chapitre seize

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LORSQUE HELLA PAPILLONNE des yeux en ce vendredi matin, les larmes lui montent aussitôt.

Le jour est venu. Le jour tant redouté.

Des bras viennent l'emprisonner et la finlandaise soupire d'aise. Une dernière fois. Un dernier réveil. Un dernier profit. Un dernier baiser déposé avec douceur sur son épaule.

Hella se retourne pour faire face au rouennais. Elle pose avec amertume ses mains sur ses joues comme pour encrer son visage dans sa mémoire.

Pierre sourit grandement avant de se lever. Son avion est dans un peu plus de deux heures, il rentre à Rouen, voir sa famille avant de retourner sur les routes, sur les circuits.

Là où sa vie prend sens.

Le pilote rejoint la salle de bain et agrippe le lavabo. Ces quinze jours sont passés à une vitesse folle.

Finalement, son désir de voir sa vie ralentir un peu n'a pas été forcément respecté. Mais jamais, ô grand jamais, il n'a regretté rencontrer Hella.

Hella douceur, Hella solaire, Hella divine.

Pierre charmeur, Pierre terreur, Pierre pleurs.

Des petites mains le sortent de sa stupeur, de son monde. Une dernière douche partagée avec tendresse, avec rires, avec passion. Un résumé parfait de ce qu'ils ont vécu tous deux en ce mois d'août.

Par chance, Hella ne travaille pas aujourd'hui. Coup du destin sûrement. Elle pourra déprimer avec tranquillité dans son appartement une fois que le français sera parti.

Hella souffre en l'observant mettre ses affaires dans le coffre de la voiture. Elle ne le suit pas jusque l'aéroport. Tellement de rumeurs ont tourné ces derniers jours qu'aucun ne souhaite prendre plus de risques.

Un mois d'août qui est un souvenir commun, qui leur appartient. Il n'appartient à personne d'autre que les deux amants.

S'attirant comme des aimants.

- Il faut que j'y aille, sourit tristement le normand en fermant la porte de cette maison à clefs. Il doit passer chez le propriétaire avant de prendre la route pour l'aéroport.

- Je sais. Je... ça va être bizarre d'être ici sans te voir.

- Quand est-ce que tu rentres à Helsinki ?

- Début septembre, tu seras sûrement loin.

- Aux Pays-Bas, pas si lointain finalement.

Ils se sourient mutuellement, ne sachant que dire de plus. Les au-revoir sont toujours difficiles, douloureux, les mots ne viennent pas tant les maux sont lourds.

Hella se sent ridicule, alors qu'une larme solitaire qu'elle s'empresse d'essuyer frénétiquement dévale sa joue. Cela n'a pas manqué au châtain qui ne lui offre qu'une grimace.

- C'est stupide de pleurer pour si peu, elle rigole amèrement en croisant ses bras contre sa poitrine, fixant ses pieds devenus intéressants, soudainement.

- Merci pour ces quinze jours Hella. Le restant de ma vie ne sera jamais assez pour te remercier, je ne sais pas si tu te rends compte. Je t'ai avoué des choses... qui m'ont fait mal, et cela faisait des années que je n'avais pas ressenti un calme en moi.

Les sanglots de la blonde prennent place à travers la brise de fin d'été. Les frissons parcourent leurs corps qui se rencontrent une énième fois, peut-être la dernière. Pierre dépose un baiser sur son front, synonyme de tout ce qui s'est déroulé durant ces jours hors du temps.

- Est-ce qu'on se reverra après tout ça ?

- Je t'appellerai. convient-il en mettant son sac à dos sur une de ses épaules. Je dois partir Hella.

- Je sais. Je sais...

Attiré inexorablement par son être tout entier, elle vient sceller leurs lèvres une dernière fois, profitant de chaque parcelles de leur peau qui se frôlent dans cette énième danse endiablée dont tous deux s'exaltent avant de se détacher, frustrés que cela se termine ainsi.

Pierre se perd dans ses prunelles bleutées, et tous leurs souvenirs repassent en boucle dans sa tête comme un film. Ils ont été heureux. Tellement innocents.

Comme si lui venait d'avoir dix-huit ans.

Hella lui a fait redécouvrir toute la beauté du monde qui lui a échappé, pour avoir voulu grandir trop vite. Les séquelles encore présentes sont des plaies ouvertes qui ne cicatrisent pas. Qui n'ont jamais cicatrisé.

Puis il part sans se retourner. Ne sachant s'il allait résister à la tentation, à l'appel de son corps dont il est ivre si jamais il venait à recroiser ses iris azur.

Pierre s'assoit au volant de sa voiture, prend une grande inspiration, et démarre. Les larmes dévalent abondamment ses joues. Une des raisons pour lesquelles il n'a pas souhaité se retourner après ce baiser échangé auparavant.

Les nuages avaient frappé son cœur et ses yeux ont trahi son état d'âme.

Tellement effrayé par lui-même. Quand on dit que notre plus grand ennemi est si proche, ce n'est pas un hasard.

Jouer à l'homme parfait est difficile parfois.

Pourtant lorsqu'il fixait les prunelles de la douce Hella, il se sentait si hypocrite. Si idiot. Même s'il donnerait n'importe quoi pour sentir sa tête posée sur sa poitrine alors qu'il passait une main dans ses cheveux.

Elle l'a dans la peau, inlassablement. Lui ne fait que l'effleurer de la paume de sa main. Dans son cœur ? Le déferlement. Ouragan de pensées funestes.

Peut-être parce qu'au fond de lui, il savait.

Qu'il ne la reverrait jamais.

□□□

Hella fixe son plafond depuis des heures. Pierre ne lui a toujours pas envoyé de messages. Peut-être est-il occupé par sa famille, après tout cela fait longtemps qu'ils ne se sont pas vus après ces vacances prolongés pour la belle blonde qui a partagé sa vie durant quinze jours.

La jeune femme s'était promis de ne pas tomber amoureuse si bêtement après s'être faite avoir tellement de fois par des hommes bien trop intelligents face à elle, bien trop naïve.

Pourtant, le pilote a su déjouer ses plans avec une facilité déconcertante. Tellement déconcertante que la finlandaise s'est même une fois demandée si tout cela était bien réel.

Ou bien tout n'est que songe.

Tellement l'idylle est belle.

Divine idylle.

Divine amour.

Risible amour.

Pierre a emporté dans sa valise tous leurs souvenirs. Le vide laissé est douloureux mais il fallait s'y préparer. Il fallait y songer.

Qu'août est pratiquemment terminé et que rien ne sera plus comme avant.

□□□

il reste donc un chapitre avant l'épilogue, voici mon cadeau de noël, j'espère qu'il vous plaît ;)
joyeux réveillon à ceux qui le fêtent !

<3 <3

-alcools

𝐀𝐔𝐆𝐔𝐒𝐓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant