Chap 25 : pdv Auréa (passé)

59 18 18
                                    

   La fillette scruta la dame âgée qui lui tournait le dos.

Étrangement, sa présence la rassurait. Même si Edwige n'était pas particulièrement chaleureuse ni maternelle à son égard, cela lui était bien égal. Elle avait de la compagnie. Et ça, c'était vraiment précieux à ses yeux. 

Peut-être aurait-elle enfin une vraie amie ? 

Peu importait son âge et son caractère, tout ce que souhaitait Auréa, c'était avoir une meilleure amie, une vraie. Pas une vilaine peste qui ferait semblant de l'aimer quelque temps puis la ferait souffrir sans raison quelques mois plus tard.

-Tu ne lis pas ? finit par demander Edwige.

Auréa baissa la tête pour fixer avec application le passage qu'elle s'apprêtait à déchiffrer.

-Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi qu'un petit garçon sem... semblable à cent ... mille petits garçons. Et je n'ai pas be...besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un re...renard semblable à cent mille... renards. Mais, si tu m'appri...voises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde.

Après avoir trébuché sur plusieurs mots, Auréa se sentit soulagée de finir l'une de ces phrases compliquées qui n'avaient pas toujours de sens à ses yeux, surtout lorsqu'elle en était la lectrice.

Elle posa le regard sur le visage contrarié de madame Edwige. Celle-ci fronçait les sourcils et hochait la tête de droite à gauche.

-Et bien ? Ce n'est pas trop tôt ! Tu n'es pas une flèche en lecture !

Auréa se mit à rougir, incapable de soutenir l'œil réprobateur de son auditrice.

-Quel âge as-tu ?

-8 ans.

-Je ne sais pas quoi te dire, Auréa. Mais...

Elle stoppa net son commentaire lorsqu'elle plongea dans le regard de la petite fille. Celle-ci était anéantie, totalement consciente de son incompétence. L'enfant était démoralisé de ne pas parvenir à lire comme tous les autres enfants de sa classe.

Edwige ne finit pas sa phrase et resta silencieuse un long moment.

-Je ne serai pas vexée si tu ne reviens pas me voir demain, finit-elle par dire, bouleversée d'avoir blessé cette petite qui ne méritait pas d'être accablée davantage.

-Je reviendrai, répondit la fillette.

-Vraiment ?

-Oui, je reviendrai demain.

-Pourquoi revenir me voir alors que je ne suis pas d'une compagnie très agréable ?

Auréa la dévisagea, comme si curieusement elle la perçait à jour. La fillette n'était pas comme les autres, elle paraissait discerner ce qu'Edwige espérait dissimuler.

-Parce que je connais ce regard...

-Quel regard ? demanda Edwige, intriguée. Les prunelles foncées de la petite la fixaient sans ciller.

-Celui que vous avez à l'instant.

-Je ne comprends pas. De quoi parles-tu ?

-C'est le regard de la souffrance et de la frustration. En fait, je pourrais avoir exactement le même regard que vous, mais c'est le genre de regard que je ne veux jamais renvoyer.

Edwige resta muette. Elle ne trouva rien à rétorquer à Auréa. 

Et cela faisait très longtemps que cela ne lui était pas arrivé.

Plus jamais seuls (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant