Sylvain 2

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Je suis assez anxieux alors que Sylvain, mon troisième patient, revient me voir pour sa deuxième séance. C'est un cas très compliqué et durant la semaine, j'ai essayé de trouver une solution pour lui. Mes recherches consistent d'abord à aller sur Internet, pour vérifier ce qui est dit. Mais ensuite, je me tourne vers les livres. Ces derniers temps, j'ai acheté beaucoup de bouquins, parce qu'il faut que je me forme, pour devenir un meilleur thérapeute. Et il y a de quoi faire dans le rayon psychologie, psychanalyse, estime de soi, comment mener une discussion, inspirer la confiance... Je passe des heures à bouquiner, pour m'améliorer et, chaque jour, j'en apprends énormément.

– Voilà votre café.

Sans sucre pour ce patient. C'est une bonne technique d'apprendre leurs habitudes, une manière de montrer que je les écoute, que je retiens ce qu'ils disent.

– Vous avez pu réfléchir pendant cette semaine ?

– Euh, oui, j'espère que vous aussi, Sylvain.

– J'avoue que ça m'a fait du bien de vous parler. Je me suis posé plein de questions. J'ai même essayé de me couper des réseaux, de ne pas me montrer en cam, mais je n'y arrive pas. J'ai l'impression d'avoir un public, qui réclame du nouveau contenu, en permanence, et je veux leur faire plaisir.

– Intéressant. Avec ces vidéos et ces directs, vous prenez du plaisir ou vous en donnez ? Qu'est-ce qui vous pousse réellement à vous exhiber sur le Net ?

– Au début, c'était du plaisir, assez intense. Je crois que j'ai été encouragé par les compliments, sur mon corps et sur mon sexe. Et puis, le faire devant sa cam, sachant que des mecs me regardent et sont excités, c'est tellement bon.

– Je sais.

– Vous l'avez fait aussi ?

– Il y a longtemps, durant l'adolescence. Bon, il n'y avait pas encore tous ces sites et toutes ces applications, moi c'était uniquement sur Skype.

– Pourquoi vous le faisiez ?

– Comme vous l'avez dit, c'est encore plus excitant de se montrer, de savoir que d'autres prennent leur pied en même temps. Dans le cas de Skype, c'est souvent uniquement à deux.

– Mais on peut créer des groupes.

– J'ai tenté aussi.

– Pourquoi avez-vous arrêté ?

Mince, c'est le patient qui est en train d'orienter la conversation, et il pose une très bonne question. J'ai arrêté ce genre de chose du jour au lendemain, mais je ne me suis jamais demandé pourquoi. Avant de faire des recherches sur Internet, j'aurais dû questionner ma propre expérience.

– Vous étiez en couple ?

– Quand j'ai arrêté ? Non. Une amie a moi faisait aussi des choses devant sa cam, sur Skype, mais quelqu'un a enregistré la vidéo.

– Pour pouvoir la faire chanter.

– Oui. Une expérience traumatisante, pour elle bien sûr, mais pour nous aussi, ses amis. On ne savait vraiment pas comment l'aider. Un type avait le pouvoir de la détruire.

– Elle s'en est bien sortie ?

– En fait, on a découvert que c'était son ex qui, à l'aide d'un pseudonyme, avait réussi à la piéger.

– Vous avez formé une expédition punitive ?

– Non, ce n'était pas notre genre. Elle est allée porter plainte. Généralement ce genre de chose ne fonctionne pas, sauf lorsqu'on peut donner un nom aux policiers. Il a été convoqué au commissariat et tout s'est terminé.

HadrienWhere stories live. Discover now