Sylvain 1

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Nous sommes déjà vendredi, ma première semaine se termine. Je ne suis pas vraiment satisfait de mes différentes prestations. Je n'ai pas eu l'impression d'aider grand monde avec mes conseils. Je crois que je ne suis pas fait pour ça. Mais désormais, j'ai en quelque sorte pris des responsabilités, oui, je suis responsable des personnes qui sont venues me voir et qui ont commencé à se confier à moi. Je ne peux donc pas brutalement arrêter, c'est impossible. Du moins, j'aurais mauvaise conscience de les laisser tomber. Parce que, le point positif, c'est que chacune de ces personnes s'est quand même confiée assez facilement. J'en conclue que j'inspire confiance, c'est déjà pas mal.

– Entrez, je vous en prie. Installez-vous. Un café ? Un thé ?

Moi je prendrais bien une boisson plus forte, mais je suis au travail ! Tout ce que je sais de ce patient c'est qu'il se prénomme Sylvain et qu'il a quarante-deux ans.

– Je vous écoute.

Il ne répond rien. Super, ça ne va pas être facile.

– Comment m'avez-vous trouvé ?

C'est une manière d'engager la conversation et en plus, c'est toujours intéressant à savoir, pour moi.

– Je passe beaucoup de temps sur Internet.

– Du fait de votre métier ?

– Pas vraiment, je bosse dans le BTP.

Je prends une gorgée de café. Sans doute que je suis déjà fatigué de ma semaine, qui pourtant n'était pas chargée. Mais j'ai l'impression de ne plus avoir d'énergie, de ne pas réussir à encourager la conversation alors que les réponses du patient sont fermées.

– Enfin, pour l'instant.

Quand même, une petite ouverture.

– Vous voulez changer de branche ?

– Non, j'ai été mis en congé forcé. Je dois me soigner.

– Une maladie précise ?

– Je ne sais pas si on peut parler de maladie.

– Votre employeur vous a quand même mis en congé forcé, vous ne voulez pas vous soigner ?

– Je ne sais pas comment faire.

Cette conversation ne mène nulle part, je n'ai pas encore le truc pour amener les patients directement à l'essentiel. Disons qu'il faut prendre son temps, ce n'est pas facile de venir voir un thérapeute et de s'ouvrir.

– Mon employeur est tombé sur mon compte Twitter.

– Je vois. Vous l'utilisez pour critiquer votre hiérarchie ?

– Ah non, pas du tout, j'aime mon job et je suis dans une équipe sympa.

Une nouvelle gorgée de café, je suis perdu, bloqué même, je n'arrive pas à enchaîner.

– Vous, enfin, vous aimez les hommes.

Waouh, ce n'était même pas une question, le patient est très intrusif.

– Pourquoi dites-vous cela ?

– Je ne sais pas, on le sent, entre nous, non ?

Je me contente de sourire, je n'ai pas à répondre aux questions des patients. Et puis de toute façon, il a compris.

– Vous, enfin, les mecs sur les chantiers, ça vous fait fantasmer ?

– Euh, j'avoue, parfois je regarde des vidéos de ce type, oui.

– Mon compte Twitter, c'est ça. Je me prends en photo, avec la tenue de chantier, le matériel et... dénudé.

– D'accord.

HadrienWhere stories live. Discover now