! Annonce Léo en fronçant les sourcils, désabusé.Je me redresse, prends l'attitude impassible de notre Sensei et toise ce Second qui souhaitait tant m'écarter de la mission. Je ne rentrerai pas dans sa combine.J'adore Kanine, je discute souvent avec lui. Enfin, je parle et il écoute, mais ça me va. Je n'ai aucun problème avec Miguel non plus. Il est très présent dans la vie d'Aveline, voir même incontournable tellement il la couve. Mais nous avons une bonne complicité. Etsuko a été une de mes préceptrices, j'ai énormément d'affection pour elle. Alors, ça va le faire. Je n'ai pas eu le temps de m'intéresser au reste de l'équipage.— Rentrez dans vos boites de transport, ordonne Léo.Notre Sensei est là, tenant maintenant notre Sama par les épaules. Je vais les embrasser.— Écoute bien tes pairs, ma fille !— Et reviens-nous entière, requiert ma mère, la larme à l'œil— Oui, Maman, j'obéirai et je ferai mon maximum pour les aider à résoudre cette énigme.— Rejoins-nous dans de nouvelles dispositions, mon enfant ! Exige mon père.Je hoche la tête, très émue. Je ne suis pas sûre de mériter toute cette affection paternelle, lui si valeureux, si honorable alors que j'enchaîne parfois les pensées troublées et assassines.«Passe à autre chose, un amour t'attend, il ne tient qu'à toi d'ouvrir ton esprit et ton cœur».Que veut-il dire ?Comme tous les grands maîtres, notre Sensei parle souvent de manière bien trop mystérieuse.

Sangs Eternels Forever - Tome 1: Le poids de l'héritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant