Romain 1

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Il faut bien avouer que ma semaine n'est pas très chargée. C'est normal, sans doute, je viens à peine de commencer mon activité. Mes potes ont créé un super site Internet, enfin ils l'ont fait créer par un webdesigner. Rien de bien extraordinaire, c'est une page de présentation et une pour prendre les rendez-vous. Il faudrait en faire la pub, mais c'est assez difficile. Les gens ne vont quand même pas liker un thérapeute qui fait sa promotion. Cliquer sur un j'aime pour ce genre de publication c'est comme révéler au monde entier qu'on est intéressé, qu'on a besoin d'aide pour résoudre un problème psychologique. Donc, la stratégie est de ne faire aucune promotion, partant du principe que ceux qui, habitant dans le secteur, voudront un thérapeute, tomberont sur ma page, elle est bien référencée. Et elle a été calibrée pour faire comprendre, sans le dire ouvertement, que je ne veux que des patients, pas des patientes. Je ne me sens pas encore de taille à aider les femmes, j'aurais du mal à comprendre leurs problèmes, je pense. C'est peut-être idiot, mais j'ai déjà eu du mal à aider mes deux premiers patients... Il faut que je commence doucement. Je n'ai aucun diplôme dans le domaine de la thérapie, ma seule qualification est d'avoir aidé des amis...

Ce jeudi, je n'ai qu'un rendez-vous pour toute la journée. Ce n'est pas comme ça que je vais faire de l'argent. Parce qu'il faut aussi que je pense à cette partie. C'est beau de vouloir aider les autres, seulement il faut aussi que je puisse me dégager un salaire. Je ne touche même pas le chômage, puisque j'ai démissionné. J'ai un peu d'argent de côté et mes potes m'aident, mais il faut que je fasse mes preuves.

– Bonjour, entrez, je vous sers un thé ou un café ?

Ce patient n'a donné que son prénom : Romain. Lors de la prise de rendez-vous je n'oblige pas à livrer plus de détails, il faut créer une atmosphère de confiance dès le départ.

– Dites-moi, qu'est-ce qui vous amène ?

Il faudra que je trouve une entrée en matière plus diplomate, je ne sais pas encore comment lancer la conversation.

– Je suis avec mon copain depuis sept ans.

– Votre relation se passe bien ?

– Oui.

Ah, une réponse fermée, le genre de truc qui ne m'aide pas du tout. Je préfère pouvoir rebondir sur ce que me répond le patient que d'essayer de trouver des questions pertinentes.

– Comment vous êtes-vous rencontrés ?

– Lors d'une soirée entre amis. C'était un guet-apens.

– Comment ça ?

– Ce genre de soirée durant laquelle les potes invitent un nouveau mec en espérant former un couple. Je crois qu'ils désespéraient de me voir seul.

Tiens, intéressant, je n'y avais jamais pensé mais je crois que mes amis ont souvent tenté ce genre de chose avec moi, pour que j'arrête d'être célibataire !

– On dirait que ça a fonctionné.

– Il y a eu un truc tout de suite, dès que je l'ai vu. On peut dire que cette fois-ci ils ont visé juste.

– Une belle histoire.

– Oui.

Cette réponse fermée, c'est ma faute, je n'ai pas vraiment posé de question. Tant que nous ne sommes pas arrivés au cœur du sujet, à la véritable raison de la venue du patient, je ne sais pas vraiment quoi dire.

– Vous habitez ensemble ?

– Depuis cinq ans. Il a quand même fallu un peu de temps pour qu'on franchisse le pas.

– C'est une grande étape.

– Oui, mais soudain ça nous a paru logique. Vu que je passais tout mon temps dans son appartement...

HadrienWhere stories live. Discover now