03. LANA

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♫ gracie abrams – friend  

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— Et un, et deux. Demi-plié, tendu, trois et quatre. On inspire, cinq. Rond de jambe à droite, six et sept. On expire, huit. Plus de légèreté dans vos bras, mesdemoiselles. On reprend, et un, deux, trois, quatre.

La voix stricte de madame Zarrata résonne aux quatre coins de la pièce. Tandis que son pied droit tape en rythme contre le parquet en bois de la salle de danse, le léger cliquetis des innombrables bracelets à ses poignets nous parvient aux oreilles, telle une petite mélodie accompagnant les mouvements de notre professeure.

— Le dos bien droit, mesdemoiselles, poursuit-elle. On est des danseuses, on est grâcieuses, on est légères. Je veux voir davantage cette légèreté. Hélène, votre pointe, plus tendue. Jane, relevez votre menton. Alia, le regard plus orienté vers votre bras. Voilà, joli épaulement, c'est mieux comme ça.

D'une rigueur et d'une technique irréprochable, cette femme est l'exemple même du travail acharné et de la détermination. L'exemple par excellence que les sacrifices finissent toujours par payer, que la perfection triomphe dès que l'on se donne les moyens de faire de nos rêves une réalité tangible. Imperturbable, passionnée et entièrement dévouée à la danse, madame Zarrata est sans aucun doute devenue bien plus qu'un modèle, bien plus qu'une simple source d'inspiration. Petit à petit, elle s'est mise à incarner véritablement pour moi cette figure de mentor. Et même si les opinions à son égard sont toujours très divisées au sein des danseurs, je suis prête à parier qu'une grande partie des élèves de l'école de danse ont aussi trouvé en elle un exemple de courage fascinant et infini. C'est juste qu'ils sont trop hypocrites et ont trop de fierté pour l'assumer.

— Grand plié, un, deux. Tendu, trois et quatre. Port de bras, cinq et six. Voilà, on s'applique bien. Et on marque mieux que ça les temps s'il vous plaît, sinon vos mouvements ne vont plus sur le rythme de la musique. Et on développe gauche en arabesque, sept, huit.

Mais derrière cette apparence sévère de professeur incorrigible se révèle aussi un grand cœur, à la fois bienveillant et attentionné. Madame Zarrata n'est pas qu'une voix forte et froide qui nous corrige sans arrêt, une moue exigeante et impassible ou encore un chignon strict qui accentue ses traits du visage déjà tirés. Non. En réalité, elle est aussi dotée d'une immense appétence pour le métier qu'elle exerce. On ne le soupçonnerait pas de prime abord sans la connaître, mais cette femme est indéniablement passionnée par son métier, elle ne vit que pour la danse, que pour nous en enseigner sa technique et son art. Ainsi, à travers le savoir qu'elle nous transmet, et les précieux conseils d'experte qu'elle nous prodigue à chaque cours, elle nous rend bien cet amour pour sa profession. Tout ce qu'elle fait, c'est pour nous. Pour que l'on s'améliore, que l'on gagne en précision, en rigueur, en justesse. Pour que l'on accède, toutes et tous, à la reconnaissance, à la gloire que l'on mérite. Car si madame Zarrata n'est pas toujours tendre dans ses commentaires, qu'elle ne nous fait pas de cadeaux quant à la technicité des chorégraphies et qu'elle est si exigeante dans la formation qu'elle nous offre, c'est qu'elle tient sincèrement à chacun d'entre nous. Et qu'elle tient à ce que l'on progresse dans les meilleures conditions possibles. Alors, ses critiques, ses remarques ne sont là que dans l'unique but de nous faire sortir de notre zone de confort. De nous pousser dans nos retranchements, en-dehors de nos limites. De nous motiver à toujours produire le meilleur de nous-mêmes, à atteindre notre maximum. Au fond, tout ce qu'elle veut, c'est notre épanouissement au sein de l'école, notre bonheur, notre réussite. C'est pour cela qu'elle est si dure et qu'avec elle, la discipline règne.

Dancing Our Fears [EN PAUSE]Where stories live. Discover now