Chapitre 1

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300 ans après l'Âge de la peur

— Sand ! tonna une voix grave dans mon oreille.

Je fis mine de ne pas l'entendre et gardai mon regard fixé devant moi. Je n'avais clairement pas envie qu'il me tombe dessus. Pour une fois que je me tenais à carreau et que je ne faisais pas d'esclandre... Ne pouvait-il pas me laisser tranquille ?

Sa voix résonna à nouveau dans mon oreille. Mes poings se serrèrent par réflexe, mais je gardai ma bouche résolument fermée, le regard fuyant.

— Bon sang, Sand ! Tu m'écoutes lorsque je te parle !

Il pénétra dans mon espace vital, me mettant mal à l'aise. Son odeur corporelle surmontée par une dose d'eau de Cologne emplit mon nez. Mon ventre se noua et la nausée me gagna. Je détestai déjà que quelqu'un soit trop proche de moi, mais alors cette odeur était le summum du malaise.

Je soupirai et me retournai enfin vers mon interlocuteur. Si ça pouvait m'aider à l'éloigner plus rapidement de moi, j'étais prête à faire cet effort.

Mes yeux gris heurtèrent ceux de mon chef de catégorie qui avait viré au carmin. Je baissai mon regard vers lui et je le vis fulminer de plus belle. Son crâne brillait de mille feux parsemés par une nuée de perles de sueur. L'homme avait bombé le torse, faisant un peu plus ressortir son ventre bedonnant.

Je remarquai qu'il se tenait à moins d'un mètre de moi et ça renforça mon mal-être. Prise d'une envie de le fuir, je reculai de deux pas, lui imposant une nouvelle distance de sécurité entre nous. Il était hors de question que cet homme m'approche de plus près.

Par réflexe, je pinçai ma peau entre le pouce et l'index en effectuant de légères rotations. J'avais entendu dire que l'acupression dans cette zone permettait de calmer les angoisses. Il était temps de voir si la mise en pratique avait un réel effet.

Je le regardais attentivement, cherchant dans son regard une explication. J'avais l'habitude de le voir en colère contre moi. Après tout, je le cherchai bien la plupart du temps. Cependant, je ne comprenais pas la raison pour laquelle il m'avait dans le collimateur aujourd'hui. Bon d'accord, je n'étais pas la plus attentive du groupe, mais au moins je n'intervenais pas...

— Ça te tuerait pour une fois d'être un peu attentive, me foudroya-t-il.

Mon corps se tendit. Je pinçai ma chair plus fort. Je n'avais pas l'impression que ce remède de grand-mère était très efficace.

Une série d'insultes me vint à l'esprit, toutes plus venimeuses les unes que les autres. J'eus une envie folle de les lui balancer, juste pour voir son visage se décomposer, mais je me retins.

La direction m'avait prévenue que si je jouai encore les dures à cuire, elle saurait comment s'occuper de moi. Non pas que l'idée de quitter cette école me dérangerait, mais les retombées à la maison seraient plus compliquées à gérer.

Je pris sur moi et lui offris le sourire le plus contrit que mon corps le permit. Ce fut au tour du chef de catégorie de soupirer cette fois-ci. Il tira de sa poche un mouchoir en tissu qu'il tamponna sur son crâne lisse.

Je tournai le regard, faisant mine de m'intéresser un tant soit peu à mon environnement, mais l'homme ne l'entendit pas de cette oreille.

Une main boudinée se referma sur mon poignet et me tira vers l'avant. Sa poigne était tellement serrée que mon SyCeS me cisailla la peau. S'il continuait comme ça, il me le casserait et je finirais avec une plaie ouverte. Les SyCeS étaient certes conçus pour ne pas être intrusifs ou dangereux pour leur détenteur, mais ce n'était pas pour autant qu'il ne pouvait pas blesser dans certaines situations.

La Plume mécanique - tome 1Where stories live. Discover now