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- OK, déclara Eoghan, je pense parler au nom de tous ceux qui n'ont pas fait médecine : c'est quoi ce bordel avec ces chiffres ? C'est grave ? On va mourir ? J'ai raison ? Réponds à la dernière question en premier.

- Tu perds pas ton sens des priorités, cingla Tabatha qui essayait de cacher son angoisse derrière des piques.

Lillian ne répondit pas immédiatement, tendu. Il fit de nombreux trajets entre la machine et son ordinateur personnel. Il vérifia le numéro des dizaines de fois, juste pour s'assurer qu'il ne rêvait pas et semblait faire son maximum pour inquiéter les personnes autour de lui.

Après plusieurs minutes de spectacle, il soupira et plongea son visage dans ses mains. Tobin ne pouvait pas dire si c'était la nouvelle ou la fatigue qui l'assommait le plus. Ses yeux étaient si cernés qu'il aurait rendu jaloux un raton-laveur.

- Tu comptes nous dire ce qu'il y avait dans son sang ou tu veux qu'on te rejoigne pour pleurer ?

- Calme-toi, Eoghan, intervint la jeune femme.

Elle voulut s'approcher pour le prendre par les épaules mais il s'en dégagea avec brutalité.

Tobin n'aurait jamais pensé le ressentir, mais il avait peur d'un enfant de treize ans.

- Allez ! s'énerva-t-il sans raison apparente. Crache le morceau !

- De l'opium, annonça Lillian dans un souffle. Tobin a de l'opium dans le sang, et plein d'autres drogues, mais principalement de l'opium, et si ta théorie est juste on en a tous.

Tobin n'était pas un expert en matière de drogue - non, vraiment, il n'avait jamais rien testé de son plein gré, on l'avait assez rabâché avec des slogans du genre "La drogue, c'est mal.", il avait compris le message - mais dans ses souvenirs, toutes les phrases qui contenaient le mot "opium" n'étaient pas réjouissantes.

Le visage de Tabatha affirma ses hypothèses. La jeune femme était passée d'angoissée avec une touche d'espoir à dépitée dépressive.

- C'est vraiment si grave que ça ? s'étonna Eoghan.

- T'as jamais entendu parler de l'opium ? demanda Lillian.

- Je suis ici depuis que j'ai cinq ans, c'est Martello qui m'a fait mon éducation, je pense pas qu'on l'aurait laissé faire un cours de sciences pour m'expliquer "Regarde, tu vois ça c'est de l'opium, tu es drogué. Maintenant, récré !".

- J'adore quand tu parles, dit Tobin doucement.

- Un des symptômes de la consommation d'opium est le détachement émotionnel, expliqua Lillian très scientifiquement. Mais à mon avis, les créateurs ont simplement sélectionné un des aspects de l'opium et l'ont mélangé avec d'autres molécules qui donnent d'autres symptômes : l'altération du jugement du GHB et les effets euphorisants des amphétamines. Tout ça combiné dans une même drogue, jamais vue.

Les trois autres participants échangèrent des regards confus, pas sûrs d'avoir saisi tout le jargon scientifique de Lillian.

La seule conclusion que Tobin avait su tirer de la tirade de son ami était qu'un voyant rouge s'était allumé dans son cerveau et répétait "DROGUE. MAL. DROGUE. MAL." Ce n'était pas les meilleures pensées à avoir à cinq heures du matin.

- Ta machine t'a dit tout ça ? s'étonna Eoghan.

- Ma machine et mon cerveau, j'ai passé ma deuxième année de fac à étudier les effets des anciennes et nouvelles drogues sur l'homme.

Tobin aurait voulu intervenir, mais il n'arrivait pas à parler. Il paniquait. Jusque là, il n'avait pas été mal à l'aise avec son corps. Désormais qu'on le mettait devant le fait accompli, il avait l'impression d'avoir un parasite, un intrus à l'intérieur de lui.

ELITWhere stories live. Discover now