1. La bascule

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Notes aux lecteurs : je recherche le partage, la confrontation d'idées et les avis. Alors n'hésitez pas à commenter (quelque soit votre avis du moment qu'il est constructif et bienveillant) cela m'aidera grandement à peaufiner le récit.

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Bonne lecture 📖 et d'avance merci !

Sonia
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Allongée sur mon lit d'hôpital, j'entends le tic-tac incessant d'une horloge dans ma tête. Tout est triste dans cette chambre surchauffée, d'une sobriété à vous flanquer le cafard. Les murs blancs, la peinture écaillée, les sols abimés, tout est fade. Un rafraîchissement ne serait pas du luxe.

Je manque d'étouffer. Je m'approche de la fenêtre ouverte pour remplir mes poumons de l'air frais et pur de fin d'hiver.

Cela fait des semaines que je crains le verdict. Je ferme les yeux en songeant à ma tendre enfance, douce et heureuse, avec l'envie de remonter le temps pour redevenir la petite fille que j'étais. Vivre ici et maintenant, dans une existence faite de joie et d'amour, sans savoir que la mort fait partie intégrante de la vie, telle une épée de Damoclès permanente au-dessus de nos têtes.

Les larmes me submergent lorsque je songe à mon fils, Tiago, et la peur me saisit à l'idée de l'imaginer sans moi. Je demeure dans l'incertitude depuis trop longtemps, avec l'angoisse viscérale de lui faire vivre ce que tout enfant redoute le plus : la perte d'un parent. Je tente de chasser ces idées en plongeant mon regard dans les nuages parsemant le ciel, seule échappatoire.

Je m'appelle Delfine, je suis infirmière, j'ai 30 ans et ma vie est sur le point de basculer.

Je n'imaginais pas me retrouver à cette place, entre ces murs. J'ai choisi d'aider les autres, pas l'inverse. Les journées de boulot me rendaient heureuse et me motivait à sortir de mon lit le matin. Devenir infirmière était un rêve de petite fille, mais la patiente fragile que je suis devenue m'est insupportable Le regard des autres et ma passivité me dépriment.

Je travaille en tant qu'infirmière en pédiatrie, dans ce même hôpital, un étage au-dessus. Enfin, je travaillais. Depuis mon hospitalisation, je ne parviens pas à m'empêcher de scruter, méfiante, les faits et gestes des soignants autour de moi. Je vérifie chaque détail, chaque soin ; une surveillance subtile comme un formateur infirmier qui observe un étudiant en cours de travaux pratiques. Je me retiens pour ne pas consulter mon dossier médical dans le poste de soin et lutte difficilement contre l'envie de vérifier les ordonnances ou de lire les transmissions écrites me concernant.

Je me contente d'attendre, encore et toujours. Une longue et intenable attente, dans le silence, et l'indifférence. Je pense à tous les petits patients dont je m'occupe habituellement, eux-aussi attendant des heures avec leurs parents dans l'incertitude et la peur.

Je n'ai qu'une envie : fuir, loin d'ici. Quitter mon travail et m'éloigner de mes collègues, ne pas savoir, ne pas être vue et vite retrouver mon fils. Je menais jusqu'à ces dernières semaines, une existence plutôt banale, heureuse et paisible. Une vie de femme mariée et mère de famille, dévouée au service public hospitalier. Mais, voilà que cet équilibre est menacé. Je me suis gardée de partager avec mon entourage ma conviction profonde selon laquelle la maladie ronge mon corps. A bien y réfléchir, les examens complémentaires ne devraient que confirmer les symptômes cliniques ; analyse hypothético-déductive, disaient les formatrices. Le raisonnement clinique enseigné en institut de formation en soins infirmiers a certainement porté ses fruits. Je frissonne, mes poils se dressent sur ma peau, ma respiration s'accélère, j'ai le sentiment que la mort se rapproche de moi.

Les falaises ocreWhere stories live. Discover now