Debriefing

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Ce samedi, j'ai invité mes meilleurs potes : Julien, Paul, Mehdi et Marc, à venir manger à la maison. C'est une occasion de leur raconter mes premiers pas en tant que thérapeute. Bien sûr, ils ont fréquemment pris des nouvelles, chacun de leur côté, mais là je veux tous les voir en même temps.

– Alors, Hadrien, est-ce que nous avons eu raison de te pousser à changer de métier ?

– Je crois que oui.

– Ce n'est pas un grand enthousiasme.

Je remplis les verres, de champagne pour commencer, puisqu'il faut bien fêter ce changement de carrière à un moment donné.

– Je ne sais pas si je suis super compétent dans le domaine.

– En tout cas, tu as bien réussi avec Nicolas. Il s'est transformé en quelques semaines seulement.

– C'est aussi grâce à toi Mehdi. Vu que tu as pu m'expliquer plus clairement la situation, j'ai réussi à réorienter la thérapie pour qu'elle soit vraiment efficace.

– Il était en train de pourrir l'ambiance de sa classe et toi tu as tout remis en ordre.

– Il avait besoin d'affronter la vérité. C'est facile de se faire passer pour une victime. Dans son cas, ce n'était pas tout à fait la réalité.

– Moi je n'aurais pas su comment gérer ce problème. Je peux intervenir quand il se passe quelque chose dans l'enceinte de l'école. Mais maintenant, avec les réseaux sociaux, le harcèlement et les ragots envahissent la sphère digitale.

– Il se sentait vraiment mal dans sa peau. Au point de se venger sur les autres.

– Pour ne pas assumer ses responsabilités.

– Bah, souvenez-vous quand on avait cet âge ! Ce n'est pas facile de réaliser qu'on est homosexuel.

– D'une certaine manière, c'était peut-être plus simple à notre époque.

– Quoi ?

– Toujours à cause des réseaux sociaux. Nous, on ne devait affronter les autres que pendant les jours de classe. Une fois à la maison, on était coupés du monde extérieur.

– On a aussi connu Internet.

– Son émergence, il n'y avait pas toutes ces applications. Maintenant, les jeunes sont connectés en permanence. Et je crois que chacun peut voir ce que tu likes, les comptes que tu suis. Du coup, les autres comprennent vite tes préférences.

– Nous on pouvait encore se cacher aussi longtemps qu'on le voulait, avant d'être prêts à faire notre coming-out.

– Aujourd'hui c'est plus compliqué.

– Sauf si on utilise un pseudonyme.

– Bah, beaucoup aiment afficher leurs selfies, donc même avec un pseudo, on finit par être repéré par ceux qui nous connaissent.

– Et on peut faire beaucoup de mal avec des simples messages postés sur WhatsApp ou les autres trucs, je ne connais même pas toutes les possibilités.

– Sans se rendre compte de ce qu'on fait. Avant, les ragots c'était avec des amis proches, dans un coin de la cour, en chuchotant. Maintenant, on se sent invincible derrière son écran, on perd la notion de la réalité. On croit que ce qu'on dit et poste sur les réseaux n'a pas vraiment d'incidence.

– Alors que c'est dévastateur.

– L'essentiel, c'est que tu as bien aidé Nicolas. On voit qu'il se sent mieux dans sa peau.


J'apporte les apéritifs, puisqu'il faut accompagner les verres d'alcool pour éviter d'être saoul trop rapidement.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 02, 2023 ⏰

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