Chapitre 5 - partie 2 -James-Karl

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Je suis en route pour rejoindre Virgil à son atelier. Nous revenons tout juste de notre sortie en forêt pour le totem de Billy. Il a déniché une magnifique opale irisée en bord de falaise. Il nous a fait chercher longtemps, mais peu importe, le jeune loup était ravi. Nous avons traqué quelques lièvres et mouflons sur le chemin du retour. Bien entendu, nous ne les avons pas tués. Nous ne tuons pas quand ce n'est pas nécessaire.

"Est-ce bien mieux de jouer avec la nourriture ?"

Je lève les yeux au ciel et regarde Yann gâter Automne de myrtilles. On les a cueillies sur le chemin. C'est une vraie friandise pour les loups. Awu n'en raffole pas, mais tant mieux, ça en fait plus pour moi. Je siffle entre mes dents pour attirer son attention. Sa fourrure noire est pleine de poussière car il s'est roulé dans la terre et s'est frotté sur les arbres. Enfin, a pissé sur les arbres.

Nous devons être prudents désormais. Cet humain est maintenant un jeune lycan et il est possible que les siens soient à sa recherche. Yann va mener quelques chasseurs sur les bords du lac Ilman pour vérifier qu'aucune de ses affaires ne reste dans la nature. Il devra ensuite se débarrasser de ses vêtements dans la rivière au nord du Mont Roé. Cela donnera l'impression que l'humain s'est retrouvé piégé par la nuit et qu'il a péri en se noyant dans l'eau.

Ce ne serait pas la première fois.

Les humains pensent qu'ils sont invincibles. Ils sont égocentriques et n'apprennent jamais de leurs erreurs. Je les déteste. J'aurais mené la mission moi-même si je ne devais pas garder un oeil sur le nouvel arrivé. Ça ne me met pas en joie. Awu couine à mes côtés et je baisse la tête vers lui.

— Pourquoi faut-il que tu te sois entiché de lui ? vilipendé-je à mon loup.

Il fait claquer sa mâchoire et je secoue la tête.

— Tss ! Stupide humain.

— JK ! m'apostrophe Yann. Tu te joins à nous ce soir ?

Automne s'approche et son joli pelage brun jure avec sa gueule tachetée de rouge bordeaux. Je caresse le flanc de la louve tout en levant les yeux vers Yann.

— Je dois aller réparer le toit de la matriarche des Omégas. Une fuite apparemment.
— Quelqu'un d'autre ne peut pas y aller ?

Je soupire.

— Si, mais tu sais ce que c'est. Elle va tout faire pour me garder pour le thé... Corvée de futur PackAlpha.

Yann s'esclaffe.

— C'est vrai, je voudrais pas être à ta place, ironise-t-il. Tant d'Omégas à tes pieds qui souhaitent passer leurs chaleurs avec toi.
— T'es chiant, Yann.
— Automne, tu l'entends ? Il va nous faire pleurer.

La louve jappe de joie et Awu se joint à la partie.

Je suis un incompris.

"Pauvre James-Karl."

— Trêve de plaisanteries. J'ai parlé avec les gars et nous partons dans deux jours pour effacer les traces d'Étann.
— Étann... C'est le prénom de l'humain ?
— Tu ne connais même pas son nom ? s'étonne Yann. Il va bientôt faire partie de notre unité quand même.
— Ça ne m'intéresse pas. Pourquoi ne partez-vous pas demain ?
— Ilan voulait que je sois là avec Automne quand il amènera Étann en forêt.
— Yaël ira à ta place. Il est l'apprenti guérisseur, ce sera bien assez suffisant. Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre plus de temps.
— Comme tu veux, JK. Je vais prévenir tout le monde et tenir au courant Zaya.
— Bien.
— Tiens-toi à l'ombre mon ami, qu'au soleil grillent les neurones.

Je grogne en le regardant s'éloigner.

Qu'est-ce qu'ils ont tous avec cet humain ?

Virgil n'est pas présent lorsque j'arrive à son atelier et je décide de pousser jusqu'à la rivière. Je vais prendre un bain rapide avant de rejoindre le village. Ce soir, Zaya va faire l'annonce officielle du nouveau chasseur de la meute Roé. Tchk !

Il ne tiendra pas plus de deux jours dans l'unité. C'est sûr.

Je me débarrasse de mon pantalon et ne tarde pas à entrer dans l'eau claire. Sa fraîcheur détend mes muscles après cette journée sous le soleil brûlant. Je suis crade de sueur après notre périple à travers montagnes et forêts.

Un léger couinement m'échappe alors que je dégage mes cheveux mouillés vers l'arrière. Ma peau commence déjà à bronzer avec les journées qui s'allongent en cette saison. Awu s'ébroue devant moi et renifle vers l'est. Il s'avance vers la lisière de la forêt, le museau traçant le sol jusqu'au pied d'un vieux pin.

Mes yeux s'écarquillent puis je plisse le front.

Mon loup fait sortir sa proie de sa cachette et je suis désagréablement surpris de voir le fameux Étann planté devant moi. Il a l'air gêné de s'être fait prendre.

— Toi...

Je l'examine avec attention. On remarque facilement qu'il est en pleine transition. Ses joues sont creusées et ses mâchoires ont doublées de volume. Je ne les voie pas, mais je suis persuadé que ses canines se sont acérées également. Il doit toujours être dans un état fiévreux à la vue des rougeurs sur ses joues. Ce qui me surprend, c'est que je n'ai pas discerné sa présence avant. Je n'ai pas senti son odeur. Il n'en a tout bonnement pas. C'est étrange.

Le concerné regarde autour de lui, visiblement pas à l'aise.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? grondé-je.
— Rien. Je ne fais rien.

Je le toise avec méfiance.

— Je croyais que tu ne devais pas sortir avant demain. Qui t'a autorisé à le faire ?
— Lucy. Elle m'a conseillé d'aller prendre l'air. Je tournais en rond et...
— Est-ce que j'ai l'air d'être le genre à écouter déblatérer les demeurés ?

Ses sourcils se froncent et il me fixe quelques secondes avant de déclarer d'une voix plus dure :

— Tu m'as posé une question, je réponds.

Un frisson me traverse et je sors de l'eau pour récupérer mes vêtements. Je les enfile sans attendre de sécher.

— Si tu t'ennuies, rends-toi utile et va aider en cuisine.

Je le dépasse et ce n'est que lorsque j'atteins le premier arbre qu'un chuchotement m'arrive aux oreilles.

— Connard.

— J'ai entendu, déclaré-je avec force alors qu'il se crispe derrière moi.

Murmurer pour lui-même alors qu'il est en présence d'un lycan. Tss...

C'est bien ce que je disais... stupide.

D'OR ET DE JAIS - Tome 2 en 2024Where stories live. Discover now