Nicolas 2

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Mon tout premier patient revient, pour une deuxième séance. Je suis à la fois content et rassuré. Durant ma première semaine, je me suis trouvé assez nul. Si mes potes ont raison en disant que je sais écouter, voire que j'attire les confidences, pour ce qui est de la partie conseils je dois m'améliorer, et rapidement. Car désormais, j'ai le devenir de mes patients entre les mains, c'est une grande responsabilité. Le genre de responsabilité à laquelle on ne pense pas quand on donne des conseils à des amis. Simplement parce qu'on est proche d'eux, qu'on peut les voir tous les jours, qu'on peut les soutenir à tout moment, dès que quelque chose ne va pas. Là, j'ai donné un conseil à Nicolas et je ne sais pas ce qui est arrivé pendant une semaine.

– Un café, comme la dernière fois ?

– Oui, merci.

Pendant la préparation, il s'installe, attendant que je vienne prendre place dans le fauteuil en face du sien.

– Avez-vous pu faire ce que je vous ai demandé ?

– Non.

Mince, j'ai échoué. Tiens, c'est intéressant, ma première réaction n'est pas de me dire que le patient a échoué, mais que c'est moi qui me suis trompé. Aurais-je donné un mauvais conseil ?

– Vous n'avez pas parlé à François ?

– Je ne peux pas.

– Qu'est-ce qui vous bloque ?

– Je suis habitué à être isolé. Depuis des années, je suis exclu. Enfin je veux dire, les autres ne viennent pas vers moi, je n'ai pas vraiment de pote, je ne participe à aucune activité.

– Quel genre d'activité ?

– Je sais que les autres se retrouvent souvent dans un café, après les cours. Ou même qu'ils organisent des fêtes. Je ne suis jamais invité.

– Vous aimeriez participer ?

– Évidemment !

Je prends une gorgée de mon café, encore brûlant, ce n'est pas une excellente idée.

– Pourquoi y a-t-il cette sorte de rejet ?

– Je vous l'ai dit la dernière fois ! Vous devriez prendre des notes.

– Bien sûr, il y a le fait qu'on vous critique à longueur de temps, principalement sur votre poids. Et ça a commencé il y a longtemps, de ce que j'ai compris.

– Je ne me souviens pas ne pas avoir attiré les critiques.

– Vous n'avez jamais pensé à, je ne sais pas, perdre du poids ?

Oui, je suis brutal, mais c'est fait exprès. J'ai un peu réfléchi à son cas.

– Parce que c'est à moi de changer ?

– Je ne sais pas, vous pensez que les choses seraient différentes si vous étiez, disons, taillé comme ce François ?

Que je ne connais pas, mais d'après les vagues descriptions faites par mon patient il doit être bien foutu et mignon.

– Évidemment que ce serait plus simple. J'aurais plus d'assurance et les autres auraient envie de venir vers moi.

– Vous seriez populaire.

– Je n'ai pas envie d'aller jusque-là. Je me contenterais d'avoir des potes et de ne pas être traité de porcinet toute la journée !

– Donc, vous n'avez jamais essayé de perdre du poids.

– Si, mais ça n'a jamais rien donné.

– Vous n'avez pas fait assez d'efforts ?

– Euh, votre rôle est de m'aider, pas de m'enfoncer encore plus.

HadrienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant