Chapitre 3

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Il ne s'arrêtera jamais de parler ! J'avais l'impression que plusieurs heures s'étaient déjà écoulées.

Notre petit attroupement avait entretemps migré dans une salle assez grande pour accueillir une centaine de personnes au moins. Tout autour de nous, trônaient fièrement différentes inventions sur leur piédestal.

Par réflexe, en entrant, j'avais vérifié l'emplacement de chaque sortie possible. Il y en avait trois au total. Je m'étais quelque peu éloignée du groupe et malgré ça, je me sentais toujours oppressée. La taille de la pièce m'aurait suffi en temps normal, mais l'agglutinement des étudiants autour du gérant me stressait.

Un petit coup d'œil à mon SyCeS me confirma rapidement que mon corps luttait pour ne pas céder à la panique.

Buckle Featherstone se tenait devant une des inventions exposées. D'où j'étais, j'avais une vue de choix sur l'homme et la machine. Le grand patron parlait d'elle depuis une bonne dizaine de minutes, les yeux brillant de fierté. Il n'y avait aucun doute là-dessus, cette innovation était spéciale pour le dirigeant. De ce que je me souvenais, son développement avait permis à son arrière-grand-père de fonder un empire indétrônable. Si encore aujourd'hui les Industries Featherstone étaient les leaders sur le marché, c'était bien grâce à cette invention-là.

Sous la paroi vitrée siégeait une sorte de cloche à vide, ornée de divers symboles en or massif. J'avais beau avoir étudié cette découverte des dizaines de fois, j'avais du mal à imaginer qu'elle avait révolutionné la médecine. Parfois, je me plaisais même à croire que cette innovation n'était qu'un simple mirage et qu'il n'y avait rien de concret derrière. Ça ne m'aurait pas étonnée.

La cloche était accompagnée d'un système mécanique, suivi d'une multitude de circuits électroniques, qui lui était relié par le biais de câbles de faible section en cuivre. Ceux-ci entraient dans la cloche en verre par plusieurs interstices cachés par le dispositif. Ces fils étaient ensuite placés de part et d'autre d'un cerveau humain reconstitué pour l'occasion grâce à l'impression en trois dimensions.

Au premier abord, ce mécanisme pouvait faire peur avec tous ces câbles traversant dans tous les sens, ce cerveau plus vrai que nature... Puis, en y regardant de plus près, elle attisait la curiosité. On pouvait y voir toute la minutie dont ses développeurs avaient dû faire preuve pour produire un tel dispositif. C'était comme de l'orfèvrerie ou du marketing pur et dur.

Selon Featherstone, ce système était plus innovant que la machine à vapeur de James Watt, plus incroyable que la pile électrique de Volta ou encore du vol en avion des frères Wright lors de la révolution industrielle. Même les plus importantes découvertes datant de plus de trois générations ne parvenaient pas à égaler ce mécanisme. Il aurait sauvé des centaines de vies et arrivait à en faire vivre des centaines d'autres maintenant.

Lassée, je détournai mon attention de l'objet pour observer un peu plus le grand patron. Ce n'était pas tous les jours qu'il était possible de le voir en chair et en os. Buckle Featherstone était apparemment quelqu'un de très occupé. De ce que j'avais appris, il laissait ses équipes se consacrer à la recherche et au développement, tandis que lui s'intéressait aux investisseurs et aux futurs salariés. Nous n'étions que de la chair fraiche pour lui.

Son rôle n'avait pas été choisi au hasard. Buckle Featherstone maîtrisait l'art de la parole, surtout face à un jeune public. Il savait quel mot employer pour que son discours soit le plus percutant possible, et ce, tout en gardant un peu de suspens. Ce qui était ridicule, car tout le monde connaissait cette histoire. Depuis notre plus jeune âge, elle nous était contée par nos parents, nos grands-parents, à l'école...

Où que nous nous rendions, tout nous rappelait celui grâce à qui nous avions pu grandir des erreurs passées et faire avancer notre futur. Ça, c'était dans la théorie. Dans la pratique, les informations grappillées au cours des années m'avaient convaincue que ce n'était qu'un abrutissement par segmentation des connaissances de chacun. Le gouvernement jouant le rôle parfait de pare-feu entre les citoyens et le savoir, l'équation était idéale. L'État prodiguait assez de savoirs pour endormir les habitants en leur faisant avaler qu'ils avaient un libre arbitre, tout en contrôlant le flux de connaissance qu'ils acquéraient.

La Plume mécanique - tome 1Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin