Nicolas 3

68 7 0
                                    

Nicolas revient pour sa troisième séance. Je ne sais pas du tout comment les choses se sont passées pour lui. Je devrais peut-être systématiquement laisser à mes patients la possibilité de m'appeler, s'ils rencontrent des difficultés. Mais j'ai peur que si j'autorise ce genre de chose, je n'arrive plus du tout à gérer. Il se pourrait que je sois embêté trop fréquemment. Et puis, je dois me souvenir que ce ne sont pas mes potes, ce sont bien des patients, j'imagine qu'il faut garder une certaine distance. Lorsqu'il entre, Nicolas s'installe comme s'il était chez lui. C'est une bonne chose qu'il soit à l'aise, cela veut dire que j'ai réussi à créer un espace de confiance. Je lui sers son café et, maintenant, je suis impatient de savoir ce qu'il a à me dire.

– Comment s'est passée cette semaine ?

– Elle a sans doute été la plus difficile de ma vie.

– Vous avez réussi à présenter vos excuses ?

– Je n'en ai pas dormi pendant deux nuits d'affilée. C'est tellement plus simple de dire du mal des autres, surtout sur les réseaux. Les affronter pour s'excuser, c'est presque insurmontable.

– J'imagine.

– J'ai commencé par les filles à propos desquelles j'ai déversé beaucoup de ragots.

– Pourquoi les filles d'abord ?

– Je ne sais pas, ça m'a semblé beaucoup plus simple. Parler de sentiments ou de choses personnelles avec elles, c'est plus facile. Et puis, elles sont directes, soit elles acceptent les excuses, soit on se prend une claque.

C'est sommairement résumé, mais ce n'est pas faux. Les mecs parlent moins facilement, entre eux, de ce qu'ils ressentent les uns envers les autres.

– Ça a plutôt bien fonctionné.

– Vous avez parlé à celle qui se rembourre le soutien-gorge ?

– Oui, je crois que c'est à elle que j'ai fait le plus de mal. Je lui ai présenté mes excuses et là, elle a fondu en larmes.

Je prends une gorgée de mon café, je le laisse parler.

– Elle a beaucoup souffert de ce que j'ai balancé sur le groupe WhatsApp. Elle ne voulait vraiment pas que tout le monde le sache. Moi je croyais qu'elle faisait juste ce genre de chose pour plaire aux garçons, pour séduire.

– Mais ce n'est pas le cas.

– Non, en fait elle est comme moi, extrêmement mal dans sa peau. Elle a honte que ses seins ne poussent pas aussi rapidement que ceux des autres filles.

– C'est une étape important pour elles et, effectivement, on peut très vite détester son corps parce qu'il ne se développe pas au même rythme que celui des copines.

– Ensuite, elle m'a remercié.

– Vraiment ?

– Oui, après mon message elle a arrêté de rembourrer son soutien-gorge. C'était une épreuve pour elle, mais peu à peu elle a assumé son corps tel qu'il est. Et apparemment, tout s'est bien passé.

– Continuez.

– Les autres filles l'ont encouragée et surtout rassurée, et puis finalement, les mecs s'en fichent. Elle est jolie, sa poitrine n'a pas une telle importance. Par contre, elle a un rêve.

– Lequel ?

– Elle espère que ses seins vont pousser pendant l'été. Parce qu'à la rentrée prochaine, c'est la fac et elle veut pouvoir être totalement fière de son corps.

– Elle vous a pardonné.

– Elle n'avait pas à le faire. Je suis juste content d'avoir pu lui parler et présenter mes excuses. Je pense qu'elle ne me pardonnera jamais vraiment, je lui ai fait beaucoup de mal. Mais peut-être que j'ai un peu apaisé ses souffrances.

HadrienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant